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03/02/2023 | FRANCE | N°22NT02112

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 février 2023, 22NT02112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet de la Sarthe l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202353 du 21 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, M

. A..., représenté par Me Gourlaouen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet de la Sarthe l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202353 du 21 juin 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Gourlaouen, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 21 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 3 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de réexaminer sa situation et de procéder à un effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre aux moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée deux ans est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

- en prenant cette décision, le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2022, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le moyen invoqué par le requérant et tiré de l'irrégularité du jugement attaqué n'est pas fondé et s'en rapporte pour le surplus à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 5 octobre 1998, est entré irrégulièrement en France en mai 2021, selon ses déclarations. A la suite de son interpellation par les services de police le 30 mars 2022 et de son hospitalisation jusqu'au 2 mai suivant, le préfet de la Sarthe, par un arrêté du 3 mai 2022, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 21 juin 2022 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si, contrairement à ce que soutient M. A..., le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a répondu de façon suffisamment motivée au moyen tiré de ce que la décision contestée portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'était pas suffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, le premier juge n'a, en revanche, pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par l'intéressé et tiré de la méconnaissance par cette même décision des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la durée de la fixation de cette interdiction de retour. Le jugement attaqué doit, en raison de cette omission, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée M. A... devant le tribunal administratif de Rennes contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans contenue dans l'arrêté du 3 mai 2022 du préfet de la Sarthe et de statuer, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les autres conclusions présentées par l'intéressé.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le premier juge a écarté, aux points 3, 6 et 7 de son jugement, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de la situation de M. A..., de ce que cette décision serait entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce qu'elle aurait été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-1 du même code.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

5. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

6. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision interdisant à M. A... un retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. En particulier, cet arrêté vise les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève la présence récente de l'intéressé, l'absence d'attache ancienne, intense et stable en France, l'existence d'une menace pour l'ordre public découlant des faits de menaces de mort proférées par l'intéressé, à la suite desquels il a été interpellé le 30 mars 2022. Par suite, la décision contestée est suffisamment motivée.

7. Si M. A... fait valoir qu'il était sous l'empire d'une bouffée délirante au moment des faits relevés par le préfet et qu'il n'a pas fait l'objet de poursuites pénales. L'intéressé, qui est entré irrégulièrement en France un an seulement avant l'édiction de l'arrêté contesté, s'y est maintenu irrégulièrement et ne justifie pas avoir d'attaches particulièrement fortes en France, ne conteste pas la réalité des menaces de mort proférées le 30 mars 2022 que le préfet a pu prendre en compte pour estimer que sa présence en France représentait une menace pour l'ordre public. Par suite, en prononçant à l'encontre du requérant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de la Sarthe n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 et à supposer que M. A... ait entendu se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ce moyen ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de ses conclusions d'excès de pouvoir. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant seulement qu'il porte sur les conclusions de M. A... dirigées contre la décision du 3 mai 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le tribunal administratif de Rennes et dirigée contre l'arrêté du 3 mai 2022 en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.

La rapporteure

C. B... Le président

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT021122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02112
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET CAROLE GOURLAOUEN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-03;22nt02112 ?
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