Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 202 167 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise par l'administration fiscale dans la détermination des bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la société Foundation Brakes France au titre des années 2013 à 2017.
Par un jugement n°1803399 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou la somme de 50 542 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise dans la détermination des bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la société Foundation Brakes France au titre de l'année 2015 et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 mai 2021 et 10 avril 2022 la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou, représentée par Me Anthian-Sarbatx, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de lui accorder en totalité l'indemnisation demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés dans la procédure en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L.190 A ne peuvent lui être opposées de sorte que sa demande indemnitaire n'est pas irrecevable en ce qui concerne les années 2013 et 2014 ; c'est la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 qui doit s'appliquer ;
- le service détenait toutes les informations sur la cession intragroupe au 1er janvier 2013 pour faire échec à la déclaration à 80 % des valeurs locatives anciennes ; en l'absence de mutation de cote prévue par l'article 1404 du code général des impôts et en s'abstenant de recourir à la procédure de l'article 1508 du code général des impôts, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- elle accepte d'abandonner le préjudice qui résulterait de l'inapplication des taux de l'année de découverte aux années 2015 et 2016 en application des dispositions de l'article 1508 du code général des impôts ;
- elle se prévaut des paragraphes 20 et 100 du BOI-IF-TFB-50.
Par des mémoires en défense enregistrés les 18 novembre 2021 et 28 avril 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Robert Bosh France a été imposée à la taxe foncière sur les propriétés bâties, au titre de l'année 2012, dans les rôles de la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou (Maine-et-Loire), à raison d'un établissement industriel dont elle disposait alors, situé 1 rue du Bois Rinier, sur la base d'une valeur locative imposable de 1 032 727 euros. Par un acte du 1er mars 2012, elle a cédé cet établissement à la société Foundation Brakes France pour une somme de 8 400 000 euros. Pour assujettir la société Foundation Brakes France à la taxe foncière sur les propriétés bâties à partir de l'année 2013, le service a par erreur retenu, pour l'établissement industriel sis à Saint-Barthélemy-d'Anjou, une valeur locative minimum égale à 80 % de la valeur locative de cet établissement avant l'opération de cession du 1er mars 2012, en se fondant sur les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2010. Saisie le 4 septembre 2017 d'une réclamation indemnitaire formée par la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou, l'administration a rectifié, dans les limites de son droit de reprise, soit au titre des années 2016 et 2017, les bases d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la société Foundation Brakes France, en retenant une valeur locative minimum égale à 100 % de la valeur locative de l'établissement avant l'opération de cession du 1er mars 2012, sur la base des dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts dans leur rédaction issues de l'article 108 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicables notamment aux opérations de cession d'établissements réalisées à compter du 1er janvier 2010.
2. Estimant avoir subi un préjudice en raison de la faute commise par l'administration fiscale à partir de 2013 qui l'a privée de recettes fiscales, la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou, dont la réclamation du 4 septembre 2017 avait été implicitement rejetée, a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 202 167 euros à titre de réparation. Par un jugement du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou la somme de 50 542 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise dans la détermination des bases d'imposition au titre de l'année 2015 et a rejeté le surplus de la demande dont il était saisi. La commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la prescription :
3. Aux termes de l'article L. 190 A du livre des procédures fiscales : " (...) la demande de dommages et intérêts résultant de la faute commise dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt ne peut porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant celle au cours de laquelle l'existence de la créance a été révélée au demandeur ".
