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17/02/2023 | FRANCE | N°22NT00250

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 février 2023, 22NT00250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest lui a refusé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté.

Par un jugement n° 1808456 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier 2022 et 6 janvier 2023, M. C... A..., représ

enté par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle le préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest lui a refusé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté.

Par un jugement n° 1808456 du 14 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier 2022 et 6 janvier 2023, M. C... A..., représenté par Me Deniau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2018 du préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest lui refusant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté. ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur à titre principal, de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er septembre 1998 en lui accordant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'assortir en toute hypothèse cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour, une fois passé le délai de deux mois ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015 inscrivant la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nantes sur la liste annexée à l'arrêté :

* la décision en litige est entachée d'erreur de droit en ce que le ministre de l'intérieur s'est borné à constater que la formation motocycliste de Nantes avait vocation à intervenir sur une zone de compétence départementale sans apprécier de manière concrète s'il était affecté dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ;

* le préfet délégué à la zone de défense ouest a commis une erreur d'appréciation en estimant que la formation motocycliste de Nantes ne constituait pas une circonscription de police ou une subdivision de cette circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ;

* la formation motocycliste de Nantes était directement rattachée à la CSP de Nantes ;

- pour la période postérieure à cet arrêté, l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté était de droit, dès lors qu'il était rattaché administrativement à la CSP de Nantes et que cette circonscription figure en annexe de l'arrêté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les créances sollicitées au titre des années 1998 à 2009 sont frappées de prescription en application de la loi du 31 décembre 1968 ;

- les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 12 janvier 2023, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 juillet 2018 en tant qu'elle concerne la période antérieure à la publication de l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police relatif au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) dès lors qu'elle est purement confirmative de la décision rejetant implicitement la première demande de M. A... du 17 octobre 2014 tendant au bénéfice de l'ASA jusqu'au changement de circonstances de droit caractérisé par la publication de l'arrêté du 3 décembre 1995.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- l'arrêté du 3 décembre 2015 fixant la liste des secteurs prévue au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Deniau, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., fonctionnaire de police au grade de brigadier-chef, exerce ses fonctions depuis le 1er septembre 1998 au sein de la formation motocycliste urbaine (FMU) de Nantes. Par courrier du 31 mai 2018, M. A... a demandé au préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest de reconstituer sa carrière en lui attribuant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter de cette date. Par décision du 9 juillet 2018, le préfet a refusé de faire droit à sa demande. M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 17 octobre 2014, M. A... a sollicité du ministre de l'intérieur l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté ; cette demande a été implicitement rejetée. Par ordonnance n° 1501410 du 4 octobre 2016, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours de M. A... tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet, qui est dès lors devenue définitive. M. A... a saisi de nouveau le ministre de l'intérieur d'une demande d'attribution de cet avantage spécifique d'ancienneté par courrier du 31 mai 2018 au titre de son affectation au sein de la FMU de Nantes. Cette demande avait le même objet que celle présentée le 17 octobre 2014. Toutefois, depuis sa première demande, par arrêté du 3 décembre 2015, publié le 16 décembre 2015 au Journal Officiel de la République Française, la circonscription de sécurité publique de Nantes, à laquelle M. A... fait valoir qu'il était administrativement rattaché, a été inscrite sur la liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté. Cet arrêté doit être regardé dans les circonstances de l'espèce comme un élément de droit nouveau de nature à faire regarder la décision en litige comme intervenue dans des circonstances nouvelles s'agissant de la période courant à compter du 17 décembre 2015, date d'entrée en vigueur de cet arrêté. Dès lors, la décision litigieuse du 9 juillet 2018 est purement confirmative de la décision implicite de rejet de la précédente demande de M. A... du 17 octobre 2014 en tant seulement qu'elle concerne la période antérieure au 17 décembre 2015. En revanche, la demande présentée par M. A... devant les premiers juges est recevable en tant qu'elle porte sur la période courant à compter de cette date.

Sur la légalité de la décision du 31 mai 2018 en tant qu'elle porte sur la période courant à compter du 17 décembre 2015 :

3. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles : " Les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, mentionnés au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et à l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, doivent correspondre : 1°/ En ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget (...) ". La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001, dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, par voie d'exception, constaté l'illégalité par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011. Un arrêté du 3 décembre 2015 a fixé une nouvelle liste comprenant des circonscriptions de sécurité publique, qui constituent, aux termes de l'article 252-3 du règlement général d'emploi de la police nationale approuvé par l'arrêté du 6 juin 2006, " la structure de base des services territoriaux de la sécurité publique ". Le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté n'est ouvert qu'aux fonctionnaires de police affectés administrativement à une circonscription de police ou une subdivision d'une telle circonscription correspondant à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Ces dispositions font, par suite, obstacle à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à un agent affecté administrativement non à une circonscription de sécurité publique ou à une circonscription de sécurité de proximité, mais dans un autre service dépendant de la direction centrale de la sécurité publique, quel que soit le lieu où l'intéressé exerce ses fonctions.

4. La fiche individuelle synthétique de M. A... mentionne au titre des affectations opérationnelles de l'intéressé " FMU 44 Nantes " du 1er septembre 1998 au 1er avril 2017, puis " CSP de Nantes/FMU " à compter du 1er avril 2017, et enfin, " CSP Nantes " à compter du 1er septembre 2018. Il est constant que M. A... exerce ses fonctions au sein de la formation ou de la brigade motocycliste urbaine à Nantes depuis le 1er septembre 1998. Si le ministre de l'intérieur fait valoir que la FMU présente les caractéristiques d'une unité fonctionnelle qui ne peut être rattachée à un secteur géographique déterminé et que le service d'ordre et de sécurité routière a vocation départementale et qu'il est rattaché à une direction départementale de sécurité publique, il ne produit pas le moindre élément en ce sens. Au contraire, il ressort des pièces produites par le requérant pour la première fois en appel, notamment de la note de service du 8 février 2010 et de l'organigramme de la circonscription de sécurité publique (CSP) de Nantes qui y est joint, que le service d'ordre et de sécurité routière, dont relève l'unité de sécurité routière, à laquelle appartient la FMU de Nantes, dépend directement de la CSP de Nantes. En outre, divers documents relatifs à la carrière de M. A..., notamment ses notations au titre des années 2000, 2004 et 2005, ainsi que d'autres documents de son dossier administratif couvrant la période 1998-2017, mentionnent au titre de son affectation administrative " CSP de Nantes ". Il ressort ainsi des pièces du dossier que M. A... a été affecté dans une FMU rattachée directement à la CSP de Nantes, dont il est constant qu'elle correspond à un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, et qu'elle est à ce titre elle-même éligible à l'avantage spécifique d'ancienneté. Il s'ensuit que le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté ne pouvait être refusé à M. A..., dès lors qu'il justifiait depuis le 1er septembre 2001 d'une durée de trois ans de services continus dans un quartier urbain visé à l'article 2 du décret du 21 mars 1995.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2018 en tant qu'elle porte refus d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 17 décembre 2015.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard aux motifs qui le fonde, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que l'administration reconstitue la carrière de M. A..., à compter du 17 décembre 2015, en prenant en compte l'avantage spécifique d'ancienneté auquel il a droit, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a cependant pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : la décision du préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest du 9 juillet 2018 est annulée en tant qu'elle porte sur la période courant à compter du 17 décembre 1995.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 décembre 2021 est annulé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de la carrière de M. A... à compter du 17 décembre 2015, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet délégué pour la défense et la sécurité de la zone ouest.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2023.

La rapporteure,

J. B...

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00250
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SELARL CADRAJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-17;22nt00250 ?
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