Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 675 066 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2019, date de sa demande indemnitaire préalable, en réparation du préjudice subi du fait des manquements fautifs de l'Etat qui l'ont amenée à décaisser des sommes importantes sur ses fonds propres.
Par un jugement n° 1901558 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 janvier 2022 et le 11 août 2022, la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest, représentée par Me Brenot et Me Billery, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 novembre 2021 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 675 066 euros, assortie des intérêts et pénalités de retard éventuellement exigibles ainsi que des intérêts moratoires à compter du 22 janvier 2019, date de sa demande indemnitaire préalable.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la situation financière difficile qu'elle rencontre résulte de la carence fautive de l'Etat à respecter son engagement d'assistance à la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Morlaix pour la mise en œuvre d'un fonds d'intervention d'urgence en faveur des entreprises de son territoire frappées par des restructurations économiques importantes en 2013 alors même qu'il lui a imposé par ailleurs de payer une contribution exceptionnelle ayant le même objet en application de la loi de finances pour 2015 ;
- la convention signée le 6 juillet 2015 entre l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Morlaix reconnaît expressément que les engagements pris en octobre 2013 pour la mise en place d'un fonds d'intervention d'urgence s'inscrivent dans la demande faite par l'Etat, par anticipation du Pacte d'avenir pour la Bretagne signé en décembre 2013, d'apporter immédiatement des réponses aux situations d'urgence rencontrées par les personnes et les entreprises des bassins d'emploi frappés par des restructurations économiques importantes ;
- la chambre de commerce et d'industrie territoriale de Morlaix a poursuivi l'exécution d'une volonté de l'Etat de voir des acteurs publics et privés venir aider les territoires fragiles et l'Etat s'est engagé, le 6 juillet 2015, à la soutenir dans la mise en œuvre du fonds d'intervention d'urgence, ce qu'il n'a pas fait ; l'Etat ainsi commis une faute à l'origine de son préjudice ;
- son préjudice comprend la somme de 3 360 327 euros qu'elle a engagée initialement au titre du fond d'intervention d'urgence, une somme de 7 314 739 euros réclamée par l'Etat au titre de l'article 33 de la loi de finances pour 2015, et une somme correspondant aux éventuels intérêts et pénalités de retard dus à raison du paiement tardif du titre de perception d'un montant de 7 314 739 euros ; la situation de sa trésorerie est sans incidence sur le montant du préjudice réclamé ;
- le lien de causalité entre la faute de l'Etat et son préjudice est établi dès lors que ce dernier a contribué à la dégradation de sa situation financière en ne respectant pas son engagement de soutien et la sollicitant pour acquitter le montant de la contribution prévue par l'article 33 de la loi de finances pour 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public ;
- et les observations de Me Billery, représentant la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest.
Considérant ce qui suit :
1. Compte tenu des difficultés économiques importantes rencontrées par certaines entreprises du secteur agroalimentaire, la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) de Morlaix, aux droits de laquelle intervient la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO) depuis la fusion des chambres de commerce et d'industrie du Finistère intervenue en 2016, a décidé, par délibération du 18 octobre 2013, la création d'un fonds d'intervention d'urgence destiné, à partir de ses réserves propres, à soutenir financièrement les acteurs économiques locaux. Le préfet de la région Bretagne, au titre de la tutelle qu'il exerce sur les chambres consulaires, a approuvé la création de ce fonds d'un montant initialement fixé à 6 millions d'euros. Le 6 juillet 2015 une convention entre la CCIT de Morlaix et le préfet de région Bretagne a été signée dans le cadre du Pacte d'avenir pour la Bretagne du 13 décembre 2013. Par courrier du 22 janvier 2019, la CCIMBO a informé les ministres de l'économie et de l'action et des comptes publics de difficultés financières dues, selon elle, au comportement de l'État qui se serait engagé à accompagner la création et la mise en œuvre de son fonds d'intervention d'urgence, tout en émettant, le 12 mars 2015, un titre de perception d'un montant de 7 314 739 euros en application des dispositions de l'article 33 de la loi de finances pour 2015 instituant un prélèvement de 500 millions d'euros sur le budget de l'ensemble des établissements consulaires territoriaux. La CCIMBO a en conséquence demandé l'indemnisation du préjudice résultant du versement sur ses fonds propres d'une somme totale supérieure à 13,3 millions d'euros. La CCIMBO relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 675 066 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 710-1 du code de commerce, il est conféré aux établissements du réseau des chambres de commerce et d'industrie, en leur qualité d'établissements publics de l'Etat, une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères. Ces établissements assurent l'interface entre les différents acteurs concernés et exercent leur activité sans préjudice des missions de représentation conférées aux organisations professionnelles ou interprofessionnelles par les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et des missions menées par les collectivités territoriales dans le cadre de leur libre administration. Ils contribuent ainsi au développement économique, à l'attractivité et à l'aménagement des territoires ainsi qu'au soutien des entreprises et de leurs associations en remplissant, dans des conditions fixées par décret, toute mission de service public et toute mission d'intérêt général nécessaires à l'accomplissement de ces missions. Cet article du code de commerce précise également que les chambres de commerce et d'industrie de région, les chambres de commerce et d'industrie territoriales et les groupements interconsulaires sont des établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et administrés par des dirigeants d'entreprise élus. Chacun des établissements du réseau des chambres de commerce et d'industrie tient une comptabilité analytique mise à la disposition des autorités de tutelle et de contrôle afin de justifier que les ressources publiques ont été employées dans le respect des règles de concurrence nationales et communautaires et n'ont pas financé des activités marchandes. Selon l'article L. 712-7 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " L'autorité compétente veille au fonctionnement régulier des établissements du réseau. Elle assiste de droit à leurs instances délibérantes. Certaines délibérations, notamment celles mentionnées au 1° de l'article L. 711-8, sont soumises à son approbation dans des conditions fixées par voie réglementaire. ".
