La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2022 | FRANCE | N°22NT00449

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 28 octobre 2022, 22NT00449


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sam Suffy a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'État à lui verser la somme de 23 395 euros en réparation des préjudices qui résulterait de la saisie illégale du navire Le Cocody le 4 décembre 2019.

Par un jugement n° 2001027 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, la SARL Sam Suffy, représentée par

Me Croix, demande à la cour :<

br>
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 23 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sam Suffy a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'État à lui verser la somme de 23 395 euros en réparation des préjudices qui résulterait de la saisie illégale du navire Le Cocody le 4 décembre 2019.

Par un jugement n° 2001027 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2022, la SARL Sam Suffy, représentée par

Me Croix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2021 ;

2°) de condamner l'État à lui verser la somme de 23 395 euros majorée des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges :

. ont omis de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant rejet de la demande indemnitaire préalable formée devant le préfet ainsi que sur les conclusions indemnitaires en réparation du préjudice né de l'illégalité de la décision portant saisie illégale du navire de pêche ;

. ont relevé d'office un moyen d'incompétence qui n'avait pas été soumis au débat contradictoire sans en informer les parties en méconnaissance de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est infondé ; la responsabilité de l'État est engagée dès lors que la saisie du navire est irrégulière ainsi que l'a reconnu la cour d'appel de Caen le 14 janvier 2020 et que, faute de notification régulière de la mesure, elle était dans l'ignorance de la sanction et n'a donc pas commis de faute en poursuivant son action de pêche ; son préjudice doit être évalué à

23 395 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la décision de saisie du navire se rattache à une procédure judiciaire et relève de la compétence du juge judiciaire ;

- aucun moyen n'est fondé.

Le 21 juillet 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à la réparation du préjudice qui découlerait de la saisie du navire Le Cocody prononcée à la suite de la décision de saisie du 4 décembre 2019 prise par le préfet du Calvados.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Sam Suffy est l'armateur du navire de pêche Le Cocody dont M. A... est le représentant légal et le patron. Le 7 février 2019, il a été constaté par les services de la gendarmerie maritime que ce navire se livrait à une action de pêche de la coquille Saint-Jacques à une période où sa pêche est interdite. A la suite de ce constat d'infraction, le préfet de la région Normandie, par une décision n° 635-2019 du 13 juin 2019, a infligé une amende administrative de 1 500 euros. Par une seconde décision du 13 juin 2019, portant le n° 636-2019, la licence de pêche à la coquille a été suspendue pendant une durée de quatre jours pour la période allant du 2 au 5 décembre 2019. Le 4 décembre 2019, M. A... a été verbalisé par la gendarmerie maritime pour une action de pêche non autorisée. Par un procès-verbal du 6 décembre 2019, le directeur départemental des territoires et de la mer du Calvados a procédé à la saisie du navire Le Cocody. Par une ordonnance du 13 décembre 2019 le juge des libertés et de la détention de Lisieux a annulé la saisie du navire et la mesure de cautionnement. Cette ordonnance a été confirmée par la cour d'appel de Caen le 14 janvier 2020. Le 10 mars 2020, le préfet de la région Normandie a été saisi par la Sarl Sam Suffy d'une réclamation indemnitaire préalable aux fins de réparation des préjudices qui découleraient, selon elle, de la saisie du navire qui a été implicitement rejetée. Aux termes du jugement attaqué du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la SARL Sam Suffy qui relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 943-1 du code rural et la pêche maritime : " Les agents mentionnés à l'article L. 942-1 peuvent, en vue de les remettre à l'autorité compétente pour les saisir, procéder à l'appréhension des filets, des engins, des matériels, des équipements utilisés en plongée ou en pêche sous-marines, de tous instruments utilisés à des fins de pêche, des véhicules, des navires ou engins flottants ayant servi à pêcher ou à transporter des produits obtenus en infraction ainsi que des produits qui sont susceptibles de saisie ou des sommes reçues en paiement de ces produits et, plus généralement, de tout objet ayant servi à commettre l'infraction ou destiné à la commettre. / (...) / L'appréhension donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal. (...) ". Aux termes de l'article L. 943-3 du même code : " L'autorité compétente (...) dresse procès-verbal de la saisie. Le navire ou l'engin flottant est consigné entre les mains du service territorialement compétent en application de l'article L. 943-2. (...) ". Aux termes de l'article L. 943-4 du même code : " Dans un délai qui ne peut excéder trois jours ouvrés à compter de la saisie, l'autorité compétente adresse au juge des libertés et de la détention du lieu de la saisie une requête accompagnée du procès-verbal de saisie aux fins de confirmation de la saisie. / Le juge des libertés et de la détention peut confirmer la saisie, conditionner la mainlevée de celle-ci au versement d'un cautionnement dont il fixe le montant et les modalités de versement, dans les conditions fixées à l'article 142 du code de procédure pénale, ou décider la remise en libre circulation du navire, de l'engin flottant ou du véhicule. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 945-2 du même code : " I. Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, pour un capitaine de navire : (...) / 4° Pour les capitaines de navire battant pavillon d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou leurs représentants, de pêcher en infraction à l'article 17 du règlement (CE) n° 2371 / 2002 du Conseil du 20 décembre 2002 ou aux dispositions nationales définissant les modalités d'accès, dans les eaux maritimes sous souveraineté ou juridiction française et dans la partie des fleuves, rivières, canaux, étangs où les eaux sont salées ; / (...) ".

3. Les décisions par lesquelles, en application des articles L. 943-1 et L. 943-3 du code rural et de la pêche maritime, l'autorité compétente décide, après la constatation d'une infraction réprimée par l'article L. 945-2 du même code, de saisir un navire de pêche ayant servi à commettre l'infraction après avoir dressé un procès-verbal qui doit être adressé au juge des libertés et de la détention aux fins de confirmation de la saisie, ont le caractère de mesures de police judiciaire dont la connaissance n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire.

4. En l'espèce, la saisie du navire de pêche armé par la SARL Sam Suffy sur le fondement des dispositions précitées est motivée par le procès-verbal du 4 décembre 2019 et s'incorpore ainsi à la procédure judiciaire engagée