Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2009619 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021 Mme A..., représentée par Me Boezec, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle au regard notamment des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des conditions légales à remplir en tant que conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du même code au titre d'une activité salariée, la circulaire du 28 novembre 2012 et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2022, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office, tiré de la nécessité de substituer aux dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des
étrangers et du droit d'asile appliquées par le préfet les dispositions de l'article R. 121-8
du même code, applicables à un ressortissant d'un Etat non membre de l'Union
européenne mais conjoint d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne
résidant en France .
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 11 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me Baudouin substituant Me Boezec et représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 8 février 1998 et qui avait épousé le
17 septembre 2017 au Maroc un ressortissant italien résidant en France, est entrée sur le territoire français le 23 janvier 2018, munie d'un visa d'entrée de court séjour et s'est vu délivrer un titre de séjour valable du 11 avril 2018 au 10 avril 2019. Par un arrêté du 24 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 23 novembre 2021, dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ". Aux termes de l'article L. 121-1 de ce code, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) / 4° S'il est un conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2°(...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois (...) ". Aux termes de l'article R. 121-8 de ce code, alors applicable : " Les ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3, admis au séjour en leur qualité de membre de famille, conservent leur droit au séjour : (...) / 2° En cas de divorce ou d'annulation du mariage avec le ressortissant accompagné ou rejoint : (...) / c) Lorsque des situations particulièrement difficiles l'exigent, notamment lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative du membre de famille en raison de violences conjugales qu'il a subies (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'un compte rendu du CHU de Nantes du 15 décembre 2018, d'une attestation de saisine du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nantes établie par Me Merniz, avocat, le 14 janvier 2019 dans le but d'engager une procédure de protection, d'une demande d'hébergement auprès de la commission de médiation du département de la Loire-Atlantique le 24 janvier 2019, d'un certificat médical du 25 mars 2019 indiquant un suivi psychiatrique et d'un témoignage établi par Mme B... le 16 décembre 2021 que Mme A... a subi des violences physiques et psychologiques de la part de son époux au cours de l'année 2018. Compte tenu de ces éléments et alors même que la plainte que Mme A... a déposée pour violences conjugales le 21 décembre 2018 a été classée sans suite, le préfet de la Loire-Atlantique, en refusant le renouvellement de son titre de séjour, a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 121-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
5. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2009619 du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2021 et l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 24 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
Le rapporteur
J.E. D...La présidente
I. PerrotLa greffière
S. Pierodé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03684