La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2022 | FRANCE | N°21NT00975

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 novembre 2022, 21NT00975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nadiphia Atlantic a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 juin 2018 par laquelle la société Loire-Atlantique développement - société d'équipement de Loire-Atlantique (LAD-SELA) a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AY n° 60p située rue Maryse Bastié à Sainte-Luce-sur-Loire.

Par un jugement n° 1807755 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 1er avril 2021, la société Nadiphia Atlantic, représentée par Me Seychal, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nadiphia Atlantic a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 juin 2018 par laquelle la société Loire-Atlantique développement - société d'équipement de Loire-Atlantique (LAD-SELA) a décidé de préempter la parcelle cadastrée section AY n° 60p située rue Maryse Bastié à Sainte-Luce-sur-Loire.

Par un jugement n° 1807755 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, la société Nadiphia Atlantic, représentée par Me Seychal, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 20 juin 2018 de la société LAD-SELA ;

3°) de mettre à la charge de Nantes Métropole, venant aux droits de la société LAD-SELA, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du 17 juin 2005 ne pouvait déléguer à la société LAD-SELA un droit de préemption qui n'existait pas compte tenu du fait que la délibération du 16 juin 1999 n'est pas entrée en vigueur comme l'a jugé le tribunal administratif de Nantes dans son jugement du 21 décembre 2007 ;

- le périmètre du droit de préemption n'a pas été défini par la délibération du 17 juin 2005 ;

- la délibération du 22 juin 2007 n'a pas pu régulariser l'absence de droit de préemption ;

- l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme a été méconnu dès lors qu'à la date du 17 juin 2005 de la prétendue délégation du droit de préemption, la société LAD-SELA n'était pas encore titulaire de la concession d'aménagement ;

- la convention d'aménagement du 4 juillet 2005, faute d'amendement la prolongeant, avait expiré le 31 décembre 2014 ;

- le directeur général de la société LAD-SELA n'a pas reçu de délégation expresse du droit de préemption du conseil d'administration de cette société ;

- les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ont été méconnus dès lors qu'ils n'ont pas pour objet de sauvegarder et mettre en valeur des espaces naturels comme une zone humide ;

- il n'existe aucun projet réel et antérieur de mise en valeur d'une zone humide ;

- la décision contestée ne répond à aucun objectif d'intérêt général alors que le plan local d'urbanisme et l'orientation d'aménagement et de programmation retenue par le plan local d'urbanisme métropolitain de Nantes métropole ne font pas obstacle à l'installation d'activités économiques telles que celle envisagée ;

- la décision contestée porte atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre ;

- la décision de préemption est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2021, Nantes Métropole, venant aux droits de la société LAD-SELA, représentée par Me Naux, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Nadiphia Atlantic ;

2°) de mettre à la charge de la société Nadiphia Atlantic la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Nadiphia Atlantic ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président assesseur,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Ado-Chatal, pour Nantes Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. La société Nadiphia Atlantic a envisagé de vendre à la société SLG Conduite, au prix de 501 276 euros, un terrain situé à Sainte-Luce-sur-Loire, cadastré section AY n° 60p d'une superficie de 4 228 m², au sein de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Maison Neuve 2 ". Par une décision du 20 juin 2018 la société Loire-Atlantique développement - société d'équipement de Loire-Atlantique (LAD-SELA), chargée par Nantes Métropole d'aménager cette ZAC, a exercé le droit de préemption urbain qui lui avait été délégué à cet effet, en proposant un prix de 29 596 euros. Les sociétés Nadiphia Atlantic et SLG Conduite ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de préemption du 20 juin 2018. La société Nadiphia Atlantic relève appel du jugement du 2 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. / Toutefois, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale est compétent, de par la loi ou ses statuts, pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté, cet établissement est compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain. ". Aux termes de l'article L. 213-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le titulaire du droit de préemption peut déléguer son droit à l'Etat, à une collectivité locale, à un établissement public y ayant vocation ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement. Cette délégation peut porter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l'occasion de l'aliénation d'un bien. Les biens ainsi acquis entrent dans le patrimoine du délégataire... ".

