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18/11/2022 | FRANCE | N°21NT03119

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 novembre 2022, 21NT03119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1204984, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à lui verser conjointement la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation, et d'autre part, de condamner conjointeme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1204984, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à lui verser conjointement la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation, et d'autre part, de condamner conjointement les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros.

Sous le n° 1602534, cette même communauté d'agglomération a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société Sogea Bretagne BTP à lui verser la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts et de leur capitalisation, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD dans la première instance, et d'autre part, de condamner la société Sogea Bretagne BTP aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD dans la première instance.

Par un jugement n°s 1204984, 1602534 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, tout en précisant que les sommes de 23 058 euros TTC, 105 408 euros TTC et 1 405 442,28 euros TTC porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 6 janvier 2016 pour les deux premières sommes et à compter du 9 mai 2018 pour la troisième et que ces intérêts seraient capitalisés au 6 janvier 2017 pour les deux premières sommes et à chaque échéance annuelle, à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts (article 1er), en deuxième lieu, a mis à la charge conjointe des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD le versement à la communauté d'agglomération d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative (article 2), a rejeté la requête n° 1602534 de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale (article 3), a rejeté les conclusions des sociétés Sogea Bretagne BTP, MMA IARD Assurances Mutuelles, MMA IARD, Cabinet Bourgois, Merlin et Socotec France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté les conclusions de la société Socotec France au titre des dépens de la seconde instance (article 5).

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD, représentées par la SCP Depasse, Daugan, Quesnel, Demay, ont demandé à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du 26 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il leur est défavorable et de rejeter les demandes indemnitaires présentées en première instance par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale ; à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Sogea Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois à leur verser la somme de 1 533 908,28 euros au titre des réparations des désordres affectant la station d'épuration de Corniguel et à prendre en charge les dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 46 697,81 euros, sommes à assortir des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

Par un arrêt n° 19NT00258 du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD contre ce jugement, fait partiellement droit à l'appel incident de la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale en réformant le jugement du tribunal administratif s'agissant du point de départ des intérêts, fixé à compter du 15 mai 2012, et s'agissant de la capitalisation des intérêts échus sur la somme de 1 405 442,28 euros, retenue à compter du 9 mai 2018.

Par une décision n° 443368 du 5 novembre 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt du 26 juin 2020 et renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT03119.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés le 9 décembre 2021 et 21 avril 2022, les sociétés MMA IARD SA et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, représentées par la SCP Depasse, Daugan, Quesnel, Demay demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 septembre 2017 ;

2°) de condamner solidairement la société Sogea Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois à leur verser la somme de 1 533 908,28 euros en réparation des préjudices affectant la station d'épuration de Corniguel et au paiement de 46 697,81 euros au titre des entiers dépens assortis des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'article L. 242-2 du code des assurances a été respecté puisque, par un courrier du

25 juin 2010, les MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD ont informé la ville de Quimper de l'absence de prise en charge des désordres déclarés ;

- l'assureur dommages ouvrage n'est susceptible de devoir garantir des désordres de nature décennale qu'après réception et avant l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement dans la mesure où après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations dans le délai fixé par le marché ou dans un délai de 90 jours ; l'article L. 242-1 du code des assurances ne s'applique pas en l'absence de cumul des conditions requises par ce texte à savoir un désordre de nature décennale et une mise en demeure adressée à l'entrepreneur demeurée infructueuse ;

- l'action de la communauté d'agglomération Quimper communauté est prescrite en application de l'article L. 114-1 du code des assurances ; le fait pour l'assureur dommage ouvrage de ne pas respecter le délai de 60 jours ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse opposer la prescription biennale quand l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans les 2 ans suivant l'expiration du délai de 60 jours suivant la déclaration de sinistre ;

- la date d'expédition du courrier du 25 juin 2020 informant la ville de Quimper de l'absence de prise en charge des désordres est établie et la communauté d'agglomération en a bien eu connaissance ; les MMA justifient ainsi avoir respecté le délai qui leur était imparti et sont ainsi fondées à opposer toute cause de non garantie à son assuré.

