Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le préfet de la région Bretagne a approuvé et rendu obligatoire la délibération du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne n°2018-053 " Algues-CRPMEM B1 " du 31 août 2018 fixant le nombre de licences et l'organisation des campagnes de pêche des goémons poussant en mer (Laminaria Digitata) sur le littoral de la région Bretagne ainsi que cette délibération.
Par un jugement no 1900288 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 février, 27 juin, 13 octobre et
13 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Moreau-Verger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2018 et la délibération du 31 août 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que :
* le tribunal l'a insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'autorité administrative au regard des articles L. 921-2-2, R. 912-31 et R.912-32 du code rural et de la pêche maritime relatifs à la création des zones de pêche ;
* le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie ;
-les décisions contestées sont privées de base légale, dès lors que l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 17 juillet 2018 approuvant la délibération du 9 juillet 2018 du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne (CRPMEM) " Algues-CRPMEM A " fixant les conditions d'attribution de la licence de pêche des goémons sur le littoral de la région Bretagne, ainsi que cette même délibération, qui ont été annulés par un jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes, sont illégales ; les décisions contestées doivent ainsi être annulées par voie de conséquence des annulations prononcées par ce jugement ;
- la délibération contestée est illégale, dès lors qu'elle emporte le retrait illégal d'une décision créatrice de droit d'octroi d'une licence annuelle de pêche ;
- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de fait et d'appréciation, dès lors que le risque de surexploitation des algues dans la zone litigieuse, la zone 5, n'est pas établi ;
- elles sont entachées d'erreur de droit, en ce que le nombre de licences accordées est sans impact sur une éventuelle surexploitation des algues, dès lors qu'en début de campagne, le CRPMEM fixe un nombre de tonnes de goémons global susceptible d'être récolté pour une zone et que la campagne s'arrête automatiquement si ce chiffre est atteint ;
- elles sont entachées d'erreurs de droit au regard des dispositions de l'article
L. 921-2 du code rural et de pêche maritime, dès lors que :
* elles prennent en compte la taille des navires au titre des équilibres socio-économiques ;
* elles mettent en œuvre un critère d'antériorité déterminé sur le fondement des précédentes délibérations du CRPEMEM qui ont été annulées ;
* elles ne prennent pas en compte les équilibres socio-économiques en ce que l'attribution de licences par zones est très disparate à l'égard de la ressource en goémon dans ces différentes zones, celle-ci étant beaucoup plus abondante en zone 5 ;
* le critère des orientations du marché n'a pas été pris en compte ;
- les décisions contestées méconnaissent le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;
- elles méconnaissent le principe d'égalité entre les acteurs de la pêche, compte tenu de la situation plus favorable des titulaires de licence en zone 5 ;
- elles sont entachées d'une erreur d'appréciation, dès lors que des mesures de police auraient permis d'atteindre le même objectif d'intérêt général avec une atteinte moindre à la liberté du commerce et de l'industrie, tels que le roulement ou la limitation de l'accès par la seule application effective des critères déjà en place ;
- il s'en remet pour le reste à ses écritures en première instance.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mai, 15 septembre et 25 novembre 2022, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne, représenté par Me Vendé, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Moreau-Verger, représentant M. C..., et de Me Vendé, représentant le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... exploite deux navires professionnels de pêche destinés aux algues Laminaria digitata et Laminaria Hyperborea, immatriculés à Brest (Finistère). Par une délibération n° 2017-006 " Algues-CRPMEM-A " du 21 avril 2017 approuvée et rendue obligatoire par un arrêté du préfet de la région Bretagne du 10 mai 2017, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne a créé et fixé les conditions d'attribution de la licence spéciale pour la pêche des algues marines Laminaria Digitata et Laminaria Hyperborea. Par une délibération n° 2017-007 du même jour, approuvée et rendue obligatoire par un arrêté du préfet de la région Bretagne du 10 mai 2017, le même comité a fixé le nombre de licences au titre de la campagne 2017 et l'organisation des campagnes de pêche des algues marines Laminaria Digitata sur le littoral de la région Bretagne. Par une décision
n°084-2017 du 2 mai 2017, le président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Bretagne a rattaché l'activité des navires de M. C... aux zones de pêche 4 et 6 et non à la zone 5, dite de Molène, au sein de laquelle l'intéressé souhaiterait pouvoir pêcher les algues Laminaria digitata. Par un jugement du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces cinq décisions. La cour a rejeté par un arrêt du 26 mars 2021, le recours formé contre ce jugement. Par une délibération n° 2018-047 " Algues-CRPMEM A " du 9 juillet 2018, approuvée par l'arrêté du préfet de la région Bretagne du
17 juillet 2018, le CRPMEM de Bretagne a fixé les conditions d'attribution de la licence de pêche des goémons poussant en mer (Laminaria Digitata et Hyperborea) sur le littoral de la région Bretagne. Par un jugement n° 19000006 du 17 décembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 9 juillet 2018 et l'arrêté du 17 juillet 2018. Par la délibération n°2018-053 " Algues-CRPMEM B1 " du 31 août 2018, approuvée par un arrêté du 16 novembre 2018 du préfet de la région Bretagne, le CRPMEM de Bretagne a fixé le nombre de licences et l'organisation des campagnes de pêche des goémons poussant en mer (Laminaria Digitata) sur le littoral de la région Bretagne. Par un jugement n° 1900288 du 17 décembre 2021, dont
