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03/11/2022 | FRANCE | N°21NT01162

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 03 novembre 2022, 21NT01162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, sous le n° 1804362, d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes d'Armor) a délivré à M. D... C... un permis de construire pour une maison individuelle sur un terrain cadastré n° D 363 situé 1, rue du Président le Sénécal, ainsi que la décision du 13 juillet 2018 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision.

M. A... C... a également demandé au tribunal adminis

tratif de Rennes, sous le n° 1903638, d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, sous le n° 1804362, d'annuler l'arrêté du 5 février 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes d'Armor) a délivré à M. D... C... un permis de construire pour une maison individuelle sur un terrain cadastré n° D 363 situé 1, rue du Président le Sénécal, ainsi que la décision du 13 juillet 2018 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision.

M. A... C... a également demandé au tribunal administratif de Rennes, sous le n° 1903638, d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Saint-Quay-Portrieux a délivré à M. D... C... un permis de construire modificatif n° 3.

Par un jugement n°s 1804362, 1903638 du 26 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 avril 2021 et 22 avril 2022, et un mémoire enregistré le 17 juin 2022 qui n'a pas été communiqué, M. A... C..., représenté par Me Metais-Mouries, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté de permis de construire du 5 février 2018 ainsi que la décision du 13 juillet 2018 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision, et l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le maire de Saint-Quay-Portrieux a également délivré un permis de construire modificatif n° 3 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Quay-Portrieux la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande est recevable eu égard à sa qualité de voisin immédiat du projet, qui est de nature à porter atteinte aux conditions d'utilisation de son bien immobilier ; le permis de construire a fait l'objet d'un affichage irrégulier car incomplet et contradictoire ; la continuité de l'affichage n'est pas établie ; il n'a pas eu connaissance de l'affichage de l'autorisation de construire initiale contestée ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté du 14 mai 2019, compte tenu des substantielles modifications apportées au projet, ne s'analyse pas comme un permis modificatif ;

- l'arrêté du 5 février 2018 est intervenu en violation de l'article L. 5112-2 du code de la défense faute d'autorisation du ministre de la défense ;

- le dossier de demande de permis de construire est incomplet au regard de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme ; il ne comprend pas de document relatif à son insertion paysagère ; le projet architectural présenté est insuffisant au regard de l'insertion du projet ; il est incohérent sur le maintien d'un garage existant sur l'accès interne à la construction alors que sa démolition n'est pas prévue ;

- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont méconnues ; la falaise située en limite du terrain d'assiette est en cours d'érosion et sujette à des éboulements ;

- les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme sont méconnues ; la pointe du sémaphore a été identifiée comme constituant un espace remarquable, où seules des constructions légères peuvent être autorisées ; le terrain d'assiette appartient à un espace d'urbanisation diffus ;

- les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme sont méconnues alors que le projet appartient à un espace d'urbanisation diffus ;

- les dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme sont méconnues ; alors que le projet est situé en espace proche du rivage le préfet n'a donné aucune autorisation pour ce projet ; le plan local d'urbanisme ne comprend pas de précision spéciale s'agissant des extensions limitées de l'urbanisation dans ces espaces ; il n'est pas précisé à quel titre la construction serait conforme aux dispositions du schéma de cohérence territoriale ;

- les dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme sont méconnues ; la construction autorisée se trouve dans une zone d'urbanisation diffuse à moins de 100 mètres du rivage ;

