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24/03/2023 | FRANCE | N°22NT02523

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 24 mars 2023, 22NT02523


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 février 2021 du préfet du Morbihan lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102157 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2022, M. C..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 avril 202

2 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre prin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 février 2021 du préfet du Morbihan lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2102157 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2022, M. C..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 avril 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 16 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de cette notification et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- le préfet ne pouvait légalement se fonder sur l'existence d'une menace à l'ordre public pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2023, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant de la République du Congo, né le 7 juin 1986, est entré irrégulièrement en France en 1997, selon ses déclarations. Après avoir bénéficié d'une carte de séjour temporaire en 2015, renouvelée en 2016, il s'est vu délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "vie privée et familiale" valable du 12 mars 2017 au 11 mars 2019. L'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 février 2021, le préfet du Morbihan a rejeté sa demande. M. C... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, aux points 3 et 4 de leur jugement, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour serait entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 313-11 de ce code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article L. 313-17 du même code : " I. - Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 311-1, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : (...) / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (...). II. - L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance prévues au 2° du I du présent article ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'un étranger remplissant l'une des conditions énumérées aux 1° à 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sous la seule réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

5. Pour refuser à M. C... le renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle qui lui avait été délivrée en qualité de parent d'enfant français, le préfet du Morbihan s'est fondé sur le motif tiré de ce que la présence de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public. Il ressort en effet des pièces du dossier et notamment du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que l'intéressé s'est rendu coupable de faits d'agression sexuelle et de fourniture d'une fausse identité commis en 2008 et a été condamné à ce titre le 10 mars 2014 par la cour d'appel de Bastia à une peine de deux ans d'emprisonnement et à une amende. M. C... a, de nouveau, été condamné le 1er mars 2016 par un jugement du tribunal correctionnel de Lorient à une peine de 140 heures de travail d'intérêt général pour des faits commis en janvier 2016 d'outrage et de menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique et personne chargée d'une mission de service public, ainsi que des faits de rébellion. Le requérant s'est encore rendu coupable en avril 2019 d'outrage à une personne chargée d'une mission de service public et de menace de crime ou délit contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un chargé de mission de service public, faits commis en récidive et pour lesquels il a été condamné par un jugement du 26 avril 2019 du tribunal correctionnel de Lorient à une peine de huit mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans. Dans ces conditions, alors même que la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à la nature, la gravité et la répétition des faits commis par M. C..., le préfet du Morbihan a pu légalement, sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il n'y avait pas lieu, pour cette raison, de lui délivrer un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 3 doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. C... se prévaut de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français où il serait entré en 1997, à l'âge de onze ans, selon ses dernières déclarations, ainsi que de sa qualité de père de deux enfants de nationalité française, nés en 2003 et 2012. Toutefois, l'intéressé ne justifie pas, par les documents qu'il produit, constitués notamment d'attestations peu circonstanciées établies postérieurement à l'arrêté contesté, de l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec ses deux enfants, qui résident avec leurs mères respectives, ni de sa participation à leur entretien et à leur éducation. Le requérant, qui a déclaré que sa mère résidait en République du Congo, n'établit pas davantage l'existence de liens étroits avec les autres attaches qu'il aurait en France, constituées de ses trois frères, dont deux seraient de nationalité française, de la personne qui l'héberge et de l'enfant de cette dernière. Il ne justifie ni d'une perspective professionnelle précise ni, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 5, d'une particulière intégration. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de la menace pour l'ordre public que constitue la présence en France de M. C... et en dépit de la durée de sa présence sur le territoire français, l'arrêté contesté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, eu égard à son objet et à ses effets, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour, qui n'a par lui-même ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants, aurait été pris en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2023.

La rapporteure,

C. A... Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT025232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02523
Date de la décision : 24/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-24;22nt02523 ?
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