Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes l'a suspendue de ses fonctions, dans le cadre de l'obligation vaccinale contre la covid-19.
Par une ordonnance n° 2105826 du 11 août 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 octobre 2022, 9 et 16 février 2023, Mme C..., représentée par Me Hubert, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 11 août 2022 ;
2°) d'annuler cette décision du 15 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au CHU de Rennes de lui verser à compter du 15 septembre 2021 et pendant toute la durée de la suspension, la rémunération à laquelle elle a droit dans le cadre de l'exercice effectif de ses fonctions, d'assimiler la période de suspension à une période de travail effectif pour la détermination de ses droits à congés payés et pour ses droits à l'ancienneté et de régulariser sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge du CHU de Rennes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce que :
. il a été porté atteinte au principe du contradictoire, en méconnaissance des articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au respect des droits de la défense, garanti notamment par l'article 14 du code de procédure civile ;
. cette ordonnance statue infra-petita en ce qu'elle ne s'est pas prononcée sur les moyens qu'elle avait soulevés ;
- l'ordonnance attaquée est infondée :
. l'auteur de la décision de suspension n'était pas compétent ;
. la décision de suspension est insuffisamment motivée par la seule référence à son refus de rencontrer le directeur des ressources humaines sans son avocat et sans que ne soit évoqué sa position en matière de vaccination ou de congés payés ;
. la procédure de suspension prévue par le 2 du II-C de la loi du 5 août 2021 n'a pas été respectée ; le centre hospitalier n'a pas recueilli sa position avant de prendre sa décision de suspension ; elle a été placée d'office en congés entre la date de convocation et celle de l'entretien en méconnaissance des dispositions du décret du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires ;
. elle n'a pas été invitée à faire valoir ses droits à congés payés et n'a pas été rémunérée de ses heures supplémentaires ou de son compte épargne temps et a ainsi été privée des garanties liées à l'exercice de son activité professionnelle ;
- l'annulation de la décision en litige implique que les salaires et avantages qui y sont liés lui soient versés à compter du 20 septembre 2021 et sur toute la période de suspension.
Par des mémoires enregistrés les 9 janvier et 13 février 2023, le CHU de Rennes, représenté par Me Lacroix, demande à la cour de rejeter la demande de Mme C... et de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
- et les observations de Me Lietavova, représentant le centre hospitalier universitaire de Rennes.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 septembre 2021, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes a suspendu de ses fonctions, à compter du même jour, sans traitement et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de
contre-indication à la vaccination contre la Covid-19, Mme C..., infirmière diplômée d'État, exerçant dans cet établissement. L'intéressée relève appel de l'ordonnance du 11 août 2022 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative " (...) les présidents des formations de jugement des tribunaux peuvent (...), par ordonnance / (...) / 7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. La circonstance que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a statué par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sans audience publique, ne porte, par elle-même, aucune atteinte au respect du principe du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, ni au droit à un recours effectif. Alors qu'il était loisible à Mme C... à qui un délai d'un mois a été imparti pour, si elle le jugeait utile, répliquer aux observations en défense présentées par le centre hospitalier universitaire de Rennes, qui lui avaient été communiquées, ce qu'elle n'a pas fait, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.
4. En second lieu, il ressort des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que le premier juge a répondu à l'ensemble des moyens qui étaient soulevés devant lui. Au demeurant si la requérante soutient que l'ordonnance attaquée aurait omis de se prononcer sur un ou des moyens qu'elle aurait présentés devant le premier juge, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
5. Il s'ensuit que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée serait irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. En premier lieu, l'article L. 6143-7 du code de la santé publique dispose que : " Le directeur dispose d'un pouvoir de nomination dans l'établissement. (...). Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel (...) ". Aux termes de l'article D. 6143-33 du même code : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. " et aux termes de l'article D. 6143-35 du même code : " Les délégations mentionnées à la présente sous-section, de même que leurs éventuelles modifications sont notifiées aux intéressés et publiées par tout moyen les rendant consultables. (...) ". Enfin aux termes de l'article D. 6143-38 du même code qui s'applique sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du même code, les décisions réglementaires des directeurs des établissements publics de santé " sont affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet et aisément consultables par les personnels et les usagers. Lorsque ces décisions ou délibérations font grief à d'autres personnes que les usagers et les personnels, elles sont, en outre, publiées au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l'établissement a son siège (...) ".
7. Par une décision n° 2021-174 du 7 juillet 2021, Mme F..., directrice générale du CHU de Rennes, a donné délégation à M. A..., directeur des ressources humaines, à l'effet de signer, notamment, " (...) / les pièces et décisions relatives à la nomination, à l'affectation, à la carrière (...) des personnels stagiaires et titulaires de la fonction publique hospitalière ". Cette décision a été affichée, le même jour, sur le panneau dédié à cet effet ainsi qu'il ressort de l'attestation établie par Mme D..., attachée d'administration hospitalière. Ainsi, alors même que la requérante soutient que cette attestation n'a pas la valeur d'un témoignage, le centre hospitalier universitaire apporte la preuve qui lui incombe de ce que le signataire de la décision en litige, qui ne fait grief qu'à son destinataire, dispose d'une délégation régulièrement publiée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige ne peut qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, la décision du 15 septembre 2021 énonce avec suffisamment de précision les considérations de fait et de droits sur lesquelles elle est fondée ; le moyen tiré de son défaut de motivation doit être écarté.
9. En troisième lieu, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dispose que : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 2° Les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, lorsqu'ils ne relèvent pas du 1° du présent I (...) ". L'article 14 de cette loi prévoit que : " I. (...) B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (...). Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".
10. Mme C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 2° du C du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa version issue de l'article 1er de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dès lors qu'étant infirmière diplômée d'Etat exerçant dans un établissement de santé mentionné à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, sa situation ne peut être régie que par les dispositions, de caractère spécial, du chapitre 2 de la loi du 5 août 2021, en particulier les dispositions citées au point précédent, et non par celles qui, comme le texte de la disposition qu'elle cite, relèvent des dispositions générales de la loi.
11. Par ailleurs, les dispositions mentionnées ci-dessus de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 prévoient que l'employeur doit informer l'agent public des conséquences de l'interdiction faite à un agent non vacciné de poursuivre l'exercice de son activité ainsi que des moyens de régulariser sa situation.
12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que par un courrier qui lui a été adressé le 4 août 2021 et dont la teneur lui a été rappelée par un courriel du 10 août suivant puis par des correspondances des 6 et 9 septembre 2021, Mme C... a été précisément informée des obligations s'imposant tant aux agents hospitaliers qu'à leur employeur en matière de lutte contre la propagation de l'épidémie de covid 19. A cette occasion, outre le rappel de l'obligation vaccinale, les mesures d'accompagnement mises en place par le CHU ont été portées à sa connaissance. En particulier, il lui a été indiqué les conséquences du non-respect de l'obligation vaccinale, qu'elle pourra être reçue en entretien à la direction des ressources humaines et en tout état de cause qu'elle pourra, en accord avec l'employeur, utiliser des jours de congés annuels, de RTT ou de repos compensateurs. Mme C..., dument informée de ses droits et dont il est constant qu'elle n'a pas cherché à les mettre en œuvre, n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du bénéfice des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le rejet des conclusions à fin d'annulation n'appelle aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme C... ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Rennes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par Mme C... ne peuvent dès lors être accueillies.
16. En revanche, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de Mme C..., partie perdante, la somme de 200 euros qui sera versée au CHU de Rennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera au CHU de Rennes la somme de 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au centre hospitalier régional et universitaire de Rennes.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.
La rapporteure,
C. B...
Le président,
D. SALVI
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03253