- les dispositions de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune sont méconnues ; la construction n'est pas située en limite séparative latérale de la parcelle mais en limite frontale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2021, la commune de Saint-Quay-Portrieux, représentée par Me Leroux, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête présentée devant le tribunal administratif était irrecevable au regard de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ; elle était tardive dès lors qu'à la date de saisine de la commune, le 18 avril 2018, M. C... avait connaissance de l'arrêté du 5 février 2018 depuis plusieurs semaines ; l'affichage sur le terrain du permis de construire a été régulier et n'a pu pallier à la tardiveté du recours gracieux ; M. C... n'a pas d'intérêt à agir au regard de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme alors même qu'il est le voisin immédiat du projet, en l'absence de tout impact du projet sur sa parcelle ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2021, M. D... C..., représenté par la SCP Elghozy - Geanty - Gautier - Pennec, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. A... C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête présentée devant le tribunal administratif était irrecevable au regard de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme ; elle était tardive dès lors que M. C... avait connaissance du projet dès avant l'affichage continu et régulier du permis sur le terrain à compter du 21 février 2018 ; sa seule qualité de voisin immédiat du terrain d'assiette du projet, nonobstant la perte d'ensoleillement et la perte partielle de vue sur la mer alléguées, ne lui donne pas qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de M. D... C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 février 2018, le maire de la commune de Saint-Quay-Portrieux (Côtes-d'Armor) a délivré à M. D... C... un permis de construire pour une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée n° D 363 située 1, rue du Président le Sénécal. Puis, par un arrêté du 14 mai 2019, il a délivré un permis de construire modificatif pour la même construction. Par un jugement du 26 février 2021, dont M. A... C... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes d'annulation des arrêtés du maire de Saint-Quay-Portrieux des 5 février 2018 et 14 mai 2019, ainsi que de la décision de la même autorité du 13 juillet 2018 rejetant son recours gracieux formé contre l'arrêté du 5 février 2018.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté du 5 février 2018 et la décision du 13 juillet 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5112-2 du code de la défense : " Dans l'étendue du champ de vue mentionné à l'article L. 5112-1 aucune construction ne peut être réalisée sans l'autorisation du ministre de la défense. (...) " et aux termes de l'article L. 5112-1 de ce code : " Les postes électro-sémaphoriques de la marine nationale et les postes militaires de défense des côtes et de sécurité de la navigation bénéficiant des servitudes définies au présent chapitre, ainsi que les limites de leur champ de vue, sont désignés par décret, pris après l'accomplissement d'une enquête publique organisée conformément au chapitre IV du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l'administration. ". Par ailleurs, il résulte de l'article R. 425-7 du code de l'urbanisme que : " Lorsque le projet porte sur une construction située à proximité d'un ouvrage militaire, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 5112-2 du code de la défense dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre de la défense. ".

3. M. C... soutient qu'eu égard à la présence à proximité de la construction autorisée d'un sémaphore, il convenait d'obtenir l'accord du ministre en charge de la défense sur le projet de construction. Il résulte des dispositions de l'article L. 5112-2 du code de la défense que les constructions soumises à l'autorisation du ministre de la défense sont celles comprises dans le champ de vue du sémaphore. Or si, au vu des documents cartographiques du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux, la parcelle d'assiette du projet autorisé est visée par une servitude de protection des centres de réception radioélectrique contre les perturbations électromagnétiques (PT1) et une servitude de protection des centres radioélectriques d'émission et de réception contre les obstacles (PT2), elle n'est pas incluse dans la servitude de champ de vue concernant la détermination et la conservation des postes électro-sémaphorique (AR1). Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 5112-1 du code de la défense ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".

5. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire présenté par M. C... comprenait une notice paysagère détaillée, un photomontage du projet de construction intégrant les deux maisons d'habitation les plus proches, ainsi que deux photographies des abords. Les plans présentés montrent également le détail des façades de la construction projetée, dont les modénatures rappellent celles du phare de l'île Harbour, ainsi que le traitement des accès et du terrain d'assiette. Il ne résulte par ailleurs pas de ces documents, dont le plan de masse du projet, que le garage existant serait détruit, ni que sa démolition serait nécessaire à la réalisation du projet autorisé ou à son accès. Enfin les différents documents composant le dossier de demande de permis établissent à la fois la situation du lieu d'implantation, sa proximité avec le littoral ainsi qu'avec les maisons l'entourant. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet, insuffisant, imprécis et incohérent du dossier de demande de permis de construire doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée prend appui sur une falaise présentant de nombreux signes d'érosion du fait de l'altération de son socle rocheux, constitué de gabbro, sensible au lessivage et à l'infiltration par les eaux pluviales. Ce site appartient à une zone figurant à l'atlas des aléas littoraux d'Ille-et-Vilaine, des Côtes d'Armor et du Finistère, rédigé en octobre 2015 par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), comme présentant de tels risques d'érosion. Les éléments présents au dossier ne permettent cependant pas d'établir que la construction à usage d'habitation en litige, compte-tenu de sa faible emprise au sol et de sa localisation à environ quarante mètres du bord de la falaise, serait de nature à aggraver cette situation, d'autant plus que le permis de construire en litige a été précédé d'une étude de sol réalisée par une société spécialisée en étude des sols, roches et ouvrages en terre, tel que précisé dans la notice descriptive du projet, dont le gérant assure dans un courrier du 2 novembre 2021 qu'il est " absolument convaincu que la création de cette maison n'a absolument aucune influence sur la stabilité de la falaise ". L'étude non contradictoire réalisée à la demande du requérant le 10 avril 2021 par un hydrogéologue, au terme d'une unique visite du site par son auteur sur les parcelles situées aux abords du terrain d'assiette de la construction, n'est pas nature à établir un tel accroissement du risque d'érosion, compte-tenu de la généralité de l'avis émis, qui n'a pas été précédé de sondages géologiques ni géotechniques ou de calculs de stabilité, et qui ne repose dès lors que sur des hypothèses scientifiquement peu étayées. Par ailleurs, la circonstance que le sentier littoral, pour sa partie située à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet, se soit effondré, justifiant la réalisation d'un nouveau tracé, n'est pas davantage de nature à établir le risque qui résulterait de la réalisation de la maison en litige, située elle-même à plusieurs dizaines de mètres de ce chemin. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages. ". Et aux termes de l'article L. 121-24 du même code : " Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d'Etat, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. (...) ". L'article R. 121-4 du même code dispose par ailleurs que : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : / 1° (...) les falaises et les abords de celles-ci ; (...). ".

