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06/01/2023 | FRANCE | N°22NT00777

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 06 janvier 2023, 22NT00777


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lavage service Brault a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le maire de Mayenne a fixé du lundi au samedi de 7h à 20h les jours et horaires d'ouverture de la station de lavage pour véhicules automobiles qu'elle exploite rue Saint-Jean-de-Berne, et lui a prescrit de faire réaliser, à ses frais, par un organisme agréé, une étude acoustique aux fins de déterminer le niveau prévisible des émissions s

onores pour le voisinage liées au fonctionnement de cet établissement, et, le cas ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Lavage service Brault a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le maire de Mayenne a fixé du lundi au samedi de 7h à 20h les jours et horaires d'ouverture de la station de lavage pour véhicules automobiles qu'elle exploite rue Saint-Jean-de-Berne, et lui a prescrit de faire réaliser, à ses frais, par un organisme agréé, une étude acoustique aux fins de déterminer le niveau prévisible des émissions sonores pour le voisinage liées au fonctionnement de cet établissement, et, le cas échéant, les mesures compensatoires à mettre en œuvre à la réalisation desquelles l'exploitant devra s'engager.

Par un jugement n° 1901012 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 mars 2022, 30 mai 2022, 11 octobre 2022, 27 octobre et 14 novembre 2022, la SARL Lavage service Brault, représentée par Me Landry, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1901012 du tribunal administratif de Nantes du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Mayenne du 20 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mayenne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont fondés à tort sur un relevé de 90 dB lors du constat d'huissier du 22 octobre 2018 ;

- la commune de Mayenne a méconnu l'article L. 171-8 du code de l'environnement, ce qui l'a ainsi privée de la garantie d'une procédure contradictoire ; la commune de Mayenne a méconnu la procédure contradictoire prévue aux articles L.121-1, L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le constat d'huissier du 22 octobre 2018 ne permet pas d'établir les faits ; la procédure suivie par la commune pour établir les faits à la suite du litige qui lui a été soumis n'a pas permis une constatation sérieuse de l'atteinte à la tranquillité nécessitée par les termes de l'article R. 1336-11 du code de la santé publique ; la mesure n'est pas fondée sur un trouble à l'ordre public matériellement établi ;

- la commune de Mayenne a méconnu l'alinéa 1er de l'article R. 1336-6 du code de la santé publique, qu'elle avait pourtant visé et auquel l'arrêté préfectoral du 15 juillet 2008 et l'arrêté ministériel du 5 décembre 2006 se référent indirectement ;

- l'arrêté du maire de Mayenne du 20 décembre 2018 est entaché d'erreur d'appréciation ; les mesures réalisées par la société SECURIS BTP, en lisière de leur propriété, selon une méthode plus fiable que le constat d'huissier du 22 octobre 2018, ont fait ressortir une émergence de 2 dB qui est inférieure aux 5 dB admissibles en semaine de 7 h à 22 heures et aux 3 dB admissibles entre 22 heures et 7 heures en semaine et les dimanches et jours fériés ;

- l'article 5 de l'arrêté préfectoral du 15 juillet 2008 est illégal alors que l'article R. 1334-33 devenu article R. 1336-7 du code de la santé publique définit la période diurne comme s'étendant de 7 heures à 22 heures et la période nocturne de 22 heures à 7 heures et parce que l'interruption toute la journée des dimanches et jours fériés constitue une interdiction générale et absolue, qui porte à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels l'arrêté a été pris ;

- la mesure de fermeture de l'ensemble de la station est disproportionnée alors que seuls les postes de lavage " portique sans contact " et " lavage brosse " ont fait l'objet de mesures sonores ; seule une habitation, hors celle des gérants, est susceptible d'être affectée par d'éventuelles nuisances sonores compte tenu du caractère de zone d'activités, et non résidentiel, du site ; les époux A... devaient être conscients du caractère bruyant du site, en zone UEc (zone dédiée aux activités économiques) du PLUi sur lequel ils ont fait construire leur maison avant que la station de lavage soit établie ;