Par des mémoires enregistrés les 16 et 29 mars 2022, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne occidentale, représentée par Me Santos Pires, conclut :

- à titre principal :

. au rejet de la requête ;

. et par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en ce qu'il a fixé le point de départ du taux de l'intérêt légal au 6 janvier 2016 s'agissant de la somme de 23 058 euros et de 105 408 euros et au 9 mai 2018 s'agissant de la somme de 1 405 442,28 euros et au rejet de la demande de capitalisation sur la somme de 1 405 442,28 euros ;

. à ce que la condamnation des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles soit assortie des intérêts au double du taux légal à compter du 15 mai 2012, capitalisés au 15 mai 2013 et à chaque échéance annuelle ;

- à titre subsidiaire :

. à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué ;

. à la condamnation de la société Sogea Bretagne BTP à lui verser la somme de 1 533 908,28 euros en réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel assortie des intérêts de droit capitalisés ;

- à ce que soit mis à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles ne rapportent pas la preuve de la date à laquelle le courrier du 25 juin 2010 a été expédié ; ce courrier n'a pas été adressé à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne occidentale ;

- ces sociétés ne peuvent refuser leur garantie dès lors que la société Covea Risk, assureur, a notifié le rapport d'expertise ainsi que sa prise de position sur le principe de l'indemnisation de sorte que les sociétés d'assurance ne peuvent plus discuter leur garantie ;

- le cours de la prescription a été interrompu par la requête aux fins de désignation d'un expert présentée au juge des référés ;

- aucun crédit ne peut être accordé au rapport de vérification produit par la société Sogea Bretagne BTP dès lors qu'il a été établi 6 mois après le rapport d'expertise et qu'il ne peut être reproché au maître de l'ouvrage de ne pouvoir justifier de la réalité de l'engagement des dépenses propres à remédier au désordre ; l'évaluation de l'expert judiciaire doit être confirmée.

Par un mémoire enregistré le 17 mars 2022, la société Socotec France Construction venant aux droits de la société Socotec France, représentée par Me Guyot-Vasnier, conclut :

- à titre principal à sa mise hors de cause, au rejet des conclusions présentées par les sociétés Merlin et Bourgeois et dirigées à son encontre et au rejet de toutes demandes ou conclusions formulées à son encontre ;

- à titre subsidiaire : à la condamnation in solidum des sociétés Merlin, du cabinet Bourgois et de Sogea Bretagne BTP à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et au rejet de toute demande de garantie, demande ou conclusion formulée à son encontre ;

- à la condamnation solidaire des sociétés Merlin et Bourgois à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés Merlin et Bourgois sont mal fondées à solliciter sa garantie dès lors que sa responsabilité dans la survenue des désordres ne peut être retenue ;

- la responsabilité de la société Sogea Bretagne BTP doit être engagée au regard des défauts d'exécution avec un défaut de direction et de surveillance des sociétés Merlin et Bourgois ;

- son obligation de réparation ne s'impose que dans les limites de la responsabilité du contrôleur technique définie par le contrat conclu avec le maître de l'ouvrage ;

- aucune faute ne peut être observée de sa part ainsi que l'a constaté l'expert ; les désordres découlent de défauts d'exécution imputables à la société Sogea Bretagne BTP ;

- subsidiairement, si une condamnation devait être prononcée contre elle, elle devrait être garantie par la société Merlin, le cabinet Bourgois et l'entreprise Sogea Bretagne BTP sur le fondement du principe de l'article 1240 du code civil ; la demande d'intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 n'est pas justifiée par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles.

Par un mémoire enregistré le 23 mars 2022, la SAS Sogea Bretagne BTP, représentée par Me Boivin, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête et des demandes d'appel dirigées à son encontre ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

- à la condamnation in solidum des cabinets Bourgois et Merlin ainsi que de la société Socotec France à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

- en cas de partage de responsabilité, que sa quote-part soit limitée à 25 % pour chacune des causes de réclamation et à la condamnation des cabinets Bourgois et Merlin et de la société Socotec France à la garantir du surplus ;

- à la condamnation de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, le dommage est de nature décennale de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif ; les prétentions de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale ne peuvent qu'être rejetées ;

- à titre subsidiaire, la prescription décennale n'est pas acquise et l'assureur doit prendre en charge les désordres ; les dommages résultent des cycles d'exploitation de l'ouvrage ;

- les réserves formulées par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale concernent des désordres qui n'étaient pas apparents lors de la réception de sorte que la responsabilité de la société Sogea Bretagne BTP ne peut être engagée que sur le fondement de la garantie décennale ; lors de la réception, les réserves ne portaient que sur des micro fissures affectant le dôme du digesteur n'entrainant ni impropriété à la destination, ni atteinte à la solidité de l'ouvrage ; les fissures concentriques décelées lors de l'expertise étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et n'existaient pas lors de la réception ; la responsabilité du maître d'œuvre est engagée aux cotés de celle du contrôleur technique qui pour le 1er n'a pas ou insuffisamment pris en compte les phénomènes de compression/décompression des volumes de gaz dans le digesteur ; le contrôleur technique a manqué à ses obligations ;

- le quantum du coût des travaux de réparation de l'ouvrage ne peut excéder 649 901,74 euros y compris les dommages immatériels ; les désordres affectant le stockeur des boues chaulées ne peut excéder la somme de 23 058 euros et ceux affectant le réseau de désodorisation celle de 105 408 euros.

Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, la SAS Cabinet Bourgois, représentée par Me Balon, conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement à sa mise hors de cause ;

- à la condamnation in solidum des sociétés Sogea Bretagne BTP et Socotec France à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- à la mise à la charge de tout succombant du versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les demandes d'appel en garantie présentées par les MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelles sont irrecevables comme ayant été présentées pour la 1ère fois en cause d'appel ; le tribunal administratif de Rennes a été saisi d'une demande en ce sens ;

- à titre subsidiaire, les défauts tenant à l'étanchéité du dôme du digesteur, des infiltrations au niveau du stockeur de boues chaulées et des infiltrations dans le réseau de désodorisation ont donné lieu à des réserves lors de la réception et relèvent ainsi de la garantie contractuelle de la société Sogea Bretagne BTP ; aucune responsabilité ne peut être imputée en sa qualité de maître d'œuvre ;

- à titre infiniment subsidiaire : la société Sogea Bretagne BTP et le contrôleur technique Socotec France doivent la garantir de toute condamnation qui serait mise à sa charge.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Le Gall pour MMA IARD et MMA Assurances Mutulles et de Me Santos Pires pour la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Quimper a entrepris, à partir de 1997, des travaux de restructuration, d'extension et de mise à niveau de la station d'épuration du Corniguel. Une mission complète de maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint composé notamment des sociétés cabinet Merlin et cabinet Bourgois. La société Socotec France, aux droits de laquelle vient la société Socotec France Construction, a été chargée du contrôle technique de l'opération. La société SOGEA BRETAGNE BTP s'est vue attribuer le marché de génie civil par un acte d'engagement du 28 novembre 2001. Parallèlement, la commune de Quimper a conclu un marché portant sur l'assurance de ces travaux. Le 28 décembre 2001, elle a attribué le lot n° 2 de ce marché, relatif à la " police unique de chantier ", à la société Lange, courtier en assurances mandataire de la société MMA IARD.

2. La compétence de la commune de Quimper en matière d'assainissement a été transférée le 1er janvier 2002 à la communauté d'agglomération Quimper communauté, aux droits de laquelle vient désormais la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale. Les travaux ont été réceptionnés le 27 décembre 2004, avec effet au 20 décembre 2004. Compte tenu de la présence de désordres, la réception a été assortie de réserves, à lever au plus tard le 31 mars 2005, et il est constant que des travaux de reprise ont été réalisés postérieurement à la réception. La communauté d'agglomération, constatant l'aggravation des désordres, selon elle de nature décennale, a déclaré un sinistre, le 27 avril 2010, à la société AON Assurances Risques Services, venue aux droits et obligations de la société Lange. L'assureur a estimé, le 25 juin 2010, au vu d'une expertise diligentée par ses soins, que les désordres allégués étaient apparents lors de la réception et avaient fait l'objet de réserves, en sorte qu'ils ne relevaient pas de l'assurance dommages-ouvrage souscrite par la communauté d'agglomération. Cette dernière a alors saisi, le 2 février 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes afin que soit ordonnée une mesure d'expertise. L'expert désigné par une ordonnance du 18 mars 2011, M. A..., a rendu un premier rapport le 27 octobre 2014, puis un second rapport le 23 février 2018.

3. Entre temps, la communauté d'agglomération a introduit devant le tribunal administratif de Rennes, le 7 décembre 2012, une première demande, sous le n° 1204984, tendant à la condamnation des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à lui verser au titre du préfinancement des travaux nécessaires à la réparation des désordres, sur le fondement du contrat d'assurance, la somme de 1 533 908,28 euros TTC majorée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation ainsi que, au titre des dépens, la somme de 46 697,81 euros. Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1602534, la communauté d'agglomération a demandé au tribunal de condamner la société Sogea Bretagne BTP à lui verser la même somme principale de 1 533 908,28 euros TTC sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Par un jugement n°s 1204984,1602534 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA à verser à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale les sommes de

1 533 908,28 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel et de 46 697,81 euros TTC au titre des frais d'expertise, soit une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC, tout en précisant que les sommes de 23 058 euros TTC, 105 408 euros TTC et 1 405 442,28 TTC - dont le total correspond à 1 533 908,28 euros - porteraient intérêts au double du taux légal à compter du

6 janvier 2016 pour les deux premières et à compter du 9 mai 2018 pour la troisième et que les intérêts seraient capitalisés à la date du 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle pour les deux premières sommes (article 1er). Les premiers juges ont par ailleurs rejeté la requête

n° 1602534 de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, dirigée contre la société SOGEA Bretagne BTP (article 3).