4. Aux termes de l'article 1404 du code général des impôts :
" I. - Lorsque au titre d'une année une cotisation de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement de cette cotisation est prononcé à condition que les obligations prévues à l'article 1402 aient été respectées. L'imposition du redevable légal au titre de la même année est établie au profit de l'Etat dans la limite de ce dégrèvement. / II. - Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme les demandes en décharge ou réduction de la taxe foncière ". Aux termes de l'article 1508 du même code, " Les rectifications pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502, font l'objet de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises en compte dans les rôles généraux. / Les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d'après les taux en vigueur pour l'année en cours. Sans pouvoir être plus que quadruplées, elles sont multipliées (...) par le nombre d'années écoulées depuis le 1er janvier de l'année suivant celle de l'acquisition ou du changement (...) ". Aux termes de l'article L. 173 du livre des procédures fiscales, " Pour les impôts directs perçus au profit des collectivités locales et les taxes perçues sur les mêmes bases au profit de divers organismes, à l'exception de la taxe professionnelle, de la cotisation foncière des entreprises, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de leurs taxes additionnelles, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de l'année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". L'article L. 175 du même livre dispose que : " En ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe d'habitation et les taxes annexes établies sur les mêmes bases, les omissions ou les insuffisances d'imposition peuvent être réparées à toute époque lorsqu'elles résultent du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties mentionnées aux articles 1406 et 1502 du code général des impôts ".
5. Ainsi qu'en atteste la décision du maire de Saint-Barthélemy-d'Anjou du 8 septembre 2017, désignant Me Anthian-Sarbatx pour former, au nom de la commune, un recours aux fins d'indemnisation, la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou a eu connaissance, en septembre 2017, de la créance qu'elle était susceptible de détenir sur l'Etat à raison d'une faute commise par le service dans la détermination de l'assiette de l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de la société Foundation Brakes France. En application des dispositions précitées de l'article L. 190 A de livre des procédures fiscales, son action en réparation, qui se fonde sur la faute qu'auraient commise les services fiscaux dans la détermination de l'assiette, le contrôle et le recouvrement de l'impôt dû par la société Foundation Brakes France, ne pouvait porter que sur une période postérieure au 1er janvier de la deuxième année précédant l'année 2017, soit en l'espèce à compter du 1er janvier 2015.
6. Pour faire échec à la prescription qui lui a été ainsi opposée par les premiers juges pour les années 2013 et 2014, la commune ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 en vertu desquelles sont prescrites au profit de l'Etat toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Par ailleurs, la commune fait valoir que le service détenait bien avant cette date les informations sur la cession intragroupe au 1er janvier 2013 lui permettant de corriger la déclaration à 80 % des valeurs locatives qui aurait été souscrite, et qu'en s'abstenant d'émettre des rôles particuliers au titre des années 2013 et 2014 sur le fondement de l'article 1508 du code général des impôts, le service a également commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Cependant, il ne résulte de l'instruction ni que l'imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties de l'établissement industriel sis à Saint-Barthélemy-d'Anjou à la suite du contrat de cession passé le 1er mars 2012 entre les sociétés Robert Bosh France et la société Foundation Brakes France aurait été établie au nom d'une autre personne que le redevable légal, ni qu'une quelconque déclaration aurait été présentée par la société cessionnaire au titre des années 2013 et 2014. Par suite, ni les dispositions de l'article 1404 du code général des impôts ni celles de l'article 1508 de ce code ne sont applicables au présent litige. Elles ne peuvent dès lors être invoquées par la commune requérante pour servir de fondement à une responsabilité des services de l'Etat pour laquelle ne s'appliquerait pas le délai de prescription de l'article L.190 du livre des procédures fiscales. Il suit de là que la commune de
Saint-Barthélemy-d'Anjou n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre des années d'imposition 2013 et 2014.
7. Enfin, la commune requérante, à supposer qu'elle se place sur le terrain de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir valablement de la doctrine administrative référencée BOI-IF-TFB-50-10, dès lors que la garantie prévue par les dispositions de cet article ne trouve, en tout état de cause, pas à s'appliquer dans le cadre d'une action en responsabilité reposant sur une faute qu'auraient commise les services fiscaux lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement de l'impôt.
8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes n'a pas fait droit à sa demande d'indemnisation au titre des années 2013 et 2014. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au demeurant non chiffrées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou et au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe 3 mars 2023.
Le rapporteur
A. A...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21NT012182