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10/01/2023 | FRANCE | N°21NT01496

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 10 janvier 2023, 21NT01496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-sur-Oust a refusé de lui délivrer un permis de construire un logement au sein d'un bâtiment agricole, ainsi que la décision du 11 juillet 2018 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1804319 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2021 et 17 mai 2022 (ce dernier non communiq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel le maire de Saint-Martin-sur-Oust a refusé de lui délivrer un permis de construire un logement au sein d'un bâtiment agricole, ainsi que la décision du 11 juillet 2018 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1804319 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mai 2021 et 17 mai 2022 (ce dernier non communiqué), M. B... C..., représenté par Me Bourges-Bonnat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les décisions du 3 avril et du 11 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan) de lui délivrer le permis de construire sollicité ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-sur-Oust le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus contesté est entaché d'erreur de droit en ce que la demande ne s'accompagne d'aucune création de surface de plancher ;

- le refus contesté est illégal pour avoir été pris sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme, lui-même illégal en raison de son caractère imprécis et incohérent ;

- le refus contesté est entaché d'erreur de droit en ce que le projet ne concerne pas un changement de destination au sens de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le refus contesté est entaché d'erreur de droit en ce que le projet ne concerne pas un local nécessaire à la présence journalière de l'exploitant sur son principal lieu d'activité, au sens de l'article A2-2 du règlement du plan local d'urbanisme, mais sur la création d'un logement de fonction ;

- la demande de substitution de motif présentée par la commune, tirée de ce que les décisions peuvent être légalement fondées sur la circonstance que M. C... n'exerce plus aucune activité agricole, ne pourra être accueillie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2021, la commune de Saint-Martin-sur-Oust, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- les observations de Me Bourges-Bonnat, représentant M. C..., et de Me Kerrien, représentant la commune de Saint-Martin-sur-Oust.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... est propriétaire d'une parcelle cadastrée à la section ZM sous le n° 216, située sur le territoire de la commune de Saint-Martin-sur-Oust (Morbihan), et sur laquelle est implanté un bâtiment agricole. Il a déposé le 19 décembre 2014 une demande de permis de construire en vue de créer un logement au sein de ce bâtiment. Par deux arrêtés des 16 juillet 2013 et 4 octobre 2014, le maire de Saint-Martin-sur-Oust a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement n°s 1503320-1503337 du 23 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé ces décisions de refus et a enjoint à la commune de Saint-Martin-sur-Oust de réexaminer la demande. Par un arrêté du 3 avril 2018, le maire de la commune de Saint-Martin-sur-Oust a de nouveau refusé de délivrer le permis de construire sollicité et, par une décision du 11 juillet 2018, il a rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. M. C... relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2018 et de la décision du 11 juillet 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer le permis de construire litigieux, le maire de Saint-Martin-sur-Oust s'est fondé sur les motifs tirés, d'une part, de ce que le projet ne se situe pas à proximité d'un ensemble bâti habité ou d'une zone constructible à usage d'habitat dans le voisinage proche du corps de l'exploitation, en méconnaissance de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme, d'autre part, de ce que si le projet devait être regardé comme la création d'un local accessoire, la surface envisagée dépasse la surface maximale de 35 m2 prévue par le même article du même règlement du plan local d'urbanisme, enfin de ce que le bâtiment objet du changement de destination projeté n'a pas fait l'objet du repérage sur les plans de zonage du plan local d'urbanisme prévu par l'article A1 du même règlement.