4. Devant la cour, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ont relevé appel de ce jugement, tandis que la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a présenté des conclusions d'appel incident. Par un arrêt n° 19NT00258 du 26 juin 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel des sociétés MMA IARD MMA IARD Assurances mutuelles, a réformé le jugement du tribunal du 26 novembre 2018 s'agissant du point de départ des intérêts fixé au 15 mai 2012 et, s'agissant de la capitalisation des intérêts échus sur la somme de 1 405 442,28 euros, retenue, celle du 9 mai 2018.

5. Par une décision n°443368 du 5 novembre 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes l'affaire, qui porte désormais le

n° 21NT03119.

Sur les conclusions d'appel principal des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD :

6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 114-1 de ce code, en sa rédaction alors applicable : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ". Aux termes de l'article L 114-2 de ce code : " La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. (...) ". Aux termes de l'article L. 242-1 du même code, en sa rédaction alors applicable : "Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, (...) fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique [pas] aux personnes morales de droit public (...), lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, (...) destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. (...) / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 112-1 de ce code, en sa rédaction applicable à la date de souscription du contrat d'assurance par la commune de Quimper : " Les polices d'assurance (...) doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II de la partie législative du présent code concernant (...) la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance ".

En ce qui concerne la mise en œuvre de l'assurance dommages-ouvrage :

S'agissant du contrat applicable :

7. Si les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA se prévalent des stipulations d'un contrat n° 111791844 édité le 29 avril 2010, ainsi que des conventions spéciales qui y sont annexées, mentionnant une situation à effet du 1er novembre 2001, il résulte de l'instruction que ce contrat d'assurance n'a été signé que par l'assureur et non par le souscripteur. Les sociétés d'assurance ne sont dès lors pas fondées à soutenir que ces stipulations seraient applicables en l'espèce.

8. Il résulte de l'instruction qu'un contrat d'assurance pour la réalisation du chantier de modernisation de la station d'épuration du Corniguel de type police unique de chantier a été conclu le 28 décembre 2001 entre la ville de Quimper et le cabinet de courtage en assurances Lange, représentant MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA. L'article 2.1 des conditions générales de cette police unique de chantier annexées à l'acte d'engagement du contrat d'assurance, paraphé par le cabinet de courtage, stipule que : " (...) nous garantissons à 1'assuré, en dehors de toute recherche de responsabilité le paiement des travaux de réparation des dommages matériels, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'opération de construction désignée aux conditions particulières (...) ", lesquelles prévoient la réalisation tant de travaux de génie civil de la station d'épuration que de travaux de bâtiment.

9. Ainsi, même si en vertu de l'article L. 242-1 du code des assurances, la commune de Quimper, alors maître de l'ouvrage, n'était pas tenue de souscrire une assurance

dommages-ouvrage, les parties ont entendu se placer, s'agissant des dommages concernant les ouvrages de génie civil de la station d'épuration sous le régime défini par ces dispositions et par les textes pris pour leur application. Les sociétés requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que la garantie des dommages à l'ouvrage comprise dans le contrat d'assurance " police unique de chantier " souscrit par la commune de Quimper et repris par la communauté d'agglomération ne couvrirait que les travaux relatifs aux bâtiments et non ceux de génie civil.

10. Enfin, les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 243-1-1 du code des assurances disposant que ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2 et L. 242-1 du code des assurances, notamment les ouvrages de traitement des résidus urbains, dès lors que ces dispositions n'étaient pas entrées en vigueur au jour de la conclusion, le 28 décembre 2001, du marché relatif à la police unique de chantier passé par la commune de Quimper avec la société Lange, courtier en assurance et mandataire des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA.

S'agissant de l'exception de prescription :

11. Il résulte des dispositions citées au point 6 d'une part, que l'assurance de dommages est une assurance de choses bénéficiant au maître de l'ouvrage et aux propriétaires successifs ou à ceux qui sont subrogés dans leurs droits et que l'assureur qui a pris en charge la réparation de dommages ayant affecté l'ouvrage de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil se trouve subrogé dans les droits et actions du propriétaire à l'encontre des constructeurs.

