Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2020 du préfet de la Loire-Atlantique lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2007977 du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021, 16 décembre 2021, 8 et 10 février 2022, M. B..., représenté par Me Toutaou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 octobre 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 10 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 800 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour comme le prévoit l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette décision est entachée d'un vice de procédure ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 et du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en estimant qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français, le préfet a commis une erreur de fait ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'incompétence de son auteur, en l'absence de justification d'une délégation de signature régulière ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est entachée d'incompétence de son auteur, en l'absence de justification d'une délégation de signature régulière ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2022, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 février 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-marocaine en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 19 septembre 1986, est entré en Espagne le 24 août 2016 sous couvert d'un visa Schengen de court séjour, valable entre le 9 février 2016 et le 8 février 2017, avant d'entrer sur le territoire français. A la suite de son mariage avec une ressortissante française, le 21 décembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juillet 2020, le préfet de la
Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du
27 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté, aux points 3 et 4 de leur jugement, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une insuffisance de motivation et, d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) /4°A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ". Enfin, aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1, alors en vigueur, de ce code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".
4. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la délivrance du titre de séjour en qualité de conjoint de Français prévu au 4° de l'article L. 313-11 est subordonnée à la présentation d'un visa de long séjour prévu à l'article L. 211-2-1 de ce code et que la délivrance d'un tel visa à un demandeur qui séjourne en France est elle-même conditionnée notamment à une entrée régulière sur le territoire français.
5. M. B..., qui justifie d'une entrée en Espagne le 24 août 2016, muni d'un visa Schengen de type " C " à entrées multiples, valable du 9 février 2016 au 8 février 2017, soutient qu'il est entré régulièrement en France au cours de ce même mois d'août 2016. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, par les quelques attestations insuffisamment probantes émanant de ses proches et datées de juillet 2020 et août 2021, la réalité de ses allégations. Ni ces attestations ni aucun des justificatifs produits par M. B... ne permettent davantage d'établir qu'il serait entré sur le territoire français avant l'expiration du visa précité. Par suite, en estimant que la condition d'entrée régulière de l'intéressé sur le territoire français n'était pas remplie, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas, par sa décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, fait une inexacte application des dispositions combinées du 4° de l'article L. 313-11 et du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Si M. B... fait valoir que le préfet de la Loire-Atlantique a commis une erreur de fait en se référant dans son arrêté, non à son visa valable du 9 février 2016 au 8 février 2017 qui lui a permis d'entrer en Espagne le 24 août 2016, puis en France, mais à son précédent visa de même type expirant le 6 février 2016, cette inexactitude matérielle est sans incidence sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour fondée, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sur une absence de justification d'une entrée régulière sur le territoire français.
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 312-2, alors applicable, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles qu'elles visent et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. M. B... ne remplissant pas les conditions prévues par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour préalablement à l'édiction de la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. B... fait valoir qu'il est présent en France depuis août 2016, qu'il a épousé le 21 décembre 2019 une ressortissante française rencontrée un an plus tôt et avec laquelle il projette d'avoir un enfant, qu'il a tissé des liens en France et qu'il maîtrise la langue française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant ne justifie ni de l'ancienneté alléguée de sa présence en France ni de l'existence d'une communauté de vie avec son épouse antérieure au mois de juillet 2019. L'intéressé ne justifie pas davantage d'une particulière insertion socio-professionnelle et n'établit pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu pendant plus de trente ans et où résident notamment sa mère et quatre de ses frères et sœurs. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. B..., la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés du vice d'incompétence, de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation du requérant, dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français, moyens que M. B... réitère en appel sans les assortir d'éléments nouveaux.
11. Il résulte des motifs qui précèdent qu'en l'absence d'annulation du refus de titre de séjour, le requérant n'est pas fondé à demander, par voie de conséquence, l'annulation de l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre.
12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne porte pas au droit M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Loire-Atlantique n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 12 et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de ces moyens qui se rattachent à une demande nouvelle en appel, les moyens tirés de ce que la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
14. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté en tant qu'il fixe le pays de renvoi doit être écarté par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 de leur jugement.
15. Compte tenu de l'absence d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. B... ne saurait demander, par voie de conséquence, l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- Mme Lellouch, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
D. Salvi
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT033072