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02/12/2022 | FRANCE | N°21NT02387

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 02 décembre 2022, 21NT02387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination du pays en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2100681 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un m

émoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2021 et 10 mars 2022, M. B... C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 19 février 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination du pays en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2100681 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 août 2021 et 10 mars 2022, M. B... C..., représenté par Me Blache, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 7 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 19 février 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de parent accompagnant d'enfant malade, ou à titre infiniment subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier, révélé par l'absence de référence à des éléments essentiels de sa situation personnelle et familiale ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'alors qu'atteint d'une cirrhose évolutive à risque létal, il ne peut être soigné correctement en Géorgie ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard au motif exceptionnel lié à l'état de son fils ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que soit minorée la demande présentée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant géorgien né le 23 août 1975, a déclaré être entré en France le 15 septembre 2013 muni d'un visa de court séjour, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Débouté du droit d'asile, il a obtenu, à compter du 26 novembre 2014, un titre de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 13 juillet 2020. M. C... relève appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2021 portant rejet de sa demande de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

2. La décision portant refus de délivrer à M. C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade vise le 11° de l'article L. 313-11 et mentionne les éléments relatifs à la situation personnelle et à l'état de santé du requérant ainsi qu'à l'offre de soins en Géorgie qui ont conduit le préfet à estimer qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance de ce titre de séjour. Le requérant ayant sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le seul fondement des dispositions alors applicables du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non une autorisation provisoire de séjour, en qualité de parent d'enfant malade, sur le fondement de l'article L. 311-12 alors en vigueur du même code, le préfet n'avait pas à faire état de l'état de santé de son fils et de sa prise en charge en France, ces considérations étant étrangères aux conditions de délivrance du titre sollicité. Le refus de titre de séjour attaqué comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il est, par suite, suffisamment motivé. Par ailleurs, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle les éléments saillants de la situation personnelle et familiale du requérant qui ont conduit le préfet à considérer qu'il n'y avait pas d'obstacle à son éloignement du territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas au demeurant à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de titre dès lors qu'elle a été prise en raison d'un refus de séjour, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut qu'être écarté.

3. La motivation de l'arrêté en litige révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation du requérant au regard des éléments qui ont été portés à sa connaissance.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". Selon l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11,

le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ( ...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) " L'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'avis du collège de médecins de l'OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l'office (...) ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d'un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s'appuyant sur une combinaison de sources d'informations sanitaires. / L'offre de soins s'apprécie notamment au regard de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause. / L'appréciation des caractéristiques du système de santé doit permettre de déterminer la possibilité ou non d'accéder effectivement à l'offre de soins et donc au traitement approprié. / Afin de contribuer à l'harmonisation des pratiques suivies au plan national, des outils d'aide à l'émission des avis et des références documentaires présentés en annexe II et

III sont mis à disposition des médecins de l'office. ".

5. Par un avis émis le 14 octobre 2020 dans les conditions fixées par les dispositions citées ci-dessus, et dont le préfet s'est approprié le sens, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers la Géorgie.

6. Le requérant conteste le sens de cet avis, en particulier la possibilité pour lui de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Toutefois, en rappelant qu'il est atteint d'une cirrhose évolutive à risque létal et en produisant un certificat médical attestant de son suivi au centre hospitalier universitaire de Caen pour cette pathologie, le requérant n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause la pertinence de l'appréciation portée à deux reprises, les 14 janvier 2018 et 14 octobre 2020, par le collège de médecins de l'OFII, sur la possibilité pour lui de bénéficier en Géorgie d'un traitement approprié à son état de santé. Dès lors, en refusant à M. C... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet du Calvados n'a pas fait une inexacte application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. C... vivait depuis huit ans en France, avec son épouse et leurs jumeaux nés en 2009 et scolarisés, dont l'un est atteint de cécité. Si M. C... a séjourné régulièrement en France de 2014 à 2020 afin de bénéficier d'une prise en charge médicale, cette circonstance ne lui donnait pas vocation à rester durablement en France et il ressort des pièces du dossier qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement médical adapté en Georgie. Il est par ailleurs constant qu'il n'est pas inséré sur le plan professionnel et que son épouse, en situation irrégulière, n'a pas vocation à demeurer sur le territoire français. Le requérant ne se prévaut pas d'attaches personnelles ou familiales particulières en France autres que son épouse et ses deux enfants mineurs. L'accompagnement éducatif, psychologique et psychomoteur dont bénéficie leur fils A... en France, en raison de sa cécité, ne saurait à lui seul faire obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors du territoire français, notamment en Géorgie où les enfants peuvent poursuivre leur scolarité et où le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Enfin, et alors que l'arrêté en litige n'a pas pour objet ou pour effet de séparer les enfants de leurs parents, le préfet du Calvados n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Enfin, pour l'ensemble de ces motifs, le préfet du Calvados n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. C... ne justifiait pas d'une situation humanitaire ou exceptionnelle. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de son fils.

9. M. C... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales invoqué à l'encontre du refus de titre de séjour et de la violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif de Caen. Il y a lieu dès lors d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

10. Il résulte des points précédents que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que la demande présentée au titre des frais liés à l'instance doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

La rapporteure,

J. D...

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02387


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02387
Date de la décision : 02/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BLACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-12-02;21nt02387 ?
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