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13/01/2023 | FRANCE | N°22NT02998

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 13 janvier 2023, 22NT02998


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du

13 avril 2022 par lequel le préfet de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2201146 du 6 juillet 2022 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre et 9 décembre 2022, M. A..., re

présenté par Me Lerévérent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du

13 avril 2022 par lequel le préfet de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2201146 du 6 juillet 2022 le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 septembre et 9 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Lerévérent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2022 ;

2°) d'annuler cette décision du 13 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne, en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du

19 décembre 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas visé l'intégralité des moyens soulevés, a insuffisamment motivé sa décision et n'a pas statué sur l'intégralité des conclusions ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées en méconnaissance des articles

L. 613-1 et L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la motivation est erronée s'agissant du dépôt d'une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé ;

- en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, il n'a pas été entendu avant que ne soit prise la décision lui faisant obligation de quitter le territoire alors même qu'il avait déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade ;

- les articles L. 611-1 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus puisque le préfet a estimé être en situation de compétence liée par les décisions prises par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; le préfet ne pouvait prendre une obligation de quitter le territoire avant de s'être prononcé sur sa demande de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulé en conséquence de la décision d'éloignement ; cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 2 octobre 1989, déclare être entré irrégulièrement en France le 11 juillet 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 novembre 2021 puis par la Cour nationale du droit d'asile le

30 mars 2022. Par un arrêté du 13 avril 2022, notifié le 29 avril suivant, le préfet de l'Orne l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué expose, avec suffisamment de précision, les considérations de fait et de droit qui le fondent. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier, faute d'une motivation suffisante.

3. Le requérant qui fait valoir que le premier juge n'a pas statué sur l'ensemble de ses conclusions et n'a pas visé l'intégralité des moyens soulevés sans préciser quelles conclusions ou quels moyens auraient été omis, n'assortit pas ses allégations de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

4. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :

5. En premier lieu, comme l'ont mentionné les premiers juges au point 3 de la décision attaquée, l'arrêté préfectoral, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, énonce les considérations de fait et de droit sur lesquels il repose et est ainsi suffisamment motivé. La circonstance que l'arrêté en cause ne fait pas mention de l'engagement par M. A... d'une procédure tendant au dépôt d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade n'est pas à elle seule de nature à établir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les dispositions des articles L. 613-2, L. 613-3 et L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du jugement attaqué, le moyen tiré de ce que le principe du contradictoire prévu à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, aurait été méconnu ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

7. En premier lieu, contrairement à ce qu'allègue le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions prises successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Comme il vient d'être indiqué au point 2 ci-dessus, M. A... qui ne justifie pas avoir déposé une demande de titre de séjour avant que le préfet ne prenne la décision en litige.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3°(...) " et aux termes de de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". L'article R. 611-1 du même code dispose que : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...). ".

9. Dans le cas prévu au 4° des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Il s'ensuit que le préfet pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre à l'encontre de l'intéressé une décision lui faisant obligation de quitter le territoire dès le rejet de sa demande d'asile.

10. Par ailleurs, lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

11. M. A... produit, outre une attestation du 21 janvier 2021 établie par un praticien du centre hospitalier d'Alençon-Mamers décrivant les lésions corporelles dont il est atteint ainsi qu'un certificat médical destiné à l'OFII faisant état en particulier de souffrances psychiques et d'un stress post-traumatique et mentionnant l'existence de consultations spécialisées. Toutefois ces pièces ne permettent pas, à elles seules, de démontrer que l'état de santé du requérant nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Guinée, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

12. En dernier lieu, la circonstance que M. A... ait eu l'intention de présenter une demande de titre de séjour sur un fondement autre que celui de l'asile, ainsi que le révèle la fiche médicale destinée à la saisine de l'OFII, n'imposait pas au préfet de surseoir à statuer avant de prendre sa décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En l'absence d'annulation de l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre du requérant, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence.

14. Enfin, le requérant en se bornant à alléguer qu'il serait exposé à un traitement contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine sans apporter de précisions sur les risques qu'il encourrait personnellement ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de ce moyen et de celui de l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise par le préfet. Ce moyen ne peut dès lors qu'être rejeté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

16. Les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02998
Date de la décision : 13/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LEREVEREND

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-13;22nt02998 ?
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