Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Nadiphia Atlantic a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Sainte-Luce-sur-Loire à lui verser une indemnité de 1 375 413 euros en réparation des préjudices subis du fait des agissements de la commune en vue de faire échec à l'utilisation des parcelles dont elle dispose au sein de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Maison Neuve 2 ".
Par un jugement n° 1803285 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars et 30 novembre 2021, la société Nadiphia Atlantic, représentée par Me Seychal, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande d'indemnisation ;
3°) de condamner la commune de Sainte-Luce-sur-Loire à lui verser une indemnité de 1 375 413 euros en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont considéré à tort que sa requête n'était recevable qu'en tant qu'elle fait grief à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire d'un comportement fautif dans la délivrance d'informations erronées ;
- les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de la transmission de renseignements erronés sur une dette de son dirigeant ;
- la responsabilité de la commune est engagée, d'une part, eu égard à l'illégalité des arrêtés des 18 avril 2014, 1er juin 2017 et 11 juillet 2017 portant opposition et sursis à statuer sur ses déclarations de travaux et de ses agissements qui ont eu pour objet de retarder et/ou de faire obstacle à ses projets, d'autre part, dès lors qu'elle a méconnu son droit de propriété et sa liberté d'entreprendre, en outre, en raison des renseignements erronés qu'elle a fournis à la société Mediapost et, enfin, en ce qu'elle fait preuve de harcèlement à son égard ;
- les fautes de la commune lui ont causé un manque à gagner sur la vente des parcelles de son terrain aux sociétés Mediapost puis SLG Conduite pour des montants respectifs de 957 600 euros et 267 813 euros et un préjudice moral de 150 000 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet 2021 et 12 janvier 2022, la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, représentée par Me Vendé, demande à la cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 février 2021 en ce qu'il a jugé partiellement recevable la requête présentée par la
société Nadiphia Atlantic et rejeter celle-ci comme irrecevable en totalité ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête d'appel de la société Nadiphia Atlantic ;
3°) de mettre à la charge de la société Nadiphia Atlantic la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions d'annulation dirigées contre la décision implicite de rejet de la réclamation préalable de la société Nadiphia Atlantic sont irrecevables ;
- les conclusions indemnitaires de la société Nadiphia Atlantic sont irrecevables faute de décision liant le contentieux ;
- elle n'a commis aucune faute, n'a pas méconnu le droit de propriété et la liberté d'entreprendre et n'a pas fourni de renseignements erronés, ni commis de harcèlement ;
- les préjudices allégués ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Jaud, pour la commune de Sainte-Luce-sur-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. La société Nadiphia Atlantic a signé un compromis de vente, le 12 juin 2003, relatif à des parcelles cadastrées section AY n° 59 et AY n° 60, devenue AY n° 60p, situées à l'intersection des rues Jean Mermoz et Maryse Bastié à Sainte-Luce-sur-Loire. Cependant, par une décision du 14 août 2003, le président de la communauté urbaine de Nantes Métropole a décidé de préempter ces parcelles. Elles ont été cédées à la société d'équipement de la Loire-Atlantique (SELA), en charge de la maîtrise d'œuvre et de l'aménagement d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) dite de " Maison Neuve 2 ", que la communauté urbaine de Nantes Métropole a décidé de créer par délibération du 23 juin 2006. Toutefois, la décision de préemption du 14 août 2013 a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2007. Les biens ont été restitués à la société Nadiphia Atlantic dans le cadre d'un contentieux devant le juge judiciaire, relatif notamment à leur remise en état. Par un arrêté du 18 avril 2014, le maire de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire s'est opposé à une déclaration préalable de travaux déposée par la société Nadiphia Atlantic au sujet de ce terrain. Cet arrêté a été rapporté le 17 juillet 2014. Par un arrêté du 1er juin 2017, il s'est opposé à une deuxième déclaration préalable de division parcellaire du même bien en vue de construire. Par un arrêté du 11 juillet 2017, il a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur une troisième déclaration préalable déposée par la société Nadiphia Atlantic, ayant pour objet la réalisation sur la parcelle cadastrée section AY n° 60 de travaux d'affouillements ou d'exhaussements du sol et d'aménagement d'une plateforme. Par un courrier du 28 décembre 2017, la société Nadiphia Atlantic a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis au cours de ces divers événements. Cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, elle a saisi le tribunal administratif de Nantes d'un recours indemnitaire tendant à la condamnation de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire à lui verser la somme de 1 375 413 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis en raison des agissements de la commune. Elle relève appel du jugement du 2 février 2021 rejetant sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Il en résulte que, si le justiciable qui demande la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'il impute à l'administration est recevable à détailler ses conséquences en cours d'instance, c'est à la condition que ces conséquences se rattachent au même fait générateur que celui dont se prévaut la demande préalable. Dès lors, le justiciable n'est pas recevable à rechercher pour la première fois devant le juge la responsabilité de l'administration à raison d'un fait générateur distinct de celui dont fait état cette demande, cette dernière et le recours devant le juge ne pouvant alors et dans cette mesure être regardés comme ayant le même objet.