3. Si les décisions individuelles par lesquelles une société d'économie mixte délégataire exerce le droit de préemption, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, ne peuvent être compétemment prises avant l'entrée en vigueur de l'acte réglementaire lui déléguant l'exercice du droit de préemption, il ressort en l'espèce des pièces du dossier que, par une délibération du 22 juin 2007, qui a fait l'objet d'un affichage du 27 juin au 30 juillet 2007 et d'une publication dans deux journaux, conformément aux mesures exigées par l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme, le conseil communautaire de Nantes Métropole a décidé qu'il " confirme le droit de préemption urbain sur les zones U et AU du PLU résultant de la transformation des zones U et NA du POS et institue ce même droit sur la partie des zones U et AU nouvellement créées sur laquelle il ne s'appliquait pas ". Par ailleurs, l'existence d'un acte administratif n'étant pas subordonnée à sa publication ou à sa notification, la délibération du 16 juin 1999, qui avait institué le droit de préemption mais n'avait pas été publiée, pouvait fonder la délégation de ce droit au bénéfice de la SELA décidée par une délibération du 17 juin 2005. Les mesures règlementaires de publicité dont a fait l'objet la délibération du 22 juin 2007 ont ainsi permis l'entrée en vigueur simultanée du droit de préemption institué, applicable sur le territoire de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire et dont Nantes Métropole était de plein droit titulaire en application du deuxième alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, et de la délégation de ce droit au bénéfice de la SELA décidée par la délibération du 17 juin 2005.

4. Il ressort également des pièces du dossier que le conseil communautaire de Nantes Métropole a par ailleurs, par la même délibération du 17 juin 2005, approuvé la convention publique d'aménagement, conclue le 4 juillet 2005, qui a été prorogée jusqu'au 31 décembre 2020 par un avenant n° 3 du 23 juillet 2014. En application de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, la société LAD - SELA disposait ainsi du droit de préemption urbain à la date de la décision contestée du 20 juin 2018. Dans ces conditions, les moyens tirés du défaut de base légale de la décision de préemption du 20 juin 2018 et de l'incompétence de la SELA pour prendre cette décision faute de délégation régulière doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 225-17 du code de commerce : " La société anonyme est administrée par un conseil d'administration composé de trois membres au moins (...) ". Aux termes de l'article L. 225-56 de ce même code : " I. - Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. / Il représente la société dans ses rapports avec les tiers (...) ". Par une délibération du 23 mai 2016, alors que la convention publique d'aménagement était en vigueur ainsi qu'il résulte du point précédent, le conseil d'administration de la société LAD-SELA a nommé M. B... A..., signataire de la décision contestée, en qualité de directeur général de la société. En application des dispositions du code de commerce, reprises au demeurant par l'article 22 des statuts de la société, M. A... pouvait ainsi exercer au nom de la société LAD-SELA la délégation accordée par Nantes Métropole à cette société. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'était pas compétent pour signer la décision contestée doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

7. D'une part, il résulte des motifs de la décision contestée que l'objet de la préemption litigieuse est de permettre de reconstituer une zone humide à titre de mesure compensatoire des atteintes environnementales résultant de la réalisation du projet d'aménagement de la ZAC " Maison Neuve 2 ", qui vise à favoriser l'organisation, le maintien, l'extension et l'accueil d'activités économiques, plus particulièrement des petites et moyennes entreprises (PME) et petites et moyennes industries (PMI), conformément à l'objet de la ZAC tel qu'il est défini dans la délibération du 23 juin 2006 rappelant " ... la vocation d'activités économiques pour ce site : il constituera à l'échelle de l'agglomération une offre supplémentaire pour l'accueil de petites et moyennes entreprises et industries... ", dont la réalité et l'antériorité ne sont pas sérieusement contestées. Dès lors que Nantes Métropole justifie de la réalité de cette opération d'aménagement dans laquelle la décision de préemption litigieuse s'inscrit de manière indissociable, la société Nadiphia Atlantic n'est pas fondée à soutenir que les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme auraient été méconnus. Au demeurant, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des pièces du dossier, notamment des études d'incidence réalisées en mai 2017 lors de la seconde déclaration d'utilité publique, dans le cadre de la démarche " Eviter-Réduire-Compenser " (ERC), que le projet en cause de mesure compensatoire avait été envisagé antérieurement à la décision de préemption du 20 juin 2018.

8. D'autre part, eu égard à sa vocation de développement économique, l'opération d'aménagement mentionnée ci-dessus et, par conséquent, la préemption en cause qui s'inscrit dans ce cadre, répondent à un objectif d'intérêt général et ne portent pas une atteinte illégale au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de préemption du 20 juin 2018 serait justifiée par des motifs autres que d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir commis par la société LAD-SELA doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nadiphia Atlantic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Nantes Métropole, venant aux droits de la société LAD-SELA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Nadiphia Atlantic demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci la somme de 1 500 euros, à verser à Nantes Métropole, sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Nadiphia Atlantic est rejetée.

Article 2 : La société Nadiphia Atlantic versera la somme de 1 500 euros à Nantes Métropole sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nadiphia Atlantic, à Nantes Métropole, venant aux droits de la société Loire-Atlantique Développement - société d'équipement de Loire-Atlantique (LAD-SELA) et à la direction régionale des finances publiques de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la région des pays de la Loire et de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00975
Date de la décision : 18/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL;SELARL CORNET VINCENT SEGUREL;SELARL DIZIER ET ASSOCIES;SELARL DIZIER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-18;21nt00975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award