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03/03/2023 | FRANCE | N°22NT01559

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 mars 2023, 22NT01559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n°2106365 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2022 M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.

Par un jugement n°2106365 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2022 M. B..., représenté par Me Kaddouri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Kaddouri renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

en ce qui concerne l'arrêté du 26 avril 2021 dans son ensemble :

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

en ce qui concerne la décision portant rejet de la demande de protection contre l'éloignement :

- la requalification par le préfet de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en demande de protection contre l'éloignement est constitutive d'une erreur de droit ;

- il a transmis son rapport médical dans le délai de quinze jours ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

-l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour la prive de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; son état de santé nécessite un suivi médical en France ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

en ce qui concerne la décision fixant le délai de départ :

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a pas été procédé à un examen individuel de sa situation ;

en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois :

- l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français la prive de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il sera privé de soins pendant douze mois, ces derniers n'étant pas disponible en Guinée.

Par un mémoire en défense produit le 14 novembre 2022 le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né en 1997, entré irrégulièrement sur le territoire français le 9 février 2017, dont la demande d'asile a été rejetée le 14 janvier 2019 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile le 7 octobre 2019, a fait l'objet d'un arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le préfet de Maine-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 5 février 2020, M. B... a demandé au préfet de faire obstacle à la mesure d'éloignement pour des raisons médicales. Sa demande a été refusée par un arrêté du 21 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, détermination du pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les moyens communs :

2. M. B... reprend en appel sans apporter des éléments nouveaux en fait et en droit les moyens invoqués en première instance et tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté et de l'absence d'examen particulier de sa situation personnelle. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif, d'écarter ces moyens.

3. M. B..., célibataire, entré récemment sur le territoire le 9 février 2017, est dépourvu de toute attache familiale en France. Il a déclaré dans un procès-verbal d'interpellation du 21 septembre 2022 avoir une fille de six ans qui vit auprès de sa grand-mère maternelle en Guinée. Il ne justifie pas d'une impossibilité de poursuivre son existence dans le pays dont il a la nationalité et où il a vécu pendant au moins vingt ans. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Eu égard aux motifs exposés au point 3, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté contesté soit entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

Sur la légalité du refus implicite de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

6. Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée et auquel s'est substitué à compter du 1er mai 2021 l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médicale de l'office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

7. Enfin, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont reprises, depuis le 1er mai 2021, à l'article R.425-11 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dont les dispositions sont reprises, depuis le 1er mai 2021, aux articles R. 425-12 et R. 425-13 : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...). / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. (...). L'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 précise que : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté ". L'article 2 du même arrêté indique que : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur ".

8. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... par l'intermédiaire de son avocat a sollicité le 7 janvier 2020 un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a également présenté le 5 février 2020 une demande tendant à faire obstacle pour raisons médicales à l'arrêté du 14 novembre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Conformément aux dispositions précitées, un certificat médical confidentiel lui a été transmis. Il lui appartenait de faire compléter ce certificat par son médecin traitant et de le transmettre sans délai à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFFI). Alors que, faute qu'il ait procédé à cette transmission, les services de la préfecture l'ont relancé par un courrier du 2 octobre 2020, le requérant soutient qu'il a bien transmis son certificat médical, mais il n'en apporte pas la preuve. Dès lors son dossier étant incomplet, l'instruction de ses demandes de délivrance d'un titre de séjour et de " protection " contre l'éloignement n'a pu être poursuivie. Dans ces conditions, le préfet était fondé à ne pas instruire plus avant la demande de titre de séjour et à rejeter, pour ce motif, la demande de " protection " contre l'éloignement. Si le requérant fait valoir que c'est à tort que le préfet aurait requalifié sa demande de délivrance d'un titre de séjour en demande dite de " protection contre l'éloignement ", ce moyen doit être écarté dans la mesure où le préfet a également implicitement mais nécessairement refusé de délivrer un titre de séjour compte tenu de l'absence de transmission du certificat médical requis.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité des décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français :

10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français ne peuvent pas être annulées par voie de conséquence de cette annulation.

11. Il convient d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif les moyens invoqués en première instance et tirés de l'absence de motivation de la décision fixant le pays de destination et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais liés au litige doivent être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.

Le rapporteur

J.E. C...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT01559 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01559
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : KADDOURI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-03;22nt01559 ?
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