12. D'autre part, l'assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre à toute déclaration de sinistre, en adressant à son assuré le courrier contenant sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat dans le délai maximal de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre. A défaut, l'assureur ne peut plus opposer la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du même code lorsqu'elle est déjà acquise à la date d'expiration de ce délai. La seule circonstance que l'assureur n'ait pas respecté ce délai ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ensuite opposer la prescription biennale dans le cas où l'action du maître de l'ouvrage n'a pas été engagée dans le délai de deux ans à compter de l'expiration du délai de soixante jours suivant la réception de la déclaration de sinistre.

13. En l'espèce, alors que la ville de Quimper a procédé, le 27 avril 2010, à une déclaration de sinistre portant sur les dommages liés aux infiltrations au niveau du stockeur de boues chaulées à un défaut d'étanchéité du dôme du digesteur et d'infiltration dans le réseau de ventilation de la désodorisation, l'assureur disposait d'un délai de 60 jours à compter de cette date pour faire connaître sa position quant à la mise en œuvre des garanties liées au contrat d'assurance souscrit. La décision par laquelle les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA ont refusé d'accorder leur garantie à son assurée lui a été adressée le 25 juin 2010, ainsi qu'il ressort du cachet de la poste faisant foi, soit dans le délai de 60 jours suivant la déclaration de sinistre du 27 avril 2010. Ainsi, les assureurs ont respecté ce délai.

14. Toutefois, il résulte des dispositions précitées du code des assurances que, pour assurer une information suffisante des assurés, les polices d'assurance entrant dans le champ d'application de cet article doivent rappeler les règles de prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, y compris les causes d'interruption de celle-ci, qu'elles soient prévues par le code des assurances ou par le code civil. A défaut, l'assureur ne peut opposer à l'assuré la prescription prévue à l'article L. 114-1 précité.

15. En l'espèce, le contrat d'assurance conclu par la collectivité en se bornant à mentionner que " toute action dérivant du présent contrat est prescrite par deux ans à compter de l'évènement qui lui donne naissance " omet de rappeler les causes ordinaires de prescription prévues par le code civil et méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 112-1 du code des assurances, applicable aux contrats d'assurance dommage-ouvrage. Par suite, la prescription prévue par l'article L. 114-1 ne peut pas être opposée à la collectivité par les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA.

16. En tout état de cause, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Une citation en justice, au fond ou en référé, interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance et lorsque le juge a fait droit à cette demande, le même délai est suspendu jusqu'à la remise par l'expert de son rapport au juge.

17. Il résulte de l'instruction que, statuant sur une demande présentée par la communauté d'agglomération Quimper communauté le 2 février 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, par une ordonnance du 18 mars 2011, complétée par celle du 23 janvier 2014, prescrit une expertise qui a été confiée à M. A..., afin de constater les désordres, imputés à des constructeurs, affectant le stockeur de boues chaulées, le dôme du digesteur et le réseau de ventilation de la désodorisation de la station d'épuration du Corniguel et d'en rechercher les causes. Cette demande en référé aurait ainsi en tout état de cause eu pour effet d'interrompre le délai de prescription biennale prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances si celui-ci avait été opposable à la collectivité.

18. Par suite, les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA ne sont pas fondées à opposer à la créance dont se prévaut la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale l'exception de prescription prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances.

En ce qui concerne l'indemnisation résultant de la mise en œuvre de l'assurance dommage ouvrage :

19. Il résulte des dispositions combinées de l'article L. 242-1 du code des assurances et des clauses types prévues par l'article A. 243-1 du même code que l'assureur a l'obligation de notifier à l'assuré le rapport préliminaire d'expertise préalablement à sa prise de position sur le principe de l'indemnisation. A défaut, il ne peut plus refuser sa garantie notamment en contestant la nature des désordres déclarés par l'assuré.

20. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le rapport préliminaire d'expertise établi le 21 juin 2010 par le cabinet Brexco, missionné par la compagnie Covea Risks, n'a pas été notifié à son assurée, la ville de Quimper, antérieurement au courrier du 25 juin 2010 par lequel les MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD SA venant au droit de cette compagnie, ont informé l'assurée de l'absence de prise en charge des désordres déclarés.

21. En application des 8ème et 9ème alinéas de l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assurance garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque " après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations ". En l'espèce, il résulte de l'instruction que bien que la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a, par un courrier du 29 juin 2007, mis en demeure la société Sogea Bretagne BTP de procéder à la reprise des désordres constatés lors de la réception, les interventions de cette dernière n'ont pas permis de remédier aux désordres. Dans ce contexte, le moyen soulevé par les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA et tiré de ce que, faute de mise en demeure, les stipulations relatives à la garantie dommage-ouvrage ne pouvaient être mises en œuvre, ne peut qu'être écarté.