10. M. C... fait valoir que la Pointe du Sémaphore, où est autorisée la construction en litige, constitue un paysage remarquable où aucune construction n'est autorisée à l'exception des aménagements légers mentionnés à l'article L. 123-24 du code de l'urbanisme. Il se prévaut à cet égard d'une copie d'écran d'un site de la région Bretagne laquelle, sur la base d'une enquête de 2007, aurait classé la Pointe du Sémaphore en paysage remarquable. Cependant, ce document ne concerne que le littoral même de cette pointe, appartenant pour l'essentiel au domaine public maritime, et ne comprend pas la zone d'urbanisation qu'il distingue explicitement. En admettant même, ensuite, au regard des quelques éléments présentés, que ce site constituerait un paysage remarquable au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, celui-ci ne pourrait concerner, en application du 1° de l'article R. 121-4 du même code, que les abords des falaises. Or, la construction autorisée se situe en retrait de ces falaises, sur la partie centrale de la Pointe, où des habitations sont édifiées le long de la rue du Président le Sénécal jusqu'au sémaphore. Elle est également distante de moins de 10 mètres de la maison la plus proche et est beaucoup plus en retrait de la falaise que les constructions, également plus massives, implantées sur les parcelles contiguës n°s D 362 et D 2. Enfin, il ressort du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux que la partie centrale de la Pointe du Sémaphore, supportant l'emprise de la construction en litige, est classée en zone Ud " zone d'habitat des quartiers balnéaires " et seul son pourtour est classé en zone naturelle NL, " secteur correspondant aux espaces remarquables de la loi Littoral ". Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le maire de Saint-Quay-Portrieux aurait fait une inexacte application des articles L. 121-23 et L. 121-24 du code de l'urbanisme en raison de l'atteinte portée par la construction autorisée à un paysage remarquable.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

12. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet se situe en continuité du centre-ville de la commune de Saint-Quay-Portrieux, situé à moins d'un kilomètre, auquel elle est reliée par une zone urbanisée continue, dense, alors même que cette urbanisation se réduit, sans devenir diffuse, en direction de l'extrémité de la pointe, rue du Président Le Sénéquier. La parcelle supportant la construction autorisée se situe au demeurant à l'ouest en limite séparative de la propriété du requérant, dont la façade de la maison est à moins de 10 mètres de la nouvelle construction. Elle est également bordée sur sa partie sud par une maison d'habitation dont elle n'est aussi séparée que de quelques mètres. Enfin sur sa partie nord la parcelle contiguë supporte également une construction. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'autorisation contestée est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer./ En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord. / (...) ".

14. Une opération qu'il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une "extension de l'urbanisation" au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. En revanche, la seule réalisation dans un quartier urbain d'un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi.

15. Il ressort d'une part des pièces au dossier qu'eu égard à sa proximité immédiate du littoral qu'elle borde et à son caractère naturel pour l'essentiel la parcelle d'assiette du projet est constitutive d'un espace proche du rivage au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

16. La construction autorisée, sur une parcelle supportant déjà un garage, présente une surface de plancher limitée à 48,25 m². Elle se situe à environ 10 mètres de deux maisons d'habitation, sur une parcelle se trouvant en limite d'une troisième parcelle supportant également une construction. Ces trois constructions proches sont d'un gabarit important au regard de la construction autorisée, et se situent dans une rue se terminant en impasse sur un sémaphore aux proportions encore plus massives. La construction autorisée se situe également au plus près possible de la maison la plus éloignée du littoral, les deux autres constructions, perpendiculaires, descendant vers le rivage et enserrant ainsi celle autorisée. Comme il a été par ailleurs exposé au point 12, toutes ces constructions se trouvent en continuité du centre-ville de la commune de Saint-Quay-Portrieux. Par suite, le projet n'étend pas de manière significative l'urbanisation du quartier dans lequel il s'insère, ni n'en modifie les caractéristiques. Dès lors, il doit être regardé comme une simple opération de construction et non une extension de l'urbanisation au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Il suit de là qu'en délivrant les permis de construire contestés, le maire de Saint-Quay-Portrieux n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.

