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27/01/2023 | FRANCE | N°21NT03653

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 janvier 2023, 21NT03653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le maire de Saint-Pierre-du-Fresne a refusé, au nom de l'État, de délivrer à Mme A... un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation au lieudit Le Hopiment.

Par un jugement no 1902023 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, donné acte à Mme A... du désistement de sa demande (article 1er du jugement), et, d'autre part,

rejeté la demande présentée par Mme C... (article 2).

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le maire de Saint-Pierre-du-Fresne a refusé, au nom de l'État, de délivrer à Mme A... un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation au lieudit Le Hopiment.

Par un jugement no 1902023 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, donné acte à Mme A... du désistement de sa demande (article 1er du jugement), et, d'autre part, rejeté la demande présentée par Mme C... (article 2).

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2021 et le 2 janvier 2023, Mme C..., représentée par la SELARL Juriadis, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de première instance ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 du maire de Saint-Pierre-du-Fresne, agissant au nom de l'État ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a soit omis répondre au moyen tiré de ce que le permis de construire, plutôt que d'être refusé, aurait pu être accordé en l'assortissant d'une prescription sur le fondement de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme soit omis d'indiquer le raisonnement qui a conduit le tribunal à écarter ce moyen ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Delaunay, substituant Me Gorand, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er juillet 2014, le maire de Saint-Pierre-du-Fresne a délivré, au nom de l'État, à Mme E... C... un certificat d'urbanisme pour un projet de détachement de deux lots à bâtir à usage d'habitation sur un terrain cadastré section A no 211. Ce certificat d'urbanisme a été prorogé à plusieurs reprises, en dernier lieu par un arrêté du 20 novembre 2018 du maire de Saint-Pierre-du-Fresne, au nom de l'État. Une décision tacite de non-opposition à la déclaration préalable de division de ce terrain en trois lots, dont deux lots (nos 1 et 2) en vue de construire, a été accordée le 3 avril 2017. Après avoir conclu avec Mme C... une promesse de vente pour le lot no 2, Mme A... a déposé, le 13 juin 2019, une demande de permis de construire une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AN no 211p2. Cette demande a été rejetée par un arrêté du 31 juillet 2019 du maire de Saint-Pierre-du-Fresne, agissant au nom de l'État. Mme C... et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté du 31 juillet 2019. Mme A... s'étant désistée de sa demande devant le tribunal administratif, Mme C... relève seule appel de l'article 2 du jugement du 22 octobre 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Caen :

2. Il ressort du dossier de première instance que Mme C... a notamment soutenu, dans son mémoire en réplique enregistré au greffe du tribunal le 7 janvier 2021, qu'à supposer que le projet de construction litigieux soit de nature à porter atteinte à la sécurité publique, le permis de construire ne pouvait être refusé dès lors qu'il était légalement possible de l'accorder en l'assortissant d'une prescription spéciale tenant à l'installation d'un miroir routier qui permettrait de garantir la visibilité et la sécurité au niveau de l'accès au terrain d'assiette du projet. En ne répondant pas sur ce point au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Caen a insuffisamment motivé son jugement du 22 octobre 2021. L'article 2 de celui-ci doit, par suite, être annulé en ce qu'il rejette la demande de Mme C..., sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen d'irrégularité invoqué.

3. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de permis de construire du 31 juillet 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / (...) "

5. L'arrêté attaqué vise les dispositions des textes applicables, notamment l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, et expose les raisons pour lesquelles le maire a estimé que l'accès au terrain, tel qu'il est envisagé à partir de la route départementale no 107, est de nature à présenter un risque pour la sécurité des usagers en raison de la distance de visibilité insuffisante à cet endroit. Ainsi, cet arrêté est suffisamment motivé, sans qu'aient d'incidence les circonstances qu'il ne vise pas le certificat d'urbanisme opérationnel positif du 1er juillet 2014 et ses arrêtés de prolongation ni n'expose les motifs des avis défavorables qu'il vise. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit, dès lors, être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

