Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 du préfet de l'Orne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2106279 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juin et 21 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Andrivet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 21 février 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 7 décembre 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en omettant de se prononcer sur le moyen tiré du caractère non définitif du refus de titre de séjour pris à son encontre et de viser les pièces complémentaires produites postérieurement à sa requête, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français, fondée sur un refus de titre de séjour non définitif, est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 7 octobre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention franco-camerounaise du 24 janvier 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant camerounais né le 8 juillet 1980, est entré en France le 14 septembre 2001, selon ses déclarations. Il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français à compter du 21 novembre 2012, renouvelée jusqu'au 6 mai 2016. Sa nouvelle demande de délivrance d'un tel titre de séjour a été rejetée par un arrêté du 28 octobre 2021 du préfet de police de Paris. A la suite de son interpellation par les services de police le 7 décembre 2021, le préfet de l'Orne, par un arrêté du même jour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 21 février 2022 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué:
2. Pour contester la régularité du jugement attaqué, M. C... soutient que les premiers juges n'ont pas visé les pièces complémentaires produites postérieurement à l'enregistrement de sa requête et dont il est allégué qu'elles permettaient d'établir que le refus de titre de séjour pris à son encontre le 28 octobre 2021 par le préfet de police et contesté devant le tribunal administratif de Paris ne présentait pas de caractère définitif. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement que le tribunal a visé les pièces du dossier et a répondu de façon suffisamment motivée à l'ensemble des moyens soulevés par le requérant. Dès lors, les premiers juges, qui n'étaient tenus de se prononcer que sur les moyens soulevés par les parties et non sur l'ensemble des arguments supposément présentés à l'appui desdits moyens, n'ont entaché leur jugement d'aucune irrégularité, laquelle ne peut davantage résulter de l'appréciation portée sur les pièces produites devant eux.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 décembre 2021 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ".
4. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français serait subordonnée au caractère définitif du refus de titre de séjour pris antérieurement à cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée obligeant le requérant à quitter le territoire français serait entachée d'erreur de droit au motif qu'à la date de son édiction, la décision du 28 octobre 2021 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne serait pas devenue définitive ne peut qu'être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. M. C... fait valoir qu'il réside en France depuis 2001, qu'il a eu deux enfants, nés en 2011 et 2013, avec son épouse française dont il est séparé depuis 2015, qu'il a bénéficié de titres de séjour entre 2012 et 2016, qu'il est père d'un autre enfant né en 2019 de son union avec une compatriote en situation régulière sur le territoire français, où se trouve le centre de ses intérêts et où il a exercé un emploi pendant plusieurs années. Toutefois, l'intéressé, qui ne se prévaut d'aucun lien affectif avec ses deux enfants français, n'établit pas, en se fondant essentiellement sur quelques attestations insuffisamment circonstanciées et établies par des tiers postérieurement à l'arrêté contesté, qu'il subviendrait effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né en 2019, qui réside chez sa mère ou qu'il entretiendrait avec celui-ci des liens d'une particulière intensité à la date de cet arrêté. Le requérant ne justifie pas davantage, par la seule circonstance qu'il a effectué jusqu'en août 2019 des missions dans le cadre d'un emploi de déménageur, d'une particulière intégration sociale et professionnelle, alors qu'à la date de l'arrêté contesté, il est dépourvu d'emploi, de ressources et de logement autonome et qu'il a fait l'objet, par un jugement du 26 mai 2020 du tribunal correctionnel de Paris, d'une condamnation à une peine de quatre ans d'emprisonnement, assortie d'un sursis de deux ans et de diverses obligations, pour des faits d'agression sexuelle par conjoint commis entre janvier 2014 et avril 2015. En outre, M. C... n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans et où réside notamment sa mère, et ne conteste pas l'affirmation du préfet de l'Orne selon laquelle il est également père de deux premiers enfants, nés en 2002 et 2007 et résidant au Cameroun. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France du requérant, ainsi que de ses agissements, la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de l'Orne n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
7. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, tirés de l'absence de lien intense entre le requérant et ses enfants mineurs résidant en France, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée par le présent arrêt, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de cette annulation.
9. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".
10. Pour refuser d'assortir la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire, le préfet de l'Orne s'est notamment fondé sur la circonstance, non contestée par l'intéressé, que ce dernier a expressément manifesté son refus de retourner dans son pays d'origine lors de son audition du 7 décembre 2021 par les services de police. Si le requérant se prévaut de démarches entreprises en vue d'obtenir un titre de séjour, de la présentation de garanties qui ont permis l'enregistrement de sa demande et de l'absence d'une précédente mesure d'éloignement, ces éléments ne suffisent pas, par eux-mêmes, à faire regarder M. C... comme justifiant de circonstances particulières telles qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet de l'Orne aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 9.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2021 du préfet de l'Orne en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il fixe le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22NT020462