22. Il résulte de l'instruction et en particulier des rapports d'expertise de 2014 et 2018 que si les réserves formulées lors de la réception de 2004 ont donné lieu à des travaux de reprise pour lesquels une levée des réserves était prévue en mars 2005, il a été constaté la persistance des défauts d'étanchéité du dôme du digesteur et des infiltrations au niveau du stockeur ou dans les réseaux de désodorisation et de ventilation sans qu'une solution réparatoire pérenne ne soit trouvée.

23. Les travaux de réparation des désordres couverts par l'assurance avant toute recherche de responsabilité ont été estimés par l'expert à 23 058 euros TTC s'agissant de la reprise de l'étanchéité générale de la couverture, à 105 408 euros TTC s'agissant des travaux de réfection du réseau de ventilation de la désodorisation et à 1 405 442,28 euros TTC s'agissant des fissurations du dôme du digesteur, soit un total de 1 533 908,28 euros TTC.

24. Il s'ensuit que les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes les a condamnées conjointement à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale la somme, au principal, de 1 533 908,28 euros TTC.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

En ce qui concerne les intérêts au taux de l'intérêt légal :

25. Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). / Ces dommages et intérêts (...) / (...) ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit (...) ".

26. Lorsque, dans les cas mentionnés à l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assureur est tenu de verser à son assuré une indemnité majorée d'intérêts dont le taux s'élève au double de celui de l'intérêt légal, ces intérêts courent à compter de la mise en demeure valant sommation de payer, ou d'un acte équivalent, adressée à l'assureur en application des dispositions précitées de l'article 1153 du code civil, reprises à l'article 1231-6 du même code. La circonstance éventuelle qu'à cette date, l'assuré n'ait pas engagé les dépenses nécessaires à la réparation des dommages est sans incidence à cet égard.

27. Par un courrier du 14 mai 2012, notifié le lendemain, la communauté d'agglomération Quimper communauté a saisi les MMA IARD SA et les MMA Assurances Mutuelles, le cabinet Aon ainsi que la société Covea Risks, de demandes tendant à la mise en œuvre des stipulations découlant de la police d'assurance qu'elle avait souscrite. Eu égard aux termes dans lesquels cette demande leur a été adressée, mentionnant en particulier que son expéditeur considère que la garantie des désordres de nature décennale que subit l'ouvrage est acquise au profit de la communauté d'agglomération, notifiant son intention d'engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages et précisant que la notification de ce courrier fait courir de plein droit les intérêts au double de l'intérêt légal, cette demande doit être regardée comme une mise en demeure de payer au sens de l'article 1153 du code civil.

28. Il s'ensuit que l'indemnité principale due à la communauté d'agglomération de Quimper par son assureur d'un montant non contesté de 1 533 908,28 euros TTC, doit être majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012, et non pas comme l'ont retenu les premiers juges, à compter du 6 janvier 2016 ou du 9 mai 2018.

En ce qui concerne les intérêts au double du taux de l'intérêt légal :

29. Aux termes du 5ème alinéa de l'article L 242-1 du code des assurances : " Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. "

30. En l'espèce, la communauté d'agglomération de Quimper n'établit, ni même ne soutient, qu'elle aurait engagé des dépenses afin de remédier aux désordres constatés sur les ouvrages de la station d'épuration du Corniguel couverts par le contrat d'assurance. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que l'indemnité versée par les assureurs soit, en application du 5ème alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances, majorée d'un intérêt au double du taux de l'intérêt légal.

En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :

31. La capitalisation peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

32. En l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale dans son mémoire produit devant le tribunal le 9 mai 2018. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, la communauté d'agglomération a droit à la capitalisation des intérêts, chaque année à compter du 9 mai 2018.

Sur l'action subrogatoire des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA :

33. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ". Ainsi, l'assureur qui justifie du paiement d'une indemnité à son assuré bénéficie de la subrogation prévue par ces dispositions à concurrence du montant versé.

34. Les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA, venant aux droits de la société Covea Risks, justifient par la production de la copie du chèque bancaire adressé à Quimper communauté lui avoir versé, le 15 janvier 2019, la somme de 1 554 734,65 euros en exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 novembre 2018. Les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA sont dès lors subrogées à concurrence de ce montant dans les droits de Quimper communauté sans que n'y fassent obstacle ni la circonstance que des réserves ont été formulées lors de la réception des travaux, ni que ces désordres n'auraient été déclarés qu'après l'expiration du délai d'épreuve de 10 ans propre à la garantie décennale des constructeurs, ni que la prescription biennale prévue par l'article

L. 114-1 du code des assurances aurait été acquise au terme d'une période de deux ans suivant l'établissement du procès-verbal de réception du 27 décembre 2004.

