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03/03/2023 | FRANCE | N°21NT01401

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 mars 2023, 21NT01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Madison a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2017.

Par un jugement n° 1902292 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mai 2021 et 15 novembre 2022 la SCI Le Madison, représentée par Me Gold

stein, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée o...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Madison a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2017.

Par un jugement n° 1902292 du 25 mars 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mai 2021 et 15 novembre 2022 la SCI Le Madison, représentée par Me Goldstein, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ou, à titre subsidiaire, la décharge des pénalités de 40% dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable ne sont pas suffisamment motivées ;

- le service a procédé au cours de la procédure d'imposition à une substitution de base légale qui a vicié cette procédure dès lors qu'il ne lui a pas notifié une nouvelle proposition de rectification lui permettant de formuler des observations ; elle est fondée sur ce point à invoquer la doctrine administrative ;

- le preneur exerce une activité de gardiennage et de surveillance des locaux en litige ; elle dispose sur lui d'une créance de 24 000 euros toutes taxes comprises compte tenu de ce que les loyers n'ont pas été perçus par elle ; l'immeuble qui a fait l'objet des travaux devait ultérieurement être donné en location en tant que gîte de vacances mais ne l'était pas encore lors de la vérification de comptabilité en raison de l'ampleur des travaux entrepris ; l'option d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des loyers à percevoir, exercée par elle le 4 avril 2014 en application de l'article 260 du code général des impôts, l'a été en vue de donner ultérieurement l'immeuble litigieux en location en tant que gîte de vacances ; c'est à tort que le service a remis en cause cette option ;

- l'administration ne pouvait pas lui retirer sa qualité d'assujetti hors le cas de fraude ou d'abus ; en effet, elle a obtenu de nombreux remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour des travaux réalisés sur l'immeuble litigieux ; elle avait fait l'objet d'un contrôle fiscal en 2015 ayant également conduit à des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration a, postérieurement à la proposition de rectification du 12 avril 2018, réduit le montant de la somme initialement réclamée, reconnaissant ainsi le caractère déductible d'une partie des dépenses exposées ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses de travaux ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 novembre 2021 et 14 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCI Le Madison ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause l'option que la SCI Le Madison avait exercée le 4 avril 2014 en faveur de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 2° de l'article 260 du code général des impôts, du montant des loyers perçus au titre de la location du bien immobilier acquis le 1er octobre 2013 et situé au lieu-dit C... sur le territoire de la commune du Pont-Celland (Manche) et a refusé par voie de conséquence la déduction de la taxe acquittée pour l'ensemble des travaux de rénovation réalisés sur ce bien. La SCI Le Madison a demandé devant le tribunal administratif de Caen la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2017. Par un jugement du 25 mars 2021, le tribunal a rejeté sa demande. La SCI Le Madison relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée.". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

4. La proposition de rectification du 19 décembre 2017, qui rappelle les dispositions du 2° de l'article 260 du code général des impôts, vise la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2017 et comporte le montant des rectifications pour la période, est fondée sur la remise en cause de l'option pour l'assujettissement à cette taxe en raison de la mise à disposition gratuite des locaux rénovés par la SCI Le Madison à son principal dirigeant, sans loyer, ni encaissement, sur l'absence de tout contrat de location, d'ameublement du local et de démarches pour proposer le bien à la location. En outre, contrairement à ce que fait valoir la société, l'administration a pu, pour déterminer le montant des rappels, se fonder uniquement sur la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les déclarations mensuelles de cette taxe. Elle n'avait ainsi pas à fournir la liste des factures ayant fait l'objet d'une remise en cause du droit à déduction. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, doit être écarté ;

5. En deuxième lieu, la SCI Le Madison soutient que le service a procédé au cours de la procédure d'imposition à une substitution de base légale qui a vicié cette procédure dès lors que le service ne lui pas notifié une nouvelle proposition de rectification lui permettant de formuler des observations. Elle fait valoir qu'il y a eu un changement de base légale du fait de l'abandon par l'administration, dans le cadre de la réponse aux observations de la contribuable, de la référence au 2° de l'article 260 du code général des impôts. Toutefois, l'administration, qui s'est bornée à répondre aux observations de la SCI Le Madison, après avoir constaté que celle-ci n'apportait pas d'éléments de nature justifier son assujettissement à raison de prestations para-hôtelières, n'a modifié, au cours de la procédure d'imposition, ni le fondement légal de la rectification, ni les éléments de fait la justifiant, même s'il a abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à la mise à disposition d'un local à titre gratuit. Dès lors, l'administration n'était pas tenue de notifier à la SCI Le Madison une nouvelle proposition de rectification afin de rouvrir un débat contradictoire.

6. Enfin, l'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application du dernier alinéa de l'article L.57 du livre des procédures fiscales s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci.

