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24/03/2023 | FRANCE | N°22NT03441

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mars 2023, 22NT03441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 du préfet de l'Orne l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201323 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 novembre 2022 et 4 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Scelles, demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juillet 2022 ;

2°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 mai 2022 du préfet de l'Orne l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2201323 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 novembre 2022 et 4 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Scelles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juillet 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit, en ce qu'il se fonde sur le 3° de l'article

L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'un erreur manifeste d'appréciation ;

- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et de venir protégée par l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité russe et d'origine tchétchène, né le 8 décembre 1980, est entré irrégulièrement en France en 2003, selon ses déclarations. Le 4 janvier 2006 il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié sous l'identité d'emprunt de M. E..., Par une décision du 16 décembre 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mars 2016, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (O.F.P.R.A.) a cessé de lui reconnaître la qualité de réfugié au motif qu'il était retourné en Tchétchénie sans nécessité impérieuse en 2014. M. B... est entré à nouveau irrégulièrement sur le territoire français le 27 avril 2015 selon ses déclarations. Le 9 juin 2017, il a déposé sous sa véritable identité une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par une décision du 3 février 2018 cette demande a été rejetée. Son recours contre cette décision a été rejetée le

3 mai 2022 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 11 mai 2022, le préfet de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Caen rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En vertu du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°. Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision./ Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".

3. En premier lieu, d'une part, l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, et bien qu'il ne rappelle pas la durée du séjour en France de l'intéressé avant son départ en Tchétchénie en 2014 et la reconnaissance de la qualité de réfugié en 2006 sous une identité frauduleuse, il est suffisamment motivé. D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet a procédé, préalablement à son édiction, à un examen particulier de la situation du requérant.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté contesté, en ce qu'il porte obligation de quitter le territoire français, se fonde sur les dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non sur celles du 3° de cet article. L'erreur de droit soulevée à cet égard ne peut, dès lors, qu'être écartée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. ". Le requérant, qui ne se séjournait plus en situation régulière sur le territoire français, ne peut utilement invoquer ces stipulations.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

7. M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France et, en particulier, de celle de 2003 à 2014 en qualité de réfugié. Il soutient qu'il serait retourné en 2014 en Tchétchénie et aurait perdu pour cette raison la qualité de réfugié. Toutefois cette qualité a été obtenu sous une identité frauduleuse. Il fait valoir qu'il a travaillé en France durant cette période, en qualité de maçon mais n'étaye toutefois pas ces allégations d'éléments probants. A la date de l'arrêté contesté, il se trouvait en France sans travail ni ressources, et vivait séparément de la mère de son enfant, née en France, le 15 novembre 2013. Si le requérant fait valoir que la mère de son enfant est de nationalité moldave, et non russe, et a vocation à rester en France, cette allégation n'est pas corroborée par des éléments du dossier. Il ne ressort pas, en effet, des pièces du dossier que la mère de l'enfant du requérant et cet enfant auraient vocation à rester durablement en France ou que le requérant ne pourrait contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans un autre pays que la France. S'il produit, en appel, la décision du 17 septembre 2021 du juge aux affaires familiales qui prévoit au bénéfice de M. D..., son alias, un droit de visite de l'enfant deux jours par semaine, il n'est pas établi, par les quelques photographies qu'il produit à l'instance, qu'il entretient effectivement des liens réels, intenses et constants avec son enfant et il ressort de plus de cette décision qu'il ne participe pas à son entretien compte tenu de son impécuniosité. A la date de l'arrêté contesté, il ne disposait d'aucune perspective concrète d'emploi en dépit d'une attestation d'une entreprise d'intérim qui déclare qu'elle est susceptible de l'employer comme maçon au cas où il serait en situation régulière. Il ressort de plus des pièces du dossier que l'intéressé a de la famille ailleurs qu'en France et notamment en Russie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a été pas pris sans que le préfet ait accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant de M. B.... Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet de l'Orne n'a pas méconnu les stipulations citées au point précédent et ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

9. Si M. B... fait valoir qu'il a été réfugié en France, il a perdu cette qualité en 2016 en raison de son retour en Tchétchénie. Les autres éléments relatifs à sa situation qu'il fait valoir et notamment le fait que son frère ait obtenu la qualité de réfugié en France ne suffisent pas à établir qu'il serait actuellement et personnellement exposé à des risques en cas de retour en Russie. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 3 mai 2022, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au précédent doit être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ".

11. Le requérant qui a perdu en 2014 la qualité de réfugié et qui s'est vu refuser cette qualité définitivement le 3 mai 2022 ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

Le rapporteur

X. A...Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT034412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03441
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Xavier CATROUX
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCELLES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-24;22nt03441 ?
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