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03/03/2023 | FRANCE | N°22NT00259

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 mars 2023, 22NT00259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110018 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a renvoyé les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de l

ui délivrer un titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal (article 1er),...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2110018 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a renvoyé les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de la Vendée a refusé de lui délivrer un titre de séjour devant une formation collégiale du tribunal (article 1er), a annulé l'arrêté du 23 août 2021 en tant qu'il fait obligation à M. A... de quitter, sans délai, le territoire français et fixe le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office (article 2) et a mis à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3).

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2022 le préfet de la Vendée demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté contesté était compétent et le moyen correspondant ne pouvait donc pas être accueilli par le premier juge ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. A... doivent être écartés.

M. A... n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., ressortissant russe né le 4 juin 1989, est entré en France le 6 février 2012. Sa demande d'asile a été rejetée le 27 août 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 28 mai 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Après le rejet de sa demande d'asile, M. A... s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de salarié le 27 mars 2014. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 6 mars 2017. Le 28 décembre 2017, le préfet de la Vendée en a refusé le renouvellement et a pris à l'encontre de M. A... une décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi qu'une décision d'assignation à résidence. M. A... n'a pas exécuté ces décisions. Le 15 février 2021, il a sollicité, auprès du préfet de la Vendée, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 août 2021, le préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de destination. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 25 janvier 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 23 août 2021 en tant qu'il a fait obligation à M. A... de quitter, sans délai, le territoire français et fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Le préfet fait appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté n°21-DRCTAJ/2-19 du 15 janvier 2021 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Vendée a donné délégation à Mme Tagand, secrétaire générale de la préfecture, pour signer tous arrêtés et décisions à l'exception d'un certain nombre d'actes dont ne font pas partie les décisions relatives aux étrangers (article 1er), et a prévu qu'en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B... cette délégation serait exercée par M. D..., sous-préfet des Sables d'Olonne (article 3). Il s'ensuit, et dès lors que la réalité de l'absence ou de l'empêchement de Mme B... n'est pas contestée, que M. D..., signataire de l'arrêté contesté, disposait d'une délégation régulière pour ce faire. C'est, par suite, à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a, pour annuler l'arrêté contesté du 23 août 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de destination, retenu le motif tiré de l'incompétence de son signataire.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes, aucun nouveau moyen n'ayant été soulevé devant la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :

4. En premier lieu, M. A... est entré sur le territoire français le 6 février 2012, soit depuis plus de 9 ans à la date de l'arrêté contesté. Ses deux filles sont nées en France en 2012 et 2014. Toutefois, il est constant qu'il est séparé de son épouse, avec laquelle vivent ses enfants. En outre, il n'est pas établi qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses filles, ni même qu'il les verrait régulièrement. Il ne fait état d'aucune activité professionnelle depuis le mois de décembre 2017. De plus, il a été condamné le 4 septembre 2017 à une peine d'emprisonnement de deux ans, dont un an avec sursis, pour vol avec arme et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage et participation à une association de malfaiteurs. Il a également fait l'objet de deux ordonnances pénales en septembre 2019 et août 2020 pour conduite d'un véhicule à moteur malgré l'injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points. Il n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français prise le 28 décembre 2017. Enfin, il a vécu vingt-deux ans dans son pays d'origine, où résident ses parents. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au vu de ces éléments, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

6. Au vu de la situation de M. A... telle qu'elle a été exposée au point 4, le moyen tiré de ce que le préfet de la Vendée, en estimant que l'admission au séjour de l'intéressé ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 4, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

7. En troisième lieu, il résulte des points 2 à 6 que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

9. La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire vise notamment l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la situation personnelle et familiale du requérant et indique que le comportement de l'intéressé constitue une menace à l'ordre public compte tenu de ce que, comme il a été dit au point 4, M. A... a été condamné le 4 septembre 2017 par le tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon à deux ans d'emprisonnement et s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire français prise le 28 décembre 2017. Dès lors, cette décision est suffisamment motivée. Au vu de cette motivation et des pièces du dossier, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle du requérant doit être écarté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour prendre sa décision. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, le moyen tiré de ce que la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Vendée est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 23 août 2021 en tant qu'il a fait obligation à M. A... de quitter, sans délai, le territoire français et fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office, et que la demande correspondante présentée devant le tribunal administratif de Nantes par M. A... doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2110018 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par M. A..., en tant qu'elle concerne l'obligation de quitter, sans délai, le territoire français et la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné d'office, prises le 23 août 2021, est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. E... A....

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Vendée.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.

La rapporteure

P. C...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00259
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GEFFRAY
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-03;22nt00259 ?
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