3. En premier lieu, aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Martin-sur-Oust, est interdit " (à l'exclusion des cas expressément prévus à l'article A2) : / toute construction ou installation non liée et non nécessaire à l'exploitation agricole ou du sous-sol. (...) ". Aux termes de l'article A2 du même règlement : " Occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières. / I. constructions et installations liées et nécessaires aux activités agricoles, (...) / - l'édification des constructions à usage de logement de fonction strictement liées et nécessaires au fonctionnement des exploitations agricoles (surveillance permanente et rapprochée), dans la limite d'un seul logement nouveau par exploitation (...), sous la condition que l'implantation de la construction se fasse : / à proximité d'un ensemble bâti habité (hameau, village) ou d'une zone constructible à usage d'habitat située dans le voisinage proche du corps d'exploitation. / L'implantation de la construction ne devra, en aucun cas, favoriser la dispersion de l'urbanisation et apporter pour des tiers une gêne pour le développement d'activités protégées par la zone. / (...) - en l'absence de logement de fonction sur place ou à proximité immédiate du corps principal d'exploitation, les locaux (bureau, pièce de repos, sanitaires) nécessaires à la présence journalière de l'exploitant sur son principal lieu d'activité, et sous réserve qu'ils soient incorporés ou en extension d'un des bâtiments faisant partie du corps principal et que la surface hors œuvre brute ne dépasse pas trente-cinq mètres carrés (35m²). / (...) ". Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande présentée par M. C..., que son projet consiste en l'aménagement, au sein d'un bâtiment agricole existant, d'un logement de fonction d'une surface d'environ 100 m2. Le projet n'emporte ni la création d'une emprise au sol, ni la création d'une surface de plancher supplémentaire. Dès lors, il ne saurait être regardé comme une édification d'une construction au sens de l'article A2 précité du règlement du plan local d'urbanisme communal. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que le refus contesté est illégal pour avoir été pris sur le fondement de ces dispositions, lesquelles n'étaient pas applicables au projet.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. C... ne concerne pas un simple local (bureau, pièces de repos, sanitaires), au sens des dispositions de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme citées au point 3, mais porte sur l'aménagement d'un logement de fonction agricole d'une surface d'environ 100 m2 pour assurer la présence permanente et rapprochée de l'exploitant sur son exploitation. Dans ces conditions, le maire de Saint-Martin-sur-Oust ne pouvait légalement se fonder, pour refuser le permis de construire sollicité, sur le motif tiré de ce que la surface envisagée pour la création d'un local dépasse la surface maximale de 35 m2 prévue par l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme communal.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme, est interdit : " Tout changement de destination de bâtiments n'ayant pas fait l'objet de repérage sur le plan de zonage (sauf ceux étant liés à des projets de diversification de l'activité agricole). ". Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à aménager un logement de fonction au sein d'un bâtiment agricole, sur une surface limitée d'environ 100 m2 et n'emportera aucune construction nouvelle. Le hangar existant, d'une surface d'environ 2 679 m2, restera pour sa grande majorité affecté à un usage agricole. En tout état de cause, il résulte des termes même du jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 2018, devenu définitif, que le projet présenté par M. C... ne concerne pas un changement de destination au sens des dispositions de l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, le maire de Saint-Martin-sur-Oust ne pouvait légalement se fonder, pour refuser le permis de construire sollicité, sur le motif tiré de ce que le projet emporte un changement de destination devant, à ce titre, faire l'objet d'un repérage sur le plan de zonage.

6. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Pour établir que les décisions contestées, étaient légales, la commune de Saint-Martin-sur-Oust a invoqué, dans ses mémoires en défense de première instance communiqués à M. C..., ainsi que dans sa requête d'appel, que le demandeur avait cessé, à la date des décisions contestées, toute activité d'exploitation agricole aux abords de son projet.

8. Il ressort des pièces du dossier que par deux arrêtés du 24 janvier 2015, le maire de Saint-Martin-sur-Oust a refusé de délivrer les permis de construire sollicité par M. C... pour la réalisation d'un logement ainsi qu'une sellerie, une graineterie deux abris à chevaux au motif que les activités de pension et de location de chevaux ne caractérisent pas une activité agricole professionnelle et sont incompatibles avec la vocation agricole de la zone A. Par un jugement n°s 1503320,1503337 du 23 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé les deux arrêtés en retenant que les constructions nécessaires aux activités équestres constituent des constructions à caractère agricole, que les activités de pension et de location de chevaux ne sont pas incompatibles avec la vocation agricole de la zone A, et que le projet de logement relève des aménagements liés et nécessaires aux activités agricoles. L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de ce jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité pour ce logement soit à nouveau refusé par l'autorité administrative pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif.

9. En l'espèce, il est constant que M. C... a cessé, pour des raisons de santé, son activité principale de soutien à la production animale à compter du 31 décembre 2015, date à laquelle il a été reconnu comme invalide au deux-tiers par la mutualité sociale agricole. Dès lors, à la date de la décision contestée, le 3 avril 2018, l'intéressé ne justifiait pas exercer une activité agricole qui aurait été de nature à autoriser l'aménagement d'un logement de fonction agricole. Contrairement à ce que soutient M. C..., le motif tiré de ce qu'il a cessé toute activité agricole n'est pas identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif le 23 février 2018. Par suite, le maire de Saint-Martin-sur-Oust pouvait légalement refuser le permis de construire sollicité en retenant que M. C... n'exerçait plus, à la date de ses décisions, d'activité agricole nécessitant l'aménagement d'un logement de fonction. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce seul motif. Dans ces conditions, et à l'instar des premiers juges, il y a lieu de procéder à la substitution de motif demandée par la commune de Saint-Martin-sur-Oust, qui ne prive le requérant d'aucune garantie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Martin-sur-Oust, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans dépens.

12. D'autre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme à la commune de Saint-Martin-sur-Oust au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Martin-sur-Oust au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la commune de Saint-Martin-sur-Oust.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rivas, président de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.

Le rapporteur,

A. A...Le président de la formation

de jugement,

C. RIVAS

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01496
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. RIVAS
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL BOURGES-BONNAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-10;21nt01496 ?
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