7. En vertu de ces dispositions, lorsque les accès à un projet de construction présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'accès au terrain d'assiette du projet est prévu pour prendre place au droit de la route départementale no 107, hors agglomération et peu avant le panneau de signalisation marquant l'entrée et la sortie de l'agglomération, avec une limitation de vitesse fixée à 50 km/h en agglomération et à 80 km/h hors agglomération. Il ressort notamment de l'avis des services techniques du département du Calvados, émis le 25 juin 2019 sur le projet litigieux, que, du fait de la configuration en courbe de la route départementale, de sa faible largeur et de la présence de talus d'environ trois mètres de hauteur de part et d'autre de la route sur la majeure partie de son tracé, la distance de visibilité réelle au débouché de l'accès du terrain d'assiette, mesurée sur site par les services du département, est de 200 mètres à gauche et de seulement 60 mètres à droite, alors que la distance de visibilité minimale pour assurer la sécurité des usagers de la voie publique et du projet a été évaluée à 83 mètres pour un véhicule roulant à 50 km/h et à 178 mètres pour un véhicule roulant à 80 km/h. Si Mme C... soutient que cette distance de visibilité minimale est erronée dès lors que, au regard de tableaux de " distances d'arrêt " en fonction de la vitesse élaborés par l'association de la prévention routière ou par la sécurité routière, la distance de freinage d'un véhicule roulant à 50 km/h est inférieure à 30 mètres et celle d'un véhicule roulant à 80 km/h inférieure à 60 mètres, ces éléments, propres à la distance de freinage sur un sol sec, ne sont pas de nature à remettre en cause les distances de visibilités établies par l'établissement public CEREMA (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) pour étudier les projets d'accès à la voirie, utilisées par le département du Calvados pour fonder son avis. Au demeurant, il ressort des relevés de vitesse effectués par le département du Calvados, cités par le préfet du Calvados dans ses écritures en défense devant le tribunal, que, en raison notamment de l'environnement non urbanisé du projet, la vitesse moyenne de 85 % des usagers de la route conduisant un véhicule léger est de 75 km/h en sortant de l'agglomération et de 67 km/h en entrant dans l'agglomération, avec des excès de vitesse quotidiens montant jusqu'aux tranches de, respectivement, 90 à 100 km/h et 80 à 90 km/h. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à la configuration de l'accès projeté et à la faible largeur, d'environ 4,25 mètres, de la chaussée, qui ne comporte d'ailleurs à cet endroit aucun marquage au sol de signalisation routière horizontale délimitant les deux voies de circulation, le véhicule sortant vers la droite de la parcelle du projet sera susceptible d'emprunter sur quelques mètres la voie opposée, ce qui sera de nature à accroître le risque pour la sécurité routière résultant de la distance de visibilité insuffisante précédemment relevée. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la pose d'un miroir routier sur le côté opposé du domaine public départemental, qui supposerait l'accord du département du Calvados et dont la pose est au demeurant interdite hors agglomération par l'article 14 de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière approuvée par l'arrêté du 7 juin 1977, suffirait à prévenir les risques d'atteinte à la sécurité publique engendrés par l'accès projeté. Aucune prescription spéciale n'aurait donc permis d'assurer la conformité du projet avec les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

9. Dès lors, c'est par une exacte application de ces dispositions que le maire de Saint-Pierre-du-Fresne, agissant au nom de l'État, a estimé que l'accès envisagé sur la route départementale no 107 était de nature à présenter un risque pour la sécurité des usagers de cette voie et pour celle des personnes utilisant cet accès et a refusé, pour ce second motif, le permis sollicité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2019 du maire de Saint-Pierre-du-Fresne, pris au nom de l'État.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 22 octobre 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

F.-X. D...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT03653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03653
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-27;21nt03653 ?
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