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14/11/2022 | FRANCE | N°21NT03429

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 novembre 2022, 21NT03429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse B... D..., agissant en son nom propre et en tant que représentante légale des jeunes Prince E... B... et G... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur, agissant en exécution d'un jugement no 1810343 du 13 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes, a refusé de lui délivrer, ainsi qu'aux enfants Prince E... B... et G... B..., des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement no 2009899 du 19 avril 2021, le tribunal administratif de Nant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse B... D..., agissant en son nom propre et en tant que représentante légale des jeunes Prince E... B... et G... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur, agissant en exécution d'un jugement no 1810343 du 13 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes, a refusé de lui délivrer, ainsi qu'aux enfants Prince E... B... et G... B..., des visas de long séjour au titre du regroupement familial.

Par un jugement no 2009899 du 19 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes, d'une part, a annulé la décision du 12 juillet 2019 du ministre de l'intérieur en tant qu'elle refuse de délivrer aux jeunes Prince E... B... et G... B... des visas de long séjour, d'autre part, a enjoint sous astreinte au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes Prince E... B... et G... B... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de première instance dirigées contre la décision du 12 juillet 2019 en tant qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme B... D....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2021, Mme F... A... épouse B... D..., représentée par Me Cabioch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 12 juillet 2019 du ministre de l'intérieur en ce qu'elle porte refus de lui délivrer un visa de long séjour ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur en tant qu'elle porte refus de lui délivrer un visa de long séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Cabioch en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée du ministre est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 18 octobre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Prélaud, substituant Me Cabioch, représentant Mme B... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. H... B... D..., ressortissant centrafricain, né le 11 janvier 1975 à Mbata (Centrafrique), a obtenu, par des décisions du 3 octobre 2017 et du 1er juin 2018 du préfet de la Loire-Atlantique, une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse alléguée, Mme F... B... D..., et de ses enfants, Prince E... B... et G... B..., nés respectivement le 2 novembre 2012 et le 21 février 2014. Par des décisions du 19 juillet 2018, les autorités consulaires françaises à Bangui ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par Mme B... D... et les jeunes Prince E... B... et G... B... au titre du regroupement familial. Par une décision implicite née le 7 octobre 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions consulaires. Cette décision a été annulée par un jugement no 1810343 du 13 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes, qui a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen des demandes de visas.

2. Par une décision du 12 juillet 2019, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme B... D... et aux jeunes Prince E... B... et G... B... un visa de long séjour. Saisi par Mme B... D..., le tribunal administratif de Nantes, par le jugement attaqué du 19 avril 2021, d'une part, a annulé la décision du 12 juillet 2019 du ministre de l'intérieur en tant qu'elle refuse de délivrer aux jeunes Prince E... B... et G... B... un visa de long séjour, d'autre part, a enjoint sous astreinte au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes Prince E... B... et G... B... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la demande de première instance dirigées contre la décision du 12 juillet 2019 en tant qu'elle porte refus de délivrance d'un visa à Mme B... D.... Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit au surplus de ses conclusions la concernant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. La décision contestée du ministre de l'intérieur se fonde sur ce que Mme B... D... ne justifie pas de son identité et, par suite, de son lien familial avec le regroupant dès lors qu'elle a produit, lors de ses deux demandes de visas présentées respectivement en 2015 et en 2018, des actes de naissance mentionnant deux dates de naissance différentes et comportant des références distinctes.

4. Lorsque la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure le défaut de valeur probante des actes de mariage ou de filiation produits.

5. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifié à l'article L. 811-2 : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. Pour justifier de son identité, Mme B... D... produit un acte de naissance no 1493, dressé le 30 juin 1981, qui mentionne une naissance le 26 juin 1981 à Bangui, ainsi qu'un passeport délivré le 5 décembre 2017 qui comporte les mêmes mentions. Par ailleurs, Mme B... D... produit, pour établir son lien matrimonial avec le regroupant, une copie intégrale de l'acte de mariage no 2017 00 01 09 448 dressé le 16 septembre 2017 ainsi que son livret de famille délivré par les autorités centrafricaines. Cet acte de mariage et ce livret de famille mentionnent que Mme B... D... est née le 26 juin 1981 à Bangui. Il est vrai que, comme le fait valoir le ministre de l'intérieur, Mme B... D... a présenté à l'appui d'une précédente demande de visa formée en 2015, un autre acte de naissance no 534/15 dressé le 16 mars 2015 dans le registre du centre d'état civil du 1er arrondissement de Bangui, qui mentionne une naissance le 26 juin 1987 à Bangui, ainsi qu'un passeport délivré le 18 juin 2015 qui faisait également état d'une naissance le 26 juin 1987. Si la production successive, sans explications circonstanciées, de deux actes de naissance différents pour la même personne, qui ne mentionnent pas la même date de naissance, est de nature à remettre en cause leur authenticité, Mme B... D... explique qu'elle a produit en 2015 un acte comportant une erreur de plume de l'administration quant à son année de naissance, " un 1 ayant été changé en un 7 dont l'aspect manuscrit est proche ", dans un contexte de guerre civile et de conflit en République centrafricaine. Dans ces conditions, l'identité de Mme B... D... doit être regardée comme établie par les différents documents, dont l'acte de naissance no 1493 dressé le 30 juin 1981, qui mentionnent une naissance le 26 juin 1981 à Bangui. Dès lors, c'est par une inexacte appréciation des faits de l'espèce que le ministre de l'intérieur a estimé que l'identité de Mme B... D... et, partant, son lien matrimonial avec le regroupant, n'étaient pas établis.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 12 juillet 2019 du ministre de l'intérieur en tant qu'elle refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer fasse droit à la demande de visa. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme B... D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Mme B... D... n'a pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 avril 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande Mme B... D... dirigées contre la décision du 12 juillet 2019 du ministre de l'intérieur en ce qu'elle porte refus de lui délivrer un visa d'entrée de long séjour.

Article 2 : La décision du ministre de l'intérieur du 12 juillet 2019 est annulée en tant qu'elle porte refus de délivrer un visa d'entrée de long séjour à Mme B... D....

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de faire droit à la demande de Mme B... D... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme B... D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... épouse B... D..., à Me Loïc Cabioch et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 novembre 2022.

Le rapporteur,

F.-X. C...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

K. Bouron

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT03429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03429
Date de la décision : 14/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL DESMARS BELONCLE BARZ CABIOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-14;21nt03429 ?
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