- la commune de Mayenne ne peut invoquer pour la première fois en appel des motifs nouveaux pour fonder l'arrêté contesté, tirés de nuisances liées à la projection de produits de nettoyage, des odeurs de détergents et des nuisances visuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, la commune de Mayenne, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SARL Lavage service Brault la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 28 octobre 2022, M. et Mme B... et C... A..., représentés par Me Gouedo, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la SARL Lavage service Brault la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Landry pour la société Lavage Service Brault, de Me Lapprand pour la commune de Mayenne et de Me Gouedo pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Lavage service Brault exploite une station de lavage automobile située rue Saint-Jean de Berne sur le territoire de la commune de Mayenne, qui était ouverte tous les jours de 6 heures à 22 heures. A la suite d'une plainte formée par des riverains, qui ont fait réaliser des mesures de bruit par huissier, le maire de Mayenne a par un arrêté du 20 décembre 2018 restreint du lundi au samedi de 7h à 20h les périodes d'ouverture de cette station de lavage et enjoint à la SARL Lavage service Brault de faire réaliser, à ses frais, par un organisme agréé, une étude acoustique aux fins de déterminer le niveau prévisible des émissions sonores de cet établissement pour le voisinage, et, le cas échéant, de fixer les mesures compensatoires à mettre en œuvre et à la réalisation desquelles l'exploitant devra s'engager. La SARL Lavage service Brault relève appel du jugement du 13 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention :

2. Il ressort des pièces du dossier que la station de lavage de la SARL Lavage service Brault a été construite en juillet 2018, à quelques mètres de l'autre côté de la rue au droit de laquelle se trouve la maison d'habitation de M. et Mme A.... Compte tenu de la proximité des installations générant les nuisances dont ils se plaignent, ces derniers justifient d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la commune de Mayenne. Ainsi, leur intervention est recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique (...) les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article R. 1336-6 du code de la santé publique : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1336-10 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. / Lorsque le bruit mentionné à l'alinéa précédent, perçu à l'intérieur des pièces principales de tout logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, est engendré par des équipements d'activités professionnelles, l'atteinte est également caractérisée si l'émergence spectrale de ce bruit, définie à l'article R. 1336-8, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. /Toutefois, l'émergence globale et, le cas échéant, l'émergence spectrale ne sont recherchées que lorsque le niveau de bruit ambiant mesuré, comportant le bruit particulier, est supérieur à 25 décibels pondérés A si la mesure est effectuée à l'intérieur des pièces principales d'un logement d'habitation, fenêtres ouvertes ou fermées, ou à 30 décibels pondérés A dans les autres cas. ". Aux termes de l'article R. 1336-7 du même code : " L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : / 1° Six pour une durée inférieure ou égale à 1 minute, la durée de mesure du niveau de bruit ambiant étant étendue à 10 secondes lorsque la durée cumulée d'apparition du bruit particulier est inférieure à 10 secondes ; / 2° Cinq pour une durée supérieure à 1 minute et inférieure ou égale à 5 minutes ; / 3° Quatre pour une durée supérieure à 5 minutes et inférieure ou égale à 20 minutes ; / 4° Trois pour une durée supérieure à 20 minutes et inférieure ou égale à 2 heures ; /5° Deux pour une durée supérieure à 2 heures et inférieure ou égale à 4 heures ; / 6° Un pour une durée supérieure à 4 heures et inférieure ou égale à 8 heures ; / 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures. ".

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des visas de l'arrêté contesté qu'il est fondé sur les seules constatations issues du constat d'huissier réalisé le 22 octobre 2018, à la demande des époux A..., qui a permis de relever un bruit ambiant de 78 dB sur site et de 58 dB dans l'habitation des intéressés lors du lavage d'un véhicule par le poste sans contact et de respectivement 77 dB et 59 dB lors du séchage. L'huissier a également relevé un bruit ambiant de 70 dB devant le portail de la propriété de M. et Mme A... quand un véhicule s'est présenté au poste avec brosse au sud de la station de lavage. De telles constatations, qui ne tiennent pas compte du bruit résiduel et de l'émergence et donc du caractère éventuellement bruyant des lieux, en dehors même de l'activité de la station de lavage litigieuse, par exemple du fait de la circulation automobile alentour, ne pouvaient suffire, à elles seules, pour caractériser une atteinte à la tranquillité publique résultant uniquement des conditions d'exploitation de cette station. Par suite, le maire de la commune de Mayenne doit être regardé comme ayant commis une erreur d'appréciation en faisant usage de ses pouvoirs de police sur cette base pour imposer les sujétions résultant de l'arrêté contesté à la SARL Lavage service Brault.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Lavage service Brault est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SARL Lavage service Brault, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Mayenne la somme de 1 500 euros à verser à la SARL Lavage service Brault sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de M. et Mme A... est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1901012 du 13 janvier 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 3 : L'arrêté du maire de Mayenne du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 4 : La commune de Mayenne versera la somme de 1 500 euros à la SARL Lavage service Brault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Mayenne et de M. et Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Lavage service Brault, à M. B... A... et Mme C... A... et à la commune de Mayenne.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00777


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00777
Date de la décision : 06/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-06;22nt00777 ?
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