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03/02/2023 | FRANCE | N°22NT01387

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 février 2023, 22NT01387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2200976 du 11 avril 2022, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de Mme B... A... dans un délai de trente jours et de lui délivrer dans l'attente u

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2022 du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2200976 du 11 avril 2022, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la situation de Mme B... A... dans un délai de trente jours et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 mai et 10 novembre 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- le premier juge a estimé à tort que la décision portant obligation de quitter le territoire français avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens invoqués dans la demande de première instance ne sont pas fondés.

La requête et le mémoire ont été communiqués les 31 mai et 10 novembre 2022 à

Mme A... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson, rapporteure,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante angolaise née le 18 octobre 1978, est entrée en France le 22 août 2017, selon ses déclarations. Le bénéfice de l'asile lui a été refusé par une décision du 21 avril 2021 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 24 novembre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 31 janvier 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 11 avril 2022 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée sur le territoire français le 22 août 2017, accompagnée de sa fille, à laquelle elle avait donné naissance en 1992, alors qu'elle était âgée d'à peine quatorze ans, après avoir, selon ses déclarations, été contrainte à une union forcée en raison de son orientation sexuelle. La fille de l'intéressée s'est vu octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision du 24 novembre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile, qui a relevé qu'elle avait fait l'objet d'une agression sexuelle particulièrement violente et qu'elle présentait un état de vulnérabilité, lié à une fragilité psychologique et à des capacités cognitives réduites, ce que corroborent deux certificats médicaux de juin et octobre 2021. Mme A..., qui déclare vouloir désormais engager des démarches en vue de faire placer sa fille sous protection juridique, fait valoir sans être contredite qu'elle gère le quotidien de sa fille et que l'exécution de la mesure d'éloignement contestée aurait pour effet de les séparer l'une de l'autre et d'accentuer leur isolement respectif. Le caractère primordial de la présence de l'intimée auprès de sa fille pour assurer son équilibre est d'ailleurs évoqué par un certificat médical du 24 février 2022. Ainsi, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine obligeant Mme A... à quitter le territoire français doit être regardé, comme l'a estimé à juste titre le premier juge, comme portant une atteinte excessive au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 31 janvier 2022.

D E C I D E

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

Mme B... A....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

C. Brisson

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT013872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01387
Date de la décision : 03/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-03;22nt01387 ?
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