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03/11/2022 | FRANCE | N°22NT00264

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 novembre 2022, 22NT00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la commune de Guignen a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable émis le 4 avril 2019 par la Commission nationale d'aménagement commercial sur le projet de création par la société Guignen Dis II d'un hypermarché et d'un point permanent de retrait à l'enseigne E. Leclerc sur le territoire de la commune.

D'autre part, la SARL Guignen Dis II a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir

la décision du 13 mai 2019 par laquelle le maire de Guignen a refusé de lui délivr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, la commune de Guignen a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'avis défavorable émis le 4 avril 2019 par la Commission nationale d'aménagement commercial sur le projet de création par la société Guignen Dis II d'un hypermarché et d'un point permanent de retrait à l'enseigne E. Leclerc sur le territoire de la commune.

D'autre part, la SARL Guignen Dis II a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 mai 2019 par laquelle le maire de Guignen a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché et d'un point permanent de retrait à l'enseigne E. Leclerc sur le territoire de la commune.

Par un arrêt n°s 19NT02099, 19NT02156 du 28 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, joignant les deux requêtes, a, d'une part, annulé cet avis et cet arrêté, d'autre part, enjoint au maire de Guignen de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale de la société Guignen Dis II, après nouvel examen du projet par la Commission nationale d'aménagement commercial, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt.

Par une décision n° 440164 du 24 janvier 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur la requête de la commune de Guignen, et, faisant application des dispositions de l'article L. 821-2, rejeté cette requête et, d'autre part, renvoyé à la cour administrative d'appel de Nantes la requête de la société Année Distribution et autres en tant qu'elle conteste par la voie de la tierce opposition l'arrêt de la du 28 février 2020 de cette cour en tant qu'il a statué sur la requête de la société Guignen Dis II.

Procédure devant la cour :

Avant renvoi par le Conseil d'Etat :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 juin 2019, 15 octobre 2019 et 26 décembre 2019, la commune de Guignen, représentée par la SELARL cabinet Coudray, demande à la cour :

1°) d'annuler l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) du 4 avril 2019 sur le projet de création d'un magasin et d'un point permanent de retrait, par la clientèle, d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès automobile E. Leclerc sur le territoire de la commune de Guignen ;

2°) de condamner solidairement la SARL Année distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SARL Guijardy, la SAS Guivadis, la SCI Utilia et la SAS Valma à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable, l'avis contesté, la concernant, présentant un caractère décisoire ;

- il appartiendra à la commission, d'une part, de justifier de l'habilitation des signataires des avis rendus pour le ministre chargé de l'urbanisme et pour le ministre chargé du commerce et, d'autre part, de justifier de la présentation de ces avis à la commission par le commissaire du gouvernement lors de la séance du 4 avril 2019 ;

- la CNAC s'est méprise en considérant que " la fréquentation se fera très largement par voiture " ;

- c'est à tort que la CNAC a relevé que " le dimensionnement apparaît toujours excessif par rapport à la commune d'implantation " pour émettre un avis défavorable ;

- il ne peut être considéré que le projet entrainerait des effets négatifs sur les centres bourgs environnants et donc sur l'équilibre des implantations commerciales sur le territoire.

Un mémoire en production de pièces, enregistré le 30 juillet 2019, a été présenté par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Par des mémoires, enregistrés les 3 septembre 2019, 6 décembre 2019 et 17 janvier 2020, la SARL Année distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SARL Guijardy, la SAS Guivadis, la SCI Utilia et la SAS Valma, représentées par Me Cazin, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Guignen en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable dès lors que l'acte attaqué ne fait pas grief, que le maire était en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire et qu'il n'existe aucune procédure permettant au maire de contester directement l'avis de la CNAC et à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.

Par des mémoires en observations, enregistrés les 28 novembre 2019 et 9 janvier 2020, la SARL Guignen Dis II, représentée par Me Courrech, demande à la cour de faire droit à la requête de la commune de Guignen et de condamner la SARL Année distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SARL Guijardy, la SAS Guivadis, la SCI Utilia et la SAS Valma à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la commune est recevable ;

- elle soutient les arguments de la commune au titre de la légalité externe ;

- le projet respecte les dispositions des articles L. 752-6 et L. 752-21 du code de commerce, s'agissant des transports en commun, des modes de déplacement doux, du caractère proportionné de la surface de vente, de la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale, de son absence d'impact négatif sur les commerces du centre-ville et dès lors qu'il a été amélioré par rapport à celui qui avait fait l'objet d'un avis défavorable le 8 novembre 2018.