3. La CCIMBO entend rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat à raison du
non-respect des engagements qu'il aurait pris d'assister la CCIT de Morlaix pour la mise en œuvre de son fonds d'intervention d'urgence, par de multiples incitations et en signant une convention le 6 juillet 2015, alors qu'il lui a demandé par ailleurs de s'acquitter d'une somme de 7,3 millions d'euros au titre d'une contribution exceptionnelle en application de l'article 33 de la loi de finances pour 2015.
4. Toutefois, il résulte de l'instruction que la CCIT de Morlaix a créé, lors d'une assemble générale extraordinaire du 18 octobre 2013, sur sa seule initiative, un fonds d'intervention d'urgence en faveur des entreprises de son territoire, permettant d'injecter dans l'économie locale des fonds substantiels pouvant apporter une aide d'urgence aux différents acteurs, en tenant compte de l'importance du montant de sa réserve de fonds propres, et qu'elle a décidé, après en avoir délibéré, de dégager un capital de 6 millions d'euros à cet effet. Dans le cadre de l'exercice de la tutelle de l'Etat sur les actes financiers des chambres consulaires, le préfet de la région Bretagne a précisé, par un courrier du 6 novembre 2013 qui a approuvé cette délibération du 18 octobre 2013, que cet engagement à créer un fonds d'intervention d'urgence est un complément essentiel d'autres mesures, notamment des dispositifs d'urgence pris dans le cadre du Pacte d'avenir de la Bretagne annoncé par le 1er ministre et mis en œuvre par les services de l'Etat en région avec l'appui de la CCIT de Morlaix, et qu'il salue à cet effet la volonté des élus de cette dernière. Ce partenariat entre la CCIT de Morlaix et l'Etat est illustré notamment par l'ensemble des documents produits au dossier relatifs à une aide financière sous forme de prêts remboursables accordés à une entreprise grâce au fonds d'intervention d'urgence de l'établissement consulaire et une aide financière de l'Etat en 2014. C'est d'ailleurs dans ce contexte que le " Pacte d'avenir pour la Bretagne " a été rendu public en décembre 2013 après des réunions de concertation organisées par l'Etat et la région avec les acteurs bretons. Il ressort également d'une convention signée le 6 juillet 2015 entre la CCIMBO et le préfet de région dans le cadre de ce " Pacte " que la chambre de commerce et d'industrie lui communique les résultats de l'utilisation de son fonds d'intervention d'urgence afin uniquement de les mettre en perspective avec les autres leviers d'intervention publique mobilisés dans le cadre dudit Pacte. Selon les termes mêmes de cette convention, celle-ci ne comporte aucune obligation réciproque entre les parties et la mise en place du fonds d'intervention d'urgence consacré à des actions de revitalisation économique du territoire n'est assortie d'aucune prescription contraignante à l'égard de la chambre consulaire en cas d'indisponibilité du financement prévu pour cette action. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat se serait engagé à soutenir, y compris financièrement, ce fonds ou à assister la CCIT de Morlaix, contrairement à ce que soutient la requérante.
5. De plus, l'Etat ne saurait être tenu pour responsable de ne pas s'être opposé à la création de ce fonds d'intervention d'urgence. Au demeurant, la CCIMBO ne justifie pas ni même n'allègue l'existence d'une faute lourde engageant la responsabilité de l'Etat en raison de la carence du contrôle de tutelle que le préfet est tenu d'exercer sur les chambres consulaires en vertu du 2° de l'article R. 712-2 du code de commerce et des dispositions des articles R. 712-6 à R. 712-8 de ce code.
6. Enfin, le paiement d'une contribution exceptionnelle par la CCIMBO en application de l'article 33 de la loi de finances pour 2005 est sans incidence directe sur les dépenses effectuées par la CCIMBO dans le cadre de la mise en œuvre de son fonds d'intervention d'urgence, qui ont un objet distinct alors surtout qu'il a déjà été jugé, par un arrêt n°17NT03422 du 8 février 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes devenu définitif, que l'intéressée n'est pas fondée à contester le bien-fondé de cette créance mise en recouvrement par le titre de perception émis à son encontre le 12 mars 2015 par le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique pour une somme de 7 314 739 euros correspondant au montant de cette contribution exceptionnelle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la CCIMBO n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat et, sans qu'il soit besoin d'examiner le préjudice dont elle se prévaut, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
8. L'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la CCIMBO au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Bretagne Ouest et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la région Bretagne.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2023.
La rapporteure,
L. A...
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00171