17. En septième lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...). ". Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.

18. Il ressort des pièces du dossier que l'emprise de la construction en litige, limitée à 48,25 m² de plancher, se situe à moins de cent mètres de la limite haute du rivage. Ainsi qu'il a été exposé au point 16, la construction autorisée se situe à proximité immédiate de deux vastes maisons d'habitation qui, avec une troisième construction située au nord, forment un U qui l'enserre. Immédiatement au nord de cet ensemble se trouve le sémaphore. Par ailleurs cet ensemble de trois constructions se poursuit, au sud, par un espace urbanisé qui, dès lors que la pointe s'élargit, se densifie encore avec la construction de maisons sur plusieurs rideaux à moins de cent mètres. Il s'en suit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la construction en litige a été autorisée en méconnaissance de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme.

19. En huitième lieu, aux termes de l'article " UD7- Implantation des constructions par rapport aux limites séparatives " du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Quay-Portrieux : " Les constructions principales pourront être implantées sur une limite séparative latérale. / Lorsque la construction principale n'est pas implantée sur la limite, la distance comptée horizontalement, de tout point du bâtiment au point de la limite séparative qui en est le plus rapproché doit être au moins égal à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points sans pouvoir être inférieure à 3,00 mètres. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, les limites séparatives s'entendent comme les limites entre la propriété constituant le terrain d'assiette de la construction et la ou les propriétés qui la jouxtent. La limite entre deux propriétés situées en bordure d'une même voie doit être regardée comme une limite séparative aboutissant à cette voie et la circonstance qu'une telle limite séparative soit constituée de plusieurs segments de droite faisant angle entre eux est sans influence sur sa qualification de limite séparative aboutissant aux voies.

20. M. C... soutient qu'en méconnaissance de ces dispositions, la construction contestée a été implantée en limite non pas séparative latérale mais de fond de parcelle. Cependant, il ressort des pièces du dossier que la construction est implantée sur une limite qui rejoint la rue du Président Le Sénéquier. La circonstance qu'eu égard à la configuration particulière de la parcelle cette limite se trouve, à l'endroit de l'emprise de la construction, parallèle à cette rue ne permet pas d'identifier une limite de fond de parcelle. Cette dernière se situe sur la partie la plus à l'est de la parcelle, le long de la falaise, également parallèle à la rue mais ne joignant pas cette dernière. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté du 14 mai 2019 :

21. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif accordé le 14 mai 2019 à M. D... C... permet une modification du gabarit de la construction autorisée le 13 juillet 2018 du fait de son édification à une profondeur plus importante, sur sa façade ouest, par rapport au terrain naturel, ainsi qu'un changement partiel du niveau de plancher en rez-de-chaussée. Ces modifications emportent une majoration limitée de la surface de plancher de 45 m² à 48,25 m². Ce permis autorise également un déplacement des deux places de parking aérien, la substitution de fenêtres à deux battants à celles initialement prévues avec un seul battant et la réalisation d'une clôture. De telles modifications, qui n'apportent pas au projet initial autorisé le 13 juillet 2018 un bouleversement tel que l'autorisation contestée du 14 mai 2019 en changerait la nature même, ne faisaient pas obstacle, contrairement à ce que soutient le requérant, à la délivrance de ce permis modificatif.

22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense à la demande de première instance, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Sur les frais d'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. A... C.... En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 800 euros au titre des frais exposés respectivement par la commune de Saint-Quay-Portrieux et M. D... C....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : M. A... C... versera d'une part à la commune de Saint-Quay-Portrieux et d'autre part à M. D... C... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la commune de Saint-Quay-Portrieux et à M. D... C....

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 novembre 2022.

Le rapporteur,

C. B...

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01162
Date de la décision : 03/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP MARION LEROUX SIBILLOTTE ENGLISH

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-03;21nt01162 ?
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