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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT01243

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 avril 2023, 22NT01243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Chefd'Hotel a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le préfet de la région Bretagne lui a refusé l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée AO n°35 située à Reguiny, ensemble la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux. La SCEA Les Ruralies a demandé, dans la même instance, au tribunal d'annuler la décision du

22 mai 2019 par laquelle le préfet

de la région Bretagne a autorisé l'EARL Chefd'Hotel à exploiter la parcelle cadastrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Chefd'Hotel a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 22 mai 2019 par laquelle le préfet de la région Bretagne lui a refusé l'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée AO n°35 située à Reguiny, ensemble la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté son recours gracieux. La SCEA Les Ruralies a demandé, dans la même instance, au tribunal d'annuler la décision du

22 mai 2019 par laquelle le préfet de la région Bretagne a autorisé l'EARL Chefd'Hotel à exploiter la parcelle cadastrée YB n°24 située à Evellys-Naizin.

Par un jugement n°1905729 du 9 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 22 mai 2019 et la décision de rejet du recours gracieux contre cette décision et rejeté la demande de la SCEA Les Ruralies.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 25 avril 2022 sous n° 22NT01243 et un mémoire enregistré le 31 août 2022, M. D... C..., représenté par Me Peignard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2022 en tant qu'il a annulé la décision du 22 mai 2019 portant refus d'autorisation d'exploiter à l'encontre de l'EARL Chefd'Hotel et de rejeter la demande présentée par l'EARL Chefd'Hotel devant le tribunal administratif de Rennes ;

2°) de mettre à la charge de l'EARL Chefd'Hotel la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de l'EARL Chefd'Hotel devant le tribunal était irrecevable, dès lors que le tribunal a été saisi, après l'expiration du délai de recours qui est intervenu le 14 novembre 2022 ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que l'EARL Chefd'Hotel bénéficiait d'une autorisation tacite d'exploiter les parcelles en litige, dès lors que la décision expresse de refus d'exploiter du 22 mai 2019 est intervenue dans le délai de six mois prévue par l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans l'instance 22NT01368.

La requête a été communiquée à l'EARL Chefd'Hotel et à la SCEA Les Ruralies qui n'ont pas produit d'observations, par ministère d'avocat.

Les parties ont été informées par un courrier du 16 mars 2023 de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office et tiré de l'irrecevabilité de la requête, dès lors que la qualité de bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter la parcelle AO n° 35 de M. C... ne lui donne pas qualité pour faire appel contre le jugement attaqué qui annule la décision refusant à l'EARL CHEFD'HOTEL l'autorisation d'exploiter cette parcelle ; en effet, M. C... n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition contre ce jugement dans le cas où il n'aurait pas été appelé à la cause en première instance (CE, 10 février 2020, n° 423034).

II. Par une requête enregistrée le 6 mai 2022 sous le n° 22NT01368, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la décision du 22 mai 2019 portant refus d'autorisation d'exploiter à l'encontre de l'EARL Chefd'Hotel et de rejeter la demande présentée par l'EARL Chefd'Hotel devant ce tribunal.

Il soutient que :

- la demande présentée par l'EARL Chefd'Hotel devant le tribunal était irrecevable, dès lors que le tribunal a été saisi, après l'expiration du délai de recours de deux mois francs à compter de l'intervention le 12 septembre 2019 de la décision implicite de rejet du recours gracieux de l'EARL ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision contestée était entachée d'erreur de droit, dès lors que l'administration a regardé la demande de M. C... comme une demande concurrente.

