La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2022 | FRANCE | N°22NT00832

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 13 décembre 2022, 22NT00832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2200724 du 18 février 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 ma

rs 2022, M. A..., représenté par Me Delilaj, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2200724 du 18 février 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mars 2022, M. A..., représenté par Me Delilaj, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 février 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 9 février 2022 ;

3°) de lui permettre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans le délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle, et notamment des éléments qu'il lui a communiqués le 8 février 2022.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête et indique à la cour que le délai de transfert de M. A..., déclaré en fuite, a été prorogé jusqu'au 18 août 2023.

Il soutient que les moyens présentés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, relève appel du jugement du 18 février 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2022 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, que le 8 février 2022, M. A... a communiqué au préfet d'Ille-et-Vilaine une lettre manuscrite faisant état de ses conditions d'arrivée en Italie, de l'absence de traducteur, de ses conditions d'hébergement dans ce pays et de son arrivée en France. Dans son arrêté du 9 février 2022, le préfet a mentionné ce courrier en indiquant qu'il était " relatif à sa situation administrative ". Cette seule circonstance, n'est pas de nature à établir que le préfet n'aurait pas lu ce courrier et n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604 2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le 21 septembre 2021, M. A... a été reçu en entretien à la préfecture des Hauts-de-Seine. L'intéressé soutient qu'il n'est pas établi que cet entretien aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ainsi que le prévoit l'article 5 précité du règlement du 26 juin 2013. Le compte-rendu produit en première instance par le préfet ne comporte en effet que le cachet de la préfecture avec la mention " agent de la préfecture des Hauts-de-Seine ", sans aucune autre mention permettant de l'identifier. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A... a bénéficié d'un second entretien à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, le 30 novembre 2021. Le résumé de cet entretien comporte les initiales de l'agent qui l'a conduit, lequel est réputé qualifié en vertu du droit national au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013. Au cours de cet entretien, M. A..., qui comprend le français, a pu faire valoir ses observations et notamment indiquer qu'il souffrait du dos. Par suite, l'intéressé a bénéficié avant que l'arrêté contesté ne soit pris, d'un entretien mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

8. Dans son courrier adressé le 8 février 2022 au préfet d'Ille-et-Vilaine, M. A... évoque ses conditions d'hébergement en Italie et l'absence de traducteur. Il n'établit toutefois pas qu'une décision d'éloignement aurait été prise à son encontre par les autorités italiennes. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit aux points 6 et 7, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté.

9. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits

garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 30 novembre 2021, M. A..., qui est célibataire et ne possède pas de famille en France, a déclaré qu'il avait mal au dos et qu'il allait consulter un médecin. Il n'a produit, ni en première instance, ni en appel, aucun justificatif médical à l'appui de ses allégations. Par suite, et alors même qu'il est âgé de moins de 20 ans, l'intéressé n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions :

12. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Gélard, première conseillère

- M. Giraud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. COIFFET

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00832
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : DELILAJ

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-13;22nt00832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award