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18/11/2022 | FRANCE | N°22NT00425

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 novembre 2022, 22NT00425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Rennes à lui verser la somme de 58 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation de ses divers préjudices subis dans l'exercice de son activité de commerçante sur les marchés de Rennes.

Par un jugement n° 2000793 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 14 février 2022 et le 11 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la commune de Rennes à lui verser la somme de 58 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation de ses divers préjudices subis dans l'exercice de son activité de commerçante sur les marchés de Rennes.

Par un jugement n° 2000793 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2022 et le 11 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Gorand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 décembre 2021 ;

2°) de condamner la commune de Rennes à lui verser la somme de 58 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation de ses divers préjudices subis dans l'exercice de son activité de commerçante sur les marchés de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L .761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité de la commune de Rennes, prise en la personne de son maire qui fixe la règlementation applicable aux marchés de plein air et halles de la ville, doit être engagée compte-tenu de l'existence d'une carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police des marchés ; les dispositions de l'article 3-4 du règlement applicable aux marchés de plein air et halles de la ville, pris par arrêté du 10 décembre 2014, ont été méconnues dès lors que ni la maire de la ville ni les agents placiers n'ont effectué un marquage au sol de son emplacement ce qui l'a empêché d'exercer sereinement son activité ;

- elle invoque l'illégalité fautive de la facturation indue d'un mètre supplémentaire d'emplacement au titre du deuxième trimestre de l'année 2017 en ce que l'erreur de marquage au sol ne peut lui être imputée ;

- le comportement des agents placiers envers elle a aggravé sa situation en méconnaissance de l'article 12-1 du règlement applicable aux marchés de plein air et halles de la ville et leur carence constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Rennes ; leur comportement a nécessairement influencé celui de ses voisins de marché ; elle a ainsi été victime de propos et de comportements déplacés entre septembre 2021 et juin 2022 et la commune de Rennes n'a pas usé de ses pouvoirs de police pour les faire cesser ;

- elle a été victime d'une inégalité de traitement par rapport aux autres commerçants de la part des agents placiers à plusieurs reprises, ce qui est de nature à engager la responsabilité de la commune de Rennes ;

- les préjudices qu'elle a subis ne peuvent que résulter des fautes commises par la commune de Rennes ; elle a ainsi subi un préjudice moral qu'elle évalue à 8 000 euros ; elle a aussi subi un préjudice financier qu'elle évalue à 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 août 2022, la commune de Rennes, représentée par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés et que la responsabilité de la commune de Rennes ne peut être engagée ; ainsi, la maire n'a pas commis de faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police des marchés dès lors notamment que le marquage au sol des emplacements ne relève d'aucune obligation règlementaire et, qu'en tout état de cause, ces marquages ont été régulièrement repris sur son emplacement à sa demande ; la commune a toujours proposé des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par Mme C... sur le marché ; Mme C... ne justifie pas de l'existence d'une facturation indue ; il n'est pas justifié que les agents placiers ont adopté un caractère irrespectueux à l'égard de la requérante et qu'elle aurait subi une inégalité de traitement de leur part ; Mme C... ne justifie d'aucun préjudice.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... exerce une activité de commerçante non sédentaire pour la vente de fruits secs, olives et tapenades. Elle bénéficie depuis le 14 juin 2010 d'un emplacement de six mètres linéaires, le samedi, sur le marché ...de la commune de Rennes. Après avoir échangé à de nombreuses reprises avec les services municipaux sur les difficultés rencontrées dans l'exercice de son activité, elle a demandé à la maire de la commune de Rennes, le 27 novembre 2019, l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis résultant de la carence de cette autorité dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police générale et spéciale sur les marchés, des manquements des services municipaux et de l'illégalité de certaines mesures. Par courrier du 23 décembre 2019, la maire de Rennes a refusé de faire droit à cette réclamation préalable. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 décembre 2021 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rennes à lui verser une somme de 58 000 euros en réparation des divers préjudices subis dans l'exercice de son activité de commerçante.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; / (...). ". L'article L. 2224-18 de ce code prévoit que : " (...) / Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées. ".

3. En application de ces dispositions, la maire de Rennes a, par arrêté du 10 décembre 2014, fixé la règlementation applicable aux marchés de plein air et halles de la ville. L'article 3-4 de ce règlement précise que " Les commerçants titulaires et passagers devront respecter scrupuleusement l'emplacement attribué et les prescriptions des agents placiers. / Il est interdit de déposer des marchandises ou emballages en dehors des limites de l'emplacement attribué et en dehors du marché. / La Ville de Rennes ne prévoit pas de couloir de circulation entre les étals. Si toutefois les commerçants souhaitent disposer d'un espace de circulation, ces couloirs doivent s'inscrire dans les métrés qui leur ont été attribués. En aucun cas la diminution du métré d'exploitation par le commerçant donnera lieu à une réduction de la redevance. / (...) ". L'article 12 de ce règlement énonce que " les propos ou comportements (cris, chants, gestes, ivresse, micros et haut-parleurs etc.) de nature à troubler l'ordre public sont interdits ". L'article 15 de cette règlementation ajoute que : " L'autorité municipale est représentée sur les marchés par les agents placiers ou par les policiers municipaux de la Ville de Rennes, qui ont le pouvoir d'appliquer le présent arrêté. Ils fixent notamment l'emplacement attribué, le montant de la redevance due en application des tarifs en vigueur. Ils notifient aussi les courriers aux commerçants. / Le non-respect des prescriptions est passible de sanctions pénales et administratives. ".