Un mémoire, enregistré le 24 janvier 2020 et présenté pour la SARL Guignen Dis II, n'a pas été communiqué.

Un mémoire, enregistré le 29 janvier 2020 et présenté pour la commune de Guignen, n'a pas été communiqué.

II. Sous le n° 19NT02156, par une requête enregistrée le 6 juin 2019, la SARL Guignen Dis, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'annuler le refus de permis de construire qui lui a été opposé par le maire de la commune de Guignen le 13 mai 2019 sur le projet de création d'un magasin et d'un point permanent de retrait, par la clientèle, d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès automobile E. Leclerc sur le territoire de la commune de Guignen ;

2°) d'enjoindre à la commune de Guignen de se prononcer à nouveau dans un délai de 6 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sur la base d'un nouvel avis qui sera sollicité auprès de la CNAC.

Elle soutient que :

- le refus de permis de construire est illégal en raison de l'illégalité de l'avis de la CNAC ; la CNAC s'est méprise en considérant que " la fréquentation se fera très largement par voiture " ; c'est à tort que la CNAC a relevé que " le dimensionnement apparaît toujours excessif par rapport à la commune d'implantation " pour émettre un avis défavorable ; il ne peut être considéré que le projet entrainerait des effets négatifs sur les centres bourgs environnants et donc sur l'équilibre des implantations commerciales sur le territoire et que l'insertion paysagère du projet est satisfaisante.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, la commune de Guignen, représentée par la SELARL cabinet Coudray, s'en remet à l'appréciation de la Cour, dans la présente instance.

Elle fait valoir qu'elle-même a sollicité l'annulation de l'avis défavorable de la CNAC en date du 4 avril 2019 dans l'instance n° 19NT02099.

Un mémoire en production de pièces, enregistré le 30 juillet 2019, a été présenté par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Après renvoi par le Conseil d'Etat

Par une requête en tierce opposition, trois nouveaux mémoires et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril, 24 juillet, 27 août et 8 septembre 2020 et le 3 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et un mémoire, enregistré au greffe de la cour le 28 mars 2022, la SARL Année distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SARL Guijardy, la SAS Guivadis et la SCI Utilia, représentées par Me Cazin, demandent à la cour :

1°) de déclarer non avenu l'arrêt n°s 19NT02099, 19NT02156 du 28 février 2020 en tant qu'il a statué sur la requête de la société Guignen Dis II ;

2°) de rejeter la requête présentée par la demande de la société Guignen Dis II devant la cour ;

3°) de mettre à la charge de la société Guignen Dis II une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- leur tierce opposition est recevable ; elles n'ont été ni mises en cause, ainsi qu'elles auraient dû l'être, ni représentées, dans l'instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, et qui a abouti à l'arrêt du 28 février 2020.

- aucun des moyens retenus par la cour ne pouvait être accueilli.

Par deux mémoires, enregistrés les 29 mars 2022 et 2 mai 2022, la commune de Guignen, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête.