7. Contrairement à ce que soutient la SCI Le Madison, l'administration a répondu le 12 avril 2018 à ses observations relatives à la remise en cause de l'option de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en précisant que les locaux en litige constituent une habitation principale du preneur, qu'aucun élément ne permet de justifier un usage professionnel des locaux et qu'un contrat de bail qui aurait été conclu le 1er mars 2016 n'a pas été transmis au service. Elle a rappelé que, conformément à l'article 260 D du code général des impôts, l'activité de location meublé à usage d'habitation est soit exonérée, soit taxée lorsqu'elle s'accompagne de prestations para-hôtelières et qu'une telle activité ne peut pas faire l'objet de l'option prévue au 2° de l'article 260 du même code. Elle indique également qu'elle a constaté qu'aucun meuble meublant n'a été acquis et aucune démarche effectuée en vue de proposer le bien à la location et qu'aucune activité de location des gîtes n'avait commencé plus d'un an après la date d'achèvement des travaux. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en raison d'une insuffisante motivation de la réponse aux observations de la contribuable doit être écarté.

8. Enfin, la société ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L.80A du livre des procédures fiscales, de la doctrine contenue au §860 du BOI-CF-IOR-10-50, dès lors que cette doctrine concerne la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes de l'article 260 du code général des impôts : " Peuvent sur leur demande acquitter la taxe sur la valeur ajoutée : / (...). 2° Les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ou, si le bail est conclu à compter du 1er janvier 1991, pour les besoins de l'activité d'un preneur non assujetti. / L'option ne peut pas être exercée : / a. Si les locaux nus donnés en location sont destinés à l'habitation ou à un usage agricole ; / b. Si le preneur est non assujetti, sauf lorsque le bail fait mention de l'option par le bailleur (...) ". L'article 271 du même code prévoit que : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) IV. - La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement (...). ".

10. Il résulte de ces dispositions que la validité d'une option formulée par le propriétaire de locaux qu'il destine à la location n'est assurée et que, par suite, cette option ne peut emporter d'effets, qu'à compter de la date à laquelle sont souscrits, aux fins de location, immédiate ou future, de ces locaux, des engagements contractuels de nature à établir la conformité de l'opération aux prévisions du 2° de l'article 260 du code général des impôts, qui exclut notamment l'exercice de l'option si les locaux nus donnés en location sont destinés à l'habitation.

11. En l'espèce, la SCI Madison soutient qu'elle avait pour projet, dès l'origine, de proposer l'immeuble à la location en tant que gîte de luxe. Toutefois, l'acte d'acquisition de l'immeuble précisait que le bien était destiné à accueillir la résidence principale des associés de la SCI Madison. En outre, M. A..., actionnaire à 99% de la SCI Madison, a déclaré sur sa déclaration d'impôt sur les revenus de l'année 2016 y avoir sa résidence principale. Par ailleurs, ni le permis de construire délivré pour la rénovation du bâtiment, ni la déclaration d'achèvement de travaux ne font état d'un projet de gîte de luxe. Enfin, si la société produit un mandat de location signé en 2021 et une annonce sur le site Internet du mandataire, ces éléments ne permettent pas d'établir que la société remplissait les conditions posées pour l'exercice de l'option prévue à l'article 260 du code général des impôts au cours des années en litige. En tout état de cause, ces éléments sont insuffisants pour révéler un véritable projet commercial, la société se bornant à produire une facture pour la location de l'immeuble en tant que gîte pour une seule semaine, au mois de février 2021. L'ensemble des éléments figurant au dossier permet ainsi d'établir que l'immeuble en question était destiné, dès l'origine, à accueillir la résidence principale de M. A..., et que l'exercice de l'option avait pour seule finalité de bénéficier indûment du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée sur les dépenses de rénovation réalisées. Enfin, si M. A... soutient qu'il avait installé dans les locaux en litige un bureau afin d'y exercer les mandats de gestion qu'il détenait dans d'autres sociétés, et qu'il y réalisait des opérations de gardiennage et d'entretien, ces allégations, peu crédibles, ne sont pas corroborées par les pièces produites aux débats. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice de l'option prévue au 2° de l'article 260 du code général des impôts au motif que le local était destiné à l'habitation.

12. La SCI Le Madison n'étant, ainsi qu'il a été exposé au point 10, pas éligible au bénéfice de l'option prévue au 2° de l'article 260 du code général des impôts et n'ayant pas la qualité d'assujetti en tant que tel au sens des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts, elle n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'en l'absence de toute intention frauduleuse ou abusive l'administration fiscale n'était pas en droit de remettre en cause un droit à déduction dont, par principe, elle ne disposait pas. Les circonstances qu'elle a obtenu de nombreux remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée pour des travaux réalisés sur l'immeuble litigieux, qu'elle avait fait l'objet d'un contrôle fiscal en 2015 ayant également conduit à des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée et que l'administration a, postérieurement à la proposition de rectification du 12 avril 2018, réduit le montant de la somme initialement réclamée sont à cet égard sans incidence.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

13. Le service, en se fondant tant sur le fait que la SCI Le Madison, en tant que professionnel de l'immobilier, n'ignorait pas les règles de taxe sur la valeur ajoutée applicables en matière de locaux à usage d'habitation et que l'immeuble mis à la disposition de M. A... ne pouvait pas donner lieu à déduction de cette taxe que sur le caractère répétitif des déductions de taxe opérées entre 2014 et 2017, apporte la preuve, dont la charge lui incombe, de l'intention de la société d'éluder l'impôt et, par suite, du manquement délibéré justifiant l'application de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de ce qui précède que la SCI Le Madison n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Le Madison est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Madison et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.

Le rapporteur

J.E. B...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01401


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01401
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL REINHART MARVILLE TORRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-03;21nt01401 ?
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