4. En premier lieu, d'une part, Mme C... soutient que la maire de la commune de Rennes et les agents placiers qui représentent son autorité sur les marchés auraient dû effectuer un marquage au sol de son emplacement et qu'elle a en conséquence été empêchée d'exercer sereinement son activité. Elle précise que les commerçants n'ont pas respecté les limites des emplacements et ont empiété sur le sien, que les agents placiers lui reprochaient de ne pas être installée à l'intérieur de son emplacement et que ceux-ci procédaient à des contrôles de métrés à l'heure d'affluence des clients. D'autre part, Mme C... soutient que le comportement des agents placiers a aggravé sa situation en méconnaissance de l'article 12-1 du règlement applicable aux marchés de plein air et halles de la ville dès lors qu'ils n'ont fait preuve d'aucune réserve et l'ont notamment interpellée à de nombreuses reprises alors qu'elle était en train de travailler, à savoir en novembre 2013, le 7 mars 2015, en juin 2016, en octobre 2017, le 3 novembre 2017, le 2 décembre 2017, le 12 mai 2018 et en septembre 2019. Elle en conclut qu'elle est isolée et stigmatisée par les agents placiers mais aussi par les autres commerçants et que les carences de ces agents et de la maire de Rennes constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

5. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'à les supposer établis les troubles allégués par Mme C..., qui proviennent soit des commerçants voisins de son étal, soit, selon elle, des agents placiers, aient été d'une gravité telle que la maire de la commune de Rennes eut été dans l'obligation de les faire cesser en usant des pouvoirs de police qu'elle tenait des articles cités aux points 2 et 3 à la suite de ses nombreuses demandes et réclamations diverses effectuées entre 2014 et 2018. Au demeurant, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, il résulte de l'instruction que les services municipaux ne sont pas restés inactifs et se sont attachés à apporter des réponses aux sollicitations de Mme C..., par courriers ou lors d'entretiens en mairie les 10 juin 2015, 11 octobre 2016 et 3 novembre 2017. Cependant, malgré les changements d'emplacement dont elle a bénéficié, les relations de l'intéressée avec les commerçants voisins de son étal et les agents placiers sont demeurées conflictuelles. Enfin, l'imputabilité aux agents et services de la commune des comportements dommageables dont Mme C... se plaint n'est pas davantage établie par les plaintes et mains courantes émanant uniquement de la requérante et non corroborées par d'autres pièces.

6. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'illégalité fautive de la facturation indue d'un mètre supplémentaire d'emplacement au titre du deuxième trimestre de l'année 2017 pour un montant de 2,20 euros, que la requérante reprend en appel sans apporter de nouveaux éléments, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 6 de leur jugement.

7. En dernier lieu, Mme C... soutient qu'elle a été victime à plusieurs reprises d'une inégalité de traitement par rapport aux autres commerçants de la part des agents placiers qui est susceptible d'engager la responsabilité de la commune de Rennes. Elle affirme ainsi que ses voisins d'étals n'ont pas subi de contrôles de métrés par la méthode des pas devant leurs étals et aux heures d'affluence des clients, que les autres commerçants n'auraient pas été soumis à l'exigence de laisser un espace entre les étals et qu'ils sont, contrairement à elle, assistés des agents placiers lorsque cela est nécessaire. Elle ajoute que la notification de son nouvel emplacement serait intervenue plus tardivement que pour les autres commerçants. Toutefois, l'exactitude matérielle des éléments de fait invoqués par Mme C... n'est corroborée que par ses propres courriers, envoyés à la maire de Rennes entre 2014 et 2018. Or, ces courriers ne peuvent justifier, à eux-seuls, de l'existence d'une présomption sérieuse d'inégalité de traitement, dont le motif n'est pas précisé, alors notamment que le défenseur des droits n'en fait pas mention dans son courrier du 16 juillet 2018 adressé au directeur de la police municipale de Rennes. Au surplus, il n'est pas sérieusement contesté que le règlement des marchés de la ville de Rennes ne prévoit pas de couloirs de circulation entre les étals, que les placiers ne peuvent fournir une aide aux commerçants qu'à la seule condition que leur plan de charges le leur permette et que les placiers ne peuvent vérifier le respect des limites des emplacements qu'une fois les étals montés et donc nécessairement pendant les heures d'ouverture du marché. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... ne justifie pas d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Rennes. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Rennes à lui verser une somme de 58 000 euros en réparation des divers préjudices subis dans l'exercice de son activité de commerçante.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Rennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par la commune de Rennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Rennes tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de Rennes.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

L. B...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00425
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;22nt00425 ?
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