3. Il ressort du courrier de demande préalable du 28 décembre 2017 adressé par la société Nadiphia Atlantic au maire de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, notamment de sa page 7, que la société y a exprimé un unique grief à l'égard de la commune, consistant à avoir transmis des renseignements erronés à des tiers, ce qui l'aurait empêchée de vendre les parcelles litigieuses et qu'elle a demandé une indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme de 1 375 413 euros, notamment à la commune outre la société Loire-Atlantique Développement - SELA (LAD-SELA) et la communauté urbaine Nantes Métropole. Il en résulte que le contentieux porté par la société Nadiphia Atlantic devant le tribunal administratif de Nantes n'était lié qu'à l'égard de ce fait générateur et qu'elle n'était pas recevable à faire valoir devant le tribunal un autre fait générateur, tenant notamment à l'illégalité des arrêtés précités des 18 avril 2014, 1er juin 2017 et 11 juillet 2017. La société Nadiphia Atlantic n'est donc pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient rejeté à tort comme irrecevables ses conclusions sur ce point.
4. En second lieu, il ressort du point 4 du jugement du 2 février 2021 qu'après avoir relevé que la société Nadiphia Atlantic faisait notamment grief à la commune Sainte-Luce-sur-Loire d'avoir diffusé de fausses informations sur le défaut de paiement par son gérant d'une taxe d'urbanisme liée aux travaux d'aménagement de voirie, les premiers juges ont écarté le moyen en considérant qu'il était établi que l'information relative à la participation d'urbanisme a été fournie à la commune par la société Loire-Atlantique développement (LAD) - SELA et la communauté urbaine de Nantes Métropole. Par suite, la société Nadiphia Atlantic n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis d'examiner un tel moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la société Nadiphia Atlantic est recevable à demander l'indemnisation de préjudices résultant de la transmission d'informations erronées et que la commune de Sainte-Luce-sur-Loire n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait dû relever que la demande de première instance était irrecevable en totalité.
6. En second lieu, il résulte de l'instruction que, par un courriel du 31 mai 2017, l'architecte de la société Mediapost, s'adressant au gérant de cette société à la suite d'un entretien téléphonique avec le conseiller municipal délégué au droit des sols de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, a recommandé à la société de trouver un autre terrain pour ses projets que celui que la société Nadiphia Atlantic entendait lui vendre, compte tenu du fait que la déclaration préalable ou le permis de construire envisagé serait refusé ou mis en sursis à statuer en raison d'un classement certain en zone humide, voire inondable, donc inconstructible, et que le gérant de la société Nadiphia Atlantic refusait de régler à la commune une somme pour l'aménagement d'une voirie.
7. D'une part, si la société Nadiphia Atlantic fait valoir que les informations ainsi diffusées à l'égard de son gérant ont porté préjudice à sa réputation, elle n'établit pas l'existence d'un tel préjudice propre eu égard à la faible diffusion d'une telle information et à sa portée tant sur les chances de réaliser la cession souhaitée que sur l'image de la société.
8. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport de mai 2017 élaboré par un cabinet d'expertise, que dans le cadre de la définition d'un projet de ZAC dite de " Maison Neuve 2 " sous la maîtrise de Nantes Métropole la présence de zones humides était alors à l'étude et qu'il n'est pas établi qu'elle était dépourvue de vraisemblance. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la diffusion par la commune des informations précitées, qui n'avaient manifestement qu'un caractère de prévision, était fautive.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nadiphia Atlantic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Nadiphia Atlantic demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de celle-ci la somme de 1 500 euros, à verser à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Nadiphia Atlantic est rejetée.
Article 2 : La société Nadiphia Atlantic versera la somme de 1 500 euros à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nadiphia Atlantic et à la commune de Sainte-Luce-sur-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 novembre 2022.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet de la Région Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00939