Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 3 juin 2020 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2005996 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 avril 2022, M. A..., représenté par Me Thoumine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 18 novembre 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 3 juin 2020 ou, à titre subsidiaire, de l'abroger ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- le préfet s'est fondé à tort, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, sur l'existence d'une manœuvre frauduleuse concernant son état civil, dont il justifie par de nouveaux documents ;
- la décision portant refus de titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de son droit d'être entendu ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les nouveaux éléments qu'il produit justifient que l'arrêté contesté soir abrogé.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que le requérant ne justifie pas de son état civil, que la demande d'abrogation n'est pas fondée et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mars 2022.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté contesté.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien se disant né le 10 décembre 1999 et entré irrégulièrement en France en février 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au cours de l'année 2019 sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juin 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant, dont serait entachée la décision portant refus de titre de séjour, moyens que M. A... réitère en appel sans les assortir d'élément nouveau.
3. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
4. Pour justifier de son identité, M. A... a fourni à l'appui de sa demande de titre de séjour un document présenté comme un acte de naissance daté du 20 décembre 1999, dont le requérant, qui indique l'avoir reçu d'un tiers, ne conteste pas le caractère inauthentique relevé par le préfet de la Loire-Atlantique et les services du consulat général de France à Bamako (Mali), pour avoir été établi sur un formulaire qui n'existait pas aux dates supposées de la naissance de l'intéressé et d'édition de l'acte. L'intéressé soutient que les registres d'état civil n'ayant pu être retrouvés, il a dû se tourner vers le juge pour rétablir son état civil et produit devant le juge d'appel, sous forme de photographies peu lisibles, un extrait de la minute d'un jugement supplétif n° 3068 tenant lieu d'acte de naissance, daté du 17 septembre 2021 et rendu par le tribunal civil de Diema, ainsi qu'un justificatif de sa transcription du 20 septembre 2021, sous le n° 397/Reg8, au registre de l'état civil du centre principal de Lambidou. Toutefois, l'authenticité de cet extrait d'acte de naissance a été remise en cause par les services de la direction interdépartementale de la police aux frontières, qui ont relevé notamment la faute que comporte la graphie " OFFIER DE L'ETAT CIVIL " en marge de ce document. Le préfet fait également valoir notamment le non-respect des articles 124 et 126 du code de la personne et de la famille malien prévoyant respectivement l'interdiction d'abréviations dans les actes d'état civil et l'obligation de mentionner dans l'acte la date de l'évènement qu'il relate, ainsi que la date de son établissement et que ces dates doivent être inscrites en toutes lettres, et surtout l'absence de mention, sur l'extrait du jugement supplétif, du nom du ou des juges qui en ont délibéré et du greffier signataire en méconnaissance de l'article 462 du code de procédure civile, commerciale et sociale malien. Dans ces conditions, qui caractérisent le caractère frauduleux des documents d'état civil produits, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'illégalité au regard des dispositions citées au point 3.
5.°Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
6. M. A... se prévaut d'une présence de quatre années sur le territoire français, de l'obtention en 2019 d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) dans le domaine de l'aide à la personne et de la préparation, de l'obtention en cours à la date de l'arrêté contesté, d'un autre CAP de plaquiste, et de liens tissés avec des personnes qui l'ont hébergé. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne justifie ni de liens particulièrement intenses sur le territoire français à la date de l'arrêté contesté, ni être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de son existence. Le requérant, dont l'entrée irrégulière en France est relativement récente, hébergé par un tiers, ne justifie pas davantage d'une autonomie dans ses conditions d'existence ou d'une perspective professionnelle précise. Dans ces conditions, la décision contestée refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Compte tenu de l'absence d'annulation par le présent arrêt de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre doit être écarté.
8. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit du requérant au respect de vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
Sur les conclusions à fin d'abrogation :
10. La légalité de l'arrêté contesté, qui a le caractère d'une décision individuelle, s'appréciant à la date à laquelle il a été pris, et eu égard à l'office du juge de l'excès de pouvoir, M. A... n'est pas recevable à en demander directement l'abrogation en se prévalant de changements postérieurs, de fait ou de droit, à son édiction.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 o16 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 10 mars 2023.
La rapporteure,
C. C...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT012842