La requête a été communiquée à M. C..., à l'EARL Chefd'Hotel et à la SCEA Les Ruralies qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 novembre 2018, l'EARL Chefd'Hotel a demandé au préfet de la région Bretagne l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AO n°35, AO n°43 et

AO n°45 situées à Reguiny, et la parcelle cadastrée YB n°24 située à Evellys-Naizin. Cette demande a fait l'objet de la publicité prévue aux articles R. 331-4 et D. 331-4-4 du code rural et de la pêche maritime, avec cependant une erreur sur la parcelle AO n°35 qui n'a pas fait l'objet de publicité, l'administration ayant rendue publique une demande sur la parcelle HO n° 35. Le 14 février 2019, M. C... a également présenté une demande d'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées AO n°35, AO n°43 et AO n°45. La limite pour l'enregistrement des demandes concurrentes était fixée au 11 février 2019. Par une décision du 4 mars 2019, le préfet de la région Bretagne a autorisé l'EARL Chefd'Hotel à exploiter les parcelles cadastrées HO n°35, AO n°43 et AO n°45, et la parcelle cadastrée YB n°24. Par un courriel du 20 mars 2019, l'EARL Chefd'Hotel a fait valoir au préfet que sa demande ne portait pas sur la parcelle cadastrée HO n°35, mais sur celle cadastrée AO n°35. Par une décision du 22 mai 2019, le préfet de la région Bretagne a refusé de l'autoriser à exploiter cette dernière parcelle, en raison du caractère prioritaire de la candidature de M. C... sur cette parcelle. L'EARL Chefd'Hotel a formé, le 10 juillet 2019, un recours gracieux contre cette décision. Par un jugement du 9 mars 2022, dont M. C... et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relèvent appel, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 22 mai 2019 et la décision implicite rejetant le recours gracieux.

2. Les requêtes n° 22NT01243 et n° 22NT01368, présentées pour M. C... et par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions présentées par M. C... :

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ".

4. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours.

5. M. C... ne tirait pas de sa qualité de bénéficiaire de l'autorisation d'exploiter les terres dont le préfet de la région Bretagne avait refusé l'autorisation d'exploiter à l'EARL Chefd'Hotel par les décisions litigieuses, un droit qui lui aurait donné qualité pour former tierce opposition au jugement annulant ce refus, au cas où il ne serait pas intervenu devant le tribunal. Par suite, son appel contre le jugement attaqué est irrecevable et sa requête ne peut qu'être rejetée en toutes ses conclusions.

Sur les conclusions présentées par le ministre :

6. D'une part, aux termes de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ". L'article L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration précise que : " Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'administration initialement saisie (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...). ". L'article R. 112-5 du même code dispose que : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : / 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; / 2° La désignation, l'adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier ; / 3° Le cas échéant, les informations mentionnées à l'article L. 114-5, dans les conditions prévues par cet article. / Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. (... ). ".

8. Il ressort des pièces produites en appel par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation que le recours de l'EARL Chefd'Hotel contre la décision contestée du 22 mai 2019 a été reçu par le préfet de la région Bretagne le 12 juillet 2019. Le préfet a accusé réception auprès de l'EARL, de ce recours gracieux par un courrier du 18 juillet 2019 qui comportait les mentions requises par l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration et précisait notamment qu'en l'absence de réponse au 12 septembre suivant, la décision initiale serait maintenue et pourrait être contestée par un recours contentieux dans les deux mois suivant cette date. Une décision implicite de rejet de ce recours gracieux est ainsi née le 12 septembre 2019 du silence gardé par l'administration sur ce recours, qui n'a fait l'objet d'aucune décision expresse de rejet. Il s'ensuit que la demande de l'EARL Chefd'Hotel, enregistrée le 18 novembre 2019 au greffe du tribunal, a été présentée après l'expiration du délai de recours de deux mois, et était donc, pour cette raison, irrecevable.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a, par le jugement attaqué, annulé les décisions contestées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 mars 2022 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 22 mai 2019 portant refus d'autorisation d'exploiter à l'encontre de l'EARL Chefd'Hotel ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL Chefd'Hotel devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : La requête n° 22NT01243 est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Chefd'Hotel, à M. C..., à la SCEA Les Ruralies et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le rapporteur,

X. B...Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01243,22NT01368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01243
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : PEIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt01243 ?
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