Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 mars 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 29 décembre 2017 de l'ambassadeur de France au Cameroun.
Par un jugement n° 1804473 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2021, Mme C... B..., représentée par Me Kengne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 mars 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et à l'ambassadeur de France au Cameroun de lui délivrer un visa de retour en France à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la décision de l'ambassadeur de France :
o le motif tiré de l'existence d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ;
o la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en ce qui concerne la décision de la commission de recours :
o la commission de recours, en substituant un autre motif à celui initialement retenu par l'ambassadeur de France au Cameroun, a commis une erreur de droit ;
o le motif tiré de ce que la période de validité de son titre de séjour en France était arrivée à expiration est entaché d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
o la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2022 et le 1er février 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision de l'ambassadeur de France au Cameroun est inopérant ;
- aucun des autres moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née en 1973, déclare séjourner régulièrement en France depuis 2002. En décembre 2017, elle a sollicité auprès de l'ambassade de France au Cameroun la délivrance d'un visa " de retour " en France. Par une décision du 29 décembre 2017, l'ambassadeur de France a refusé de lui délivrer le visa sollicité. L'intéressée a alors saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Par une décision du 14 mars 2018, la commission a rejeté ce recours. Mme B... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...). Aux termes de l'article L. 212-1 du même code, alors en vigueur : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger titulaire d'un titre l'autorisant à séjourner en France peut quitter le territoire national et y revenir, tant que ce titre n'est pas expiré, en se voyant délivrer un " visa de retour ", lequel présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.
3. Il ressort des pièces du dossier que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus de visa opposé à Mme B... au motif que l'intéressée ne pouvait pas légalement prétendre à la délivrance d'un " visa de retour ", son récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour étant arrivé à expiration le 6 novembre 2017, soit avant le dépôt de sa demande de visa. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, et notamment de la mesure d'instruction diligentée par la cour, que Mme B... était titulaire, depuis le 20 août 2017, d'une carte de résident en France, valable dix ans. Dans ces conditions, et alors même que ce titre de séjour n'avait pas encore été remis en mains propres à l'intéressée, la commission de recours ne pouvait pas légalement refuser de lui délivrer un " visa de retour " en France. Il ne résulte pas de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur l'autre motif de refus tiré de l'existence de prétendues incohérences quant à la situation familiale de l'intéressée.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un " visa de retour " à Mme B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2021 et la décision du 14 mars 2018 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme B... un " visa de retour " en France dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Le Brun, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.
Le rapporteur,
Y. A...
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03081