Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2003903 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2022, M. A..., représenté par Me Le Bourhis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 décembre 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 1er mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa situation justifiait que lui soit délivré un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée le 1er juillet 2021 au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-marocaine du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 15 novembre 1976, est entré en France le 14 novembre 2014, titulaire d'un permis de séjour italien de longue durée-CE délivré le 26 janvier 2011. L'intéressé a sollicité son admission au séjour le 22 juin 2016 sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 novembre 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté cette demande. Par un jugement du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 10 novembre 2017. Par un arrêté du 1er mars 2019, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il n'est pas contesté que M. A..., titulaire d'un permis de séjour italien de longue durée-CE, réside depuis le mois de novembre 2014 sur le territoire français, qu'il a épousé en juin 2015 une compatriote avec laquelle il vivait depuis quelques mois, que cette dernière est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en octobre 2021, mère de deux enfants nés en 2001 et 2003 d'une précédente union avec un ressortissant français, et avec qui le requérant a lui-même eu trois enfants, nés en 2016 et 2017 et 2019, un quatrième étant né postérieurement à l'arrêté. Il ressort des pièces du dossier que le lourd handicap dont est atteint le deuxième enfant de son épouse nécessite un suivi pluridisciplinaire régulier, des séances de rééducation, des appareillages et aides techniques, ainsi que l'assistance d'un tiers, et que l'investissement de M. A..., notamment auprès de cet enfant handicapé, est attesté par le rapport d'une assistante sociale. Bien que l'intéressé a fait l'objet d'un précédent refus de titre de séjour en 2016, il justifie, à la date de l'arrêté contesté, d'attaches fortes et stables en France, son épouse n'ayant pas vocation à quitter le territoire français, en dépit de l'absence de maintien de liens entre ses deux premiers enfants et le père de ces derniers. Si M. A... ne justifie pas d'une activité professionnelle à la date de l'arrêté, il s'en explique par son état de santé, qui l'a conduit à démissionner en 2018 de l'emploi qu'il occupait dans le Loiret, sous contrat à durée indéterminée, avant d'entamer des démarches au terme desquelles il s'est vu attribuer une allocation aux adultes handicapés à compter du 1er décembre 2018 et reconnaître la qualité de travailleur handicapé assorti d'un taux d'incapacité compris entre 50 et 80%. Eu égard à ce qui précède et dans les circonstances particulières de l'espèce, le refus de titre de séjour opposé à l'intéressé par le préfet d'Ille-et-Vilaine a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à M. A... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, sous réserve d'un changement de circonstance de droit ou de fait, de délivrer ce titre à M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à
Me Le Bourrhis dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 2003903 du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 1er mars 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine sont annulés.
Article 2 Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de délivrer à M. A..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3: L'Etat versera à Me Le Bourrhis la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2023.
La rapporteure,
C. C...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT018512