Elle valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Par un mémoire, enregistrés le 11 juillet 2022, la SARL Guignen Dis II, représentée par Me Courrech, doit être regardée comme concluant au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Cazin, représentant les sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis et Utilia, de Me Lapprand, représentant la commune de Guignen, et de Me Carteret, représentant la société Guignen Dis II.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Guignen Dis II a sollicité la délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la création d'un hypermarché à l'enseigne E. Leclerc d'une surface de vente de 2 500 m² et d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail, sur le territoire de la commune de Guignen. La commission départementale d'aménagement commercial d'Ille-et-Vilaine a émis un avis favorable au projet le 12 juillet 2018. Toutefois, sur recours des sociétés Année distribution, Govelomat, Guidis, Guijardy, Guivadis, qui exploitent des commerces alimentaires, et de la société Utilia, agence immobilière, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable le 8 novembre 2018. Le 28 janvier 2019, la commission départementale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet modifié présenté par la société Guignen Dis II. Toutefois, la Commission nationale d'aménagement commercial, sur recours de la société Année distribution et autres, a émis un nouvel avis défavorable le 4 avril 2019, estimant que si l'intégration paysagère du projet avait été améliorée, la surface des espaces verts augmentée et le nombre de places de stationnement diminué, le projet aurait des effets négatifs sur les centres bourgs environnants et l'équilibre des implantations commerciales, en raison d'un dimensionnement excessif. Le maire de Guignen a, par arrêté du 13 mai 2019, refusé de délivrer à la société Guignen Dis II un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Saisie, d'une part, d'une requête de la commune de Guignen tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis du 4 avril 2019 et, d'autre part, d'une requête de la société Guignen Dis II tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 13 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nantes, par un arrêt du 28 février 2020, a annulé cet avis et cet arrêté et a enjoint au maire de Guignen de statuer à nouveau sur la demande de la société Guignen Dis II, après nouvel examen du projet par la Commission nationale d'aménagement commercial, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de son arrêt. Par une décision n° 440164 du 24 janvier 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, d'une part annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il statue sur la requête de la commune de Guignen, et, faisant application des dispositions de l'article L. 821-2, rejeté sa requête, d'autre part, renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Nantes la requête de la société Année Distribution et autres en tant qu'elle contestait l'arrêt de cette cour du 28 février 2020 en tant qu'il a statué sur la requête de la société Guignen Dis II.

2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". Pour l'application de ces dispositions, le préjudice porté à des droits par une décision juridictionnelle s'apprécie en fonction du dispositif de cette décision et non à l'aune de ses seuls motifs.

3. Il ressort des pièces de la procédure que la société Année distribution et autres, qui avaient contesté devant la Commission nationale d'aménagement commercial l'avis favorable émis par la commission départementale d'aménagement commercial, n'ont été ni mises en cause, ainsi qu'elles auraient dû l'être, ni représentées dans l'instance tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 portant refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. L'arrêt contesté du 28 février 2020 issu de cette instance est dans cette mesure susceptible de préjudicier à leurs droits. Dès lors, la tierce-opposition que la société Année distribution et autres forment contre cet arrêt est recevable. Par suite, il y a lieu de statuer à nouveau sur la requête de la société Guignen Dis II.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

5. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

7. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article

L. 752-6 du code de commerce.

8. En l'espèce, pour refuser le permis de construire sollicité par la société Guignen Dis II, le maire de la commune de Guignen s'est fondé sur l'avis défavorable de la commission nationale d'aménagement commercial, pris au motif de ce que le projet litigieux était de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'aménagement du territoire en ce qui concerne les effets sur l'animation de la vie urbaine, sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement doux.

9. S'agissant des effets sur l'animation de la vie urbaine, il ressort des pièces du dossier que le projet en litige vise à la création d'un magasin de 2 125 m², situé en continuité du tissu urbain aggloméré, à environ 350 mètres à l'ouest du centre-bourg de Guignen, dont il sera immédiatement accessible à pied. Le nouveau projet de la société pétitionnaire porte désormais sur une surface de vente de 2 125 m², au lieu de 2 500 m², soit une diminution d'environ 15%, afin de limiter les impacts du projet sur le tissu commercial des centres bourgs environnants, et a pour objet de répondre aux besoins d'une population en très forte expansion démographique. L'offre commerciale au sein de la zone de chalandise représente 237 m² par habitant, contre 371 m² sur l'ensemble du département d'Ille-et-Vilaine. Il s'inscrit dans un programme de développement commercial et résidentiel, au sein de la zone d'aménagement concerté " de la Vigne ", prévoyant notamment la construction d'environ 400 à 430 logements. Il n'est pas sérieusement contesté que la commune de Guignen ne dispose pas de commerce alimentaire, à l'exception de deux boulangeries et d'une " superette ", ni que la population communale réalise principalement ses achats au sein des grands pôles commerciaux de Rennes et Bain-de-Bretagne. La population résidant au sein de la zone de chalandise a par ailleurs augmenté de plus de 41% entre 1999 et 2016 (18, 76 % entre 2007 et 2017). Les supermarchés les plus proches sont situés à Mernel et à Guichen, soit respectivement à 7,6 km et 8,5 km du site d'accueil. Il ressort des pièces du dossier que le projet répond à un besoin des consommateurs, notamment de la population communale. Une pétition visant à soutenir le projet a été signée par 1 804 habitants de la commune, y compris des commerçants du centre-ville. La commune présente dans son centre-bourg un faible taux net de cellules commerciales vacantes, s'élevant à environ 8%. Si les sociétés concurrentes font état de ce qu'il existe, sur le territoire de la commune de Guignen, un terrain susceptible d'accueillir un magasin d'une surface de vente de 1 000 à 1 500 m², il ressort des pièces du dossier que cette parcelle est exiguë et ne permettra pas la réalisation d'un parking de plus de 20 places de stationnement.