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées par la société Sogea Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois :

35. D'une part, la société Sogea Bretagne BTP fait valoir qu'ayant, au vu des conclusions de l'expert, sollicité le bénéfice de la garantie responsabilité civile décennale prévue par la police unique de chantier conclue avec les MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA afin de garantir la responsabilité des constructeurs, ces assurances ne peuvent rechercher la mise en œuvre, à leur égard, de la garantie décennale. Cependant, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les assureurs, après avoir mis en œuvre les stipulations de la police dommage-ouvrage, puissent exercer leur action subrogatoire à l'encontre des constructeurs. Il appartient en effet à l'assureur, lorsqu'il a effectivement versé une indemnité en exécution d'un contrat d'assurance pour le compte d'une personne publique maître d'ouvrage, d'exercer ensuite, s'il s'y croit fondé, sur le terrain de la garantie décennale, une action subrogatoire contre le ou les constructeurs avec lesquels ce maître d'ouvrage avait conclu un contrat de louage d'ouvrage. La fin de non-recevoir ainsi opposée par la société Sogea Bretagne BTP ne peut dès lors qu'être rejetée.

36. D'autre part, compte tenu de la qualité de subrogée dans les droits de son assurée, les MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA pouvaient, y compris pour la 1ère fois en appel, présenter des conclusions dirigées contre les constructeurs.

37. Alors même que les conclusions présentées par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA contre les constructeurs n'ont été présentées pour la première fois que dans un mémoire enregistré devant la cour administrative d'appel le 17 janvier 2019, compte tenu de la qualité de subrogée dans les droits de assurées détenue par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA, les cabinets Merlin et Bourgois ne sont pas fondés à soutenir que les conclusions à fin d'appel en garantie présentées par l'assureur auraient le caractère de conclusions nouvelles et seraient par suite irrecevables.

En ce qui concerne les conclusions présentées par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA à l'encontre de Sogea Bretagne BTP et des cabinets Merlin et Bourgois :

S'agissant des conclusions dirigées contre la société Sogea Bretagne BTP :

38. La société Sogea Bretagne BTP était, en vertu de l'acte d'engagement souscrit le

28 novembre 2001, chargée de la réalisation des travaux de mise à niveau et d'extension de la station d'épuration du Corniguel.

39. Il résulte de l'instruction et en particulier des rapports d'expertise de M. A... de 2014 et de 2018 que les fissurations et défauts d'étanchéité du dôme du digesteur, les infiltrations au niveau du stockeur de boues chaulées ainsi que les infiltrations d'eaux dans le réseau de ventilation et de désodorisation sont la conséquence de " la conjonction entre un défaut d'exécution et dans une moindre mesure un défaut de direction et de surveillance " et précise, en définitive, que " le digesteur est impropre à sa destination " et que " les désordres constatés sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage".

40. Il s'ensuit que les défauts d'exécution étant imputables à la société Sogea Bretagne BTP, les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA sont fondées à exercer à son encontre l'action subrogatoire dont elles disposent en vertu des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances.

S'agissant des conclusions dirigées contre les cabinets Merlin et Bourgois :

41. Comme il vient d'être indiqué ci-dessus, les désordres affectant les ouvrages de la station d'épuration sont également imputables à un défaut de direction et de surveillance des travaux entrepris. Par suite, les sociétés MMA Iard assurances mutuelles et MMA Iard SA sont fondées à exercer leur action subrogatoire à l'encontre du cabinet Merlin, mandataire du groupement chargé de la maîtrise d'œuvre, et du cabinet Bourgois, ingénieur conseil, en raison des sommes dont elles se sont acquittées en réparation des préjudices subis par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

42. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu de condamner in solidum la société Sogea Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois à verser aux sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA la somme de 1 533 908,28 TTC euros correspondant à celle versée par cette dernière à son assurée.

43. Les sommes ainsi mises à la charge de la société Sogea Bretagne BTP et des cabinets Merlin et Bourgois porteront intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2019, date à laquelle les MMA Iard et MMA Assurances mutuelles ont présenté pour la 1ère fois cette demande de paiement devant la cour.

Sur les conclusions d'appel en garantie :

44. Sauf dispositions ou stipulations contraires, le partage de responsabilité entre les constructeurs doit être effectué en tenant compte de leurs fautes respectives. Ces constructeurs ne sont tenus entre eux que chacun, pour sa part, déterminée à proportion du degré de gravité des fautes qu'ils ont personnellement commises, caractérisées par un manquement dans les règles de leur art. Ils ne peuvent, en outre, être solidairement condamnés à garantir l'un d'eux que si leur faute personnelle a concouru à la survenance d'un dommage commun.

