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31/01/2023 | FRANCE | N°21NT02599

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 31 janvier 2023, 21NT02599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 1er avril 2019 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer une carte nationale d'identité, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902657 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2021, M. C... B..., représenté par Me Inquimbert, demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 1er avril 2019 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer une carte nationale d'identité, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902657 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2021, M. C... B..., représenté par Me Inquimbert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de l'Orne du 1er avril 2019 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Orne de lui délivrer une carte nationale d'identité sans délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Inquimbert, son avocate, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision implicite portant rejet de son recours gracieux n'est pas motivée ;

- la décision contestée a été prise en violation du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 et de l'article 18 du code civil ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) du tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 1er avril 2019 par laquelle la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer une carte nationale d'identité ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale du 1er avril 2019 :

2. En premier lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier que par la décision expresse du 1er avril 2019, la préfète de l'Orne a refusé la délivrance de la carte nationale d'identité demandée par M. B..., lequel, compte tenu de ce qui vient d'être dit, ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision implicite rejetant son recours gracieux un vice propre tiré de son défaut de motivation.

4. En deuxième lieu, la décision du 1er avril 2019 est fondée sur ce que l'acte de naissance de M. B... établi le 21 octobre 1946 à Berkane (Maroc) par les autorités françaises dans les territoires anciennement sous souveraineté française ne permet pas d'établir à lui seul la nationalité française de l'intéressé lequel, malgré les demandes d'informations complémentaires formulées par le centre d'expertise et de ressources titres, n'a pas apporté d'éléments permettant d'établir de manière certaine sa nationalité française.

5. D'une part, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Aux termes de l'article 30 du même code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. ". Aux termes de l'article 31-2 du même code : " Le certificat de nationalité indique en se référant aux chapitres II, III, IV et VII du présent titre, la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé a la qualité de français, ainsi que les documents qui ont permis de l'établir. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge par les préfets et sous-préfets à tout Français qui en fait la demande dans l'arrondissement dans lequel il est domicilié ou a sa résidence (...). ". Aux termes du dernier alinéa de l'article 4 du même décret : " (...) Lorsque le demandeur ne peut produire aucune des pièces prévues aux alinéas précédents afin d'établir sa qualité de Français, celle-ci peut être établie par la production d'un certificat de nationalité française ".

6. Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives, qui ne sont pas en état de compétence liée, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de carte nationale d'identité ou d'un passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement du titre demandé.

7. D'autre part, les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements algériens sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 et font désormais l'objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de l'ensemble de ces textes que, selon le cas, soit les français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie au 3 juillet 1962, date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination, ont conservé de plein droit la nationalité française, ce, quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne, soit les français de statut civil de droit local originaires d'Algérie, même non domiciliés en Algérie, " ainsi que leurs enfants ", quel que soit le lieu de naissance de ces enfants, ont dû, pour rester français, souscrire une déclaration de reconnaissance, sauf si une autre nationalité ne leur a pas été conférée postérieurement à cette même date du 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française à compter du 1er janvier 1963.

8. Pour demander la délivrance d'une carte nationale d'identité, M. B..., né en 1943 au Maroc, se prévaut de la nationalité française de son père et de sa mère, nés en Algérie respectivement en 1923 et en 1930. Si ses liens de filiation avec les intéressés ne sont pas contestés, il incombe toutefois à M. B..., lequel n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française à son nom, de démontrer en vertu des dispositions précitées des articles 18 et 30 du code civil que ses parents bénéficiaient du statut civil de droit commun leur ayant permis de conserver la nationalité française sans formalités lors de l'accession à l'indépendance des départements algériens. Les Français musulmans originaires d'Algérie relevaient par principe du statut civil de droit local et ne pouvaient y renoncer qu'en vertu d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut de droit commun pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou de la loi du 18 août 1929, ces textes exigeant une démarche personnelle et volontaire de la personne originaire d'Algérie demandant expressément son admission au statut civil de droit commun. Si M. B... se prévaut d'un certificat de nationalité française délivré à son père le 3 octobre 1951 par le juge de paix d'Oudja, un tel certificat ne peut être regardé comme équivalent à un acte par lequel l'intéressé aurait manifesté sa volonté de renoncer au statut civil de droit local. Le père de M. B... faisait dès lors partie des français de statut civil de droit local originaires d'Algérie qui devaient souscrire une déclaration de reconnaissance de la nationalité française pour pouvoir la conserver, en application de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de M. B... ait souscrit une telle déclaration, si bien qu'il doit être regardé comme ayant perdu la nationalité française depuis le 1er janvier 1963. Dans ces conditions, la préfète de l'Orne a pu légalement refuser pour ce motif de délivrer à M. B... une carte nationale d'identité.

9. En troisième lieu et en tout état de cause, que le moyen tiré par le requérant de ce qu'il " se retrouve dans une situation administrative précaire du fait de l'administration ", relatif aux conséquences du refus qui lui a été opposé, est en lui-même sans incidence sur la légalité de cette décision.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Il suit de là que ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me Inquimbert, l'avocat de M. B..., de la somme qu'il demande au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2023.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02599
Date de la décision : 31/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL MARY et INQUIMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-31;21nt02599 ?
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