10. S'agissant des effets du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement doux, il ressort des pièces du dossier que le projet est limitrophe de la ZAC de la Vigne en cours de réalisation, composée de 58 lots individuels, 29 lots intergroupés et 2 lots collectifs. En outre, le projet est situé à proximité du secteur des Joncquières, (108 lots libres, 64 lots groupés/semi-collectifs, 28 lots semi-collectifs), du secteur Cormier (36 logements), du lotissement des Bretellières comprenant 32 lots et du futur lotissement des Bretellières " bis ", comprenant 30 logements collectifs et 6 logements individuels. Ainsi qu'il a été dit au point 6, le terrain d'assiette du projet est situé en continuité du tissu urbain aggloméré, à environ 350 mètres à l'ouest du centre-bourg de Guignen, dont il sera immédiatement accessible à pied. La direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) a estimé que la desserte routière était satisfaisante, la RD 177 conservant une capacité résiduelle de 64,7 % avant d'atteindre son seuil de saturation, avec un flux de 1 757 clients/jour, soit environ 1 543 véhicules supplémentaires par jour. L'étude de flux a été mise à jour en décembre 2018 afin de tenir compte de la baisse de la surface de vente et de l'impact sur le flux clientèle. La synthèse précise que l'implantation du projet couplée à la réalisation de la zone pavillonnaire permettra d'apaiser les conditions de circulation dans le secteur. Une ligne de bus desservira le projet tous les jours de la semaine. La société pétitionnaire soutient, sans être sérieusement contredite, qu'une voie piétonne sera aménagée depuis la voie publique et les quartiers d'habitation de la zone d'aménagement concertée " de la Vigne " jusqu'au parvis d'entrée en façade principale du bâtiment, garantissant désormais la sécurité des consommateurs et l'accessibilité des personnes à mobilité réduite. Enfin il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 26 septembre 2018, le conseil municipal de Guignen s'est prononcé en faveur de la création de voies piétonnes et cyclables en rive Nord et rive Sud de la rue Jean de St-Amadour afin de permettre un autre accès au piéton et aux cyclistes. L'implantation du magasin principal permettra notamment de limiter les déplacements contraints vers des pôles commerciaux extérieurs à la zone de chalandise.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux soit de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière d'aménagement du territoire. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial en ce qu'il est entaché d'une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, soulevé à l'appui du recours en annulation de l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le maire de Guignen a refusé de délivrer le permis de construire concernant le projet de création d'un magasin et d'un point permanent de retrait, par la clientèle, d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès automobile E. Leclerc sur le territoire de la commune de Guignen, devait être accueilli. Par suite, la société Guignen Dis II était fondée à demander, d'une part, l'annulation de l'arrêté du 13 mai 2019, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de Guignen de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la SARL Guignen Dis II, après un nouvel examen du projet par la Commission nationale d'aménagement commercial.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête en tierce opposition formée par la SARL Année distribution, la SAS Govelomat, la SAS Guidis, la SARL Guijardy, la SAS Guivadis et la SCI Utilia, contre l'arrêt n°s 19NT02099, 19NT02156 du 28 février 2020 en tant qu'il a statué sur la requête de la société Guignen Dis II, ne saurait être accueillie. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par les mêmes sociétés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Année Distribution et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Guignen, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (Commission nationale d'aménagement commercial), à la SARL Année distribution, à la SAS Govelomat, à la SAS Guidis, à la SARL Guijardy, à la SAS Guivadis, à la SCI Utilia et à la SARL Guignen Dis II.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00264
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CABINET COUDRAY CONSEIL et CONTENTIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-03;22nt00264 ?
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