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par les cabinets Merlin et Bourgois :

S'agissant des conclusions dirigées contre la société Socotec France :

45. Il ressort des constatations de l'expert judiciaire que les désordres en litige sont causés à la fois par un défaut d'exécution et par un défaut de direction et de surveillance du chantier. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Socotec France, chargée d'une mission de contrôle technique, aurait méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation. Il s'ensuit qu'en l'absence de toute condamnation de la société Socotec France à réparer les désordres de la station d'épuration, les conclusions d'appel en garantie formées contre la société Socotec France par les cabinets Merlin et Bourgois ne peuvent qu'être rejetées.

S'agissant des conclusions dirigées contre la société Sogea Bretagne BTP :

46. L'expert judiciaire ayant relevé que les désordres sont principalement dus au défaut d'exécution constaté et, dans une moindre mesure, à un défaut de direction et de surveillance, il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'évaluer à 80 % la part de responsabilité dans la survenue des désordres imputable aux modalités d'exécution des travaux et à 20 % la part relative au défaut de direction et de surveillance.

47. Il s'ensuit que les cabinets Merlin et Bourgois sont fondés à demander la garantie de la société Sogea Bretagne BTP à hauteur de 80 % de la somme à laquelle ils ont été solidairement condamnés à l'égard des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA.

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par la Société Sogea Bretagne BTP :

S'agissant des conclusions dirigées contre les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA :

48. Il résulte de l'instruction que ni la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, ni son assureur les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA, n'ont commis de faute à l'origine des désordres en litige. Dans ces conditions, la société Sogea Bretagne BTP n'est pas fondée à demander à être garantie par les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA subrogées dans les droits de leur assurée.

S'agissant des conclusions dirigées contre les cabinets Merlin et Bourgois :

49. Comme il a été dit, les désordres en cause sont imputables, à concurrence de 20 %, à un défaut de direction ou de surveillance imputable à la maîtrise d'œuvre. Par suite, la société Sogea Bretagne BTP est fondée à demander à être garantie à hauteur de 20 % par les cabinets Merlin et Bourgois des sommes mises à sa charge.

Sur les frais liés au litige :

50. Les frais et honoraires de M. A... expert, qui ont été taxés et liquidés par des ordonnances du président du tribunal administratif de Rennes des 5 décembre 2014 et 27 février 2018 à la somme totale de 46 697,28 euros, ont été mis à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale. Il y a lieu, en l'espèce, de laisser ces frais à la charge définitive et solidaire des sociétés Sogea Bretagne BTP et des cabinets Merlin et Bourgois.

51. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA la somme de 3 000 euros qui sera versée à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

52. De même, il y a lieu de mettre à la charge des cabinets Merlin et Bourgois la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société Socotec France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

53. Enfin, les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société Sogea Bretagne BTP à l'encontre solidairement tant des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA Iard SA, des cabinets Merlin et Bourgois que de la société Socotec France.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et

MMA Iard SA tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 novembre 2018, en tant qu'il les a condamnées à verser la somme de 1 533 908,28 TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, sont rejetées.

Article 2 : La somme de 1 533 908,28 euros portera intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012. Ces intérêts seront capitalisés à compter du 9 mai 2018 puis à chaque échéance annuelle.

Article 3 : La société Sogea Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois verseront in solidum aux sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA les sommes mises à la charge de ces dernières. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2019.

Article 4 : La société Sogea Bretagne BTP garantira les cabinets Merlin et Bourgois à hauteur de 80 % de la somme à laquelle ils ont été condamnés in solidum.

Article 5 : Les cabinets Merlin et Bourgois garantiront la société Sogea Bretagne BTP à hauteur de 20 % de la somme à laquelle ils ont été condamnés in solidum.

Article 6 : Les dépens s'élevant à la somme de 46 697,28 euros sont mis à la charge définitive et solidaire de la société Sogea Bretagne BTP, du cabinet Merlin et du cabinet Bourgois.

Article 7 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 6.

Article 8 : Les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA Iard SA verseront à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Les cabinets Merlin et Bourgois verseront in solidum la somme de 1 500 euros à la société Socotec France au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés MMA IARD SA et MMA IARD Assurances Mutuelles, à la société Socotec France Construction, à la société Aon France, à la société Cabinet Merlin, à la société Cabinet Bourgois, à la société SOGEA BRETAGNE BTP et à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

Copie en sera adressée pour information à l'expert.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03119
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP DEPASSE DAUGAN QUESNEL DEMAY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;21nt03119 ?
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