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16/12/2022 | FRANCE | N°22NT02338

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 décembre 2022, 22NT02338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201159 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des

mémoires, enregistrés les 22 juillet, 27 juillet et 7 octobre 2022, M. C... A..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201159 du 23 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet, 27 juillet et 7 octobre 2022, M. C... A..., représenté par Me Hourmant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 23 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 2 mai 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, en ce qu'il est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur l'ensemble des moyens invoqués ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en ne lui accordant pas de délai de départ supérieur à trente jours, comme le prévoit l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Calvados a entaché sa décision d'illégalité ;

- compte tenu de la fragilité de son état de santé, la mesure d'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée de l'incompétence de son signataire ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à son état de santé ;

- dès lors qu'elle fait obstacle à toute possibilité pour l'intéressé de se prévaloir d'un droit au séjour pour raisons de santé, la mesure d'interdiction de retour en France est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant albanais né le 7 janvier 1999, a déclaré être entré en France le 2 septembre 2021. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 février 2022, notifiée à l'intéressé le 11 mars 2022. Par arrêté du 2 mai 2022, le préfet du Calvados l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour en France pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En se bornant à soutenir que le jugement attaqué n'a pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il avait invoqués en première instance, sans indiquer ceux auxquels la magistrate désignée aurait omis de répondre, M. A... n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé. Il s'ensuit que le moyen d'irrégularité tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France irrégulièrement en septembre 2021, n'a été admis à séjourner en France que provisoirement, le temps de l'examen de sa demande d'asile, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejetée par décision du 7 février 2022, notifiée à l'intéressé le 11 mars suivant. Dans ces conditions, son séjour en France ne présentait pas, à la date de l'arrêté en litige du 2 mai 2022, un caractère d'ancienneté et de stabilité suffisant pour qu'il puisse être regardé comme résidant habituellement en France au sens des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il se prévaut. Dès lors, le requérant ne relève pas de l'hypothèse prévue par les dispositions citées ci-dessus dont il invoque la méconnaissance. Si M. A... justifie qu'il était atteint d'une drépanocytose de type SS, compliquée d'un anévrisme et d'un déficit enzymatique, décelés au cours du mois de mai 2022, le certificat médical établi le 22 juillet 2022, au moment où une intervention a été programmée le 4 août suivant, ne suffit pas à établir que son état de santé ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine à la date de l'arrêté en litige.

5. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque espèce. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé. "

6. Le requérant fait valoir que le préfet aurait dû lui accorder un délai supplémentaire de départ au regard du risque de rupture de son anévrisme qui a conduit les praticiens du centre hospitalier universitaire de Caen à programmer une intervention chirurgicale le 4 août 2022. D'une part, il est constant que M. A... n'avait pas porté à la connaissance du préfet ces éléments relatifs à son état de santé, qui n'ont été décelés que postérieurement à l'arrêté litigieux. D'autre part, les pièces du dossier ne suffisent pas à établir que cette intervention, programmée trois mois après l'arrêté en litige, n'aurait pu avoir lieu en Albanie. Dès lors, en obligeant, le 2 mai 2022, M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sans lui accorder de délai supplémentaire, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Dès lors que les pièces du dossier ne suffisent pas à établir que l'état de santé de M. A..., tel qu'il a été décelé dans le mois suivant l'intervention de la mesure d'éloignement litigieuse, ne lui permettait pas de voyager sans risque et qu'il ne pouvait faire l'objet d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne remet pas en cause son droit à la vie garanti par les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... n'ayant été autorisé à séjourner en France que le temps de l'examen de sa demande d'asile, ne justifiant d'aucune démarche d'insertion et ne faisant état d'aucune attache sur le territoire français, la décision l'obligeant à quitter le territoire ne porte pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision fixant le pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être renvoyé d'office doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. ". Il ressort des pièces du dossier que l'anévrisme et le déficit enzymatique globulaire rouge, décelés lors d'une hospitalisation courant mai 2022, ont conduit les praticiens à préconiser en juillet, soit deux mois après l'intervention de l'arrêté litigieux, une intervention chirurgicale programmée le 4 août 2022 afin de remédier au risque de rupture. Aucune des pièces produites par le requérant n'est de nature à établir que M. A... n'aurait pas pu bénéficier de cette intervention dans son pays d'origine. Il s'ensuit que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". En vertu de l'article L. 612-10 du même code, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence en France de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et de la menace à l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

11. En se bornant à soutenir que l'interdiction de retour en France d'une durée d'un an qui lui a été opposée fait obstacle à ce qu'il sollicite un titre de séjour pour raisons de santé, M. A... n'établit pas, eu égard à ce qui a été dit aux points 4 et 7, que cette mesure serait entachée d'illégalité dans son principe ou dans sa durée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

J. B...

Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02338


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02338
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-16;22nt02338 ?
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