M. C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 31 août 2018 et de l'arrêté du 16 novembre 2018.
Sur la légalité de la délibération du 31 août 2018 et de l'arrêté du 16 novembre 2018 :
2. D'une part, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 912-31 du code rural et de la pêche maritime : " En application de l'article L. 921-2-1, les délibérations adoptées à la majorité des membres du conseil du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, ou du bureau par délégation de ce dernier, peuvent être rendues obligatoires, dans les limites des eaux territoriales, par arrêté de l'autorité administrative désignée à l'article R. 911-3 à laquelle elles sont notifiées, notamment lorsqu'elles prévoient : / 1° Des mesures d'adéquation des capacités de pêche à la ressource disponible, par l'institution et le contingentement d'autorisations de pêche, par l'ajustement de l'effort de pêche et par la définition et la normalisation des caractéristiques des engins de pêche (...) ; / 3° La définition des conditions de récolte des végétaux marins et de leur culture. ". Aux termes de l'article R. 912-32 du même code : " En application de l'article L. 921-2-2, les délibérations adoptées à la majorité des membres du conseil du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, ou du bureau par délégation de ce dernier, peuvent être rendues obligatoires par arrêté de l'autorité administrative désignée à l'article R. 911-3, à laquelle elles sont notifiées, lorsqu'elles prévoient des mesures réglementant la pêche des espèces qui ne sont pas soumises à un total autorisé de captures ou à des quotas de captures en application d'un règlement de l'Union européenne et relatives : / 1° A l'organisation des pêcheries en ce qui concerne la limitation du temps de pêche, la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la pêche de certaines espèces, la définition de zonages ou de carroyages particuliers ; / 2° A la limitation du volume des captures de certaines espèces, par la définition de quotas de pêche fixés par zone ou par période et par la répartition et la gestion de ces quotas à l'échelon régional ou portuaire ou par unité d'effort (flottille, navires ou nombre d'hommes embarqués). ".
4. La délibération n° 2018-047 " Algues-CRPMEM A " du 9 juillet 2018 du CRPMEM de Bretagne avait pour objet de fixer les conditions d'attribution de la licence de pêche des goémons poussant en mer (Laminaria Digitata et Hyperborea) sur le littoral de la région Bretagne. Elle prévoyait, à son article 1er, que " la pêche des goémons poussant en mer Laminaria digitata et Laminaria Hyperborea sur l'ensemble des eaux relevant de la circonscription du CRPMEM de Bretagne est soumise à la détention d'une licence spéciale. Pour chacune de ces deux espèces, le périmètre peut être divisé en différentes zones de pêches. Seuls les navires titulaires de cette licence sont autorisés à pratiquer la pêche des goémons poussant en mer Laminaria digitata et Laminaria Hyperboréa dans ce périmètre et dans les zones ouvertes à la pêche. ". La même délibération disposait, à son article 2, notamment que : " Le CRPMEM peut fixer par délibération pour chaque campagne : / - des zones de pêche / - une gestion spécifique par zone de pêche,/ - un contingent global de licences, un contingent de licences par CDPMEM , et/ou un contingent de licences par zone de pêche /- des dates d'ouverture et de fermeture de la pêche pour l'ensemble du périmètre et/ou par zone de pêche, / - des zones interdites à la pêche, / - des quotas de pêche globaux, par licence et/ou par zone de pêche et par espèce / - des quantités maximales autorisées à pêcher par navire (...). " Elle fixait, à son article 3, les modalités d'attribution des licences.
5. Par ailleurs, la délibération contestée fixant le nombre de licences et l'organisation des campagnes de pêche des goémons poussant en mer (Laminaria digitata) sur le littoral de la région Bretagne vise la délibération n° 2018-047 " Algues-CRPMEM A " du 9 juillet 2018 et dispose, à son article 1er, que " dans le périmètre défini à l'article 1er de la délibération " Algues-CRPMEM-A " en vigueur, il est créé 9 zones de pêche distinctes définies ci-dessous, pour la pêche de la Laminaria digitata ". Elle fixe à son article 2 le nombre de licences de pêche du goémon poussant en mer sur le littoral de la Région Bretagne, ainsi qu'à son article 3 un sous-contingent de licence de cette pêche par zone. A ce même article, elle dispose que " la procédure de dépôt du dossier et d'examen des demandes de licences des goémons poussant en mer Laminaria digitata est définie aux articles 4 et 5 de la délibération n° 2018-047 " Algues-CRPMEM-A " du 9 juillet 2018 (...). "
6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5, que la délibération du 9 juillet 2018 et l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2018 qui approuve et rend obligatoire cette délibération constituent la base légale des décisions contestées. A cet égard, l'article 2 de cette délibération qui prévoit notamment que le CRPMEM peut fixer par délibération pour chaque campagne un contingent global de licences et/ou un contingent de licences par zone de pêche, ne saurait être regardé, contrairement à ce que fait valoir le CRPMEM de Bretagne, comme un simple rappel des dispositions réglementaires régissant les comités régionaux. Il attribue en effet au CRPMEM la compétence notamment pour fixer un contingent de licences par zone, que la délibération contestée du 31 août 2018 met en œuvre.
7. Or, par un jugement du 17 décembre 2021 n° 1900006, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 9 juillet 2018 ainsi que l'arrêté du préfet de la région Bretagne du 17 juillet 2018 approuvant et rendant obligatoire cette délibération. Par suite, ainsi que le soutient M. C..., la délibération du 31 août 2018 et l'arrêté du 16 novembre 2018 qui l'approuve et la rend obligatoire doivent également être annulés par voie de conséquence.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, ni les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que, c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 31 août 2018 et de l'arrêté du 16 novembre 2018.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900288 du 17 décembre 2021, l'arrêté du 16 novembre 2018 du préfet de la région Bretagne approuvant et rendant obligatoire la délibération du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne n°2018-053 " Algues-CRPMEM B1 " du 31 août 2018 ainsi que cette délibération sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne et à la Première ministre.
Une copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire et au préfet de la région Bretagne.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 7 avril 2023.
Le rapporteur,
X. B...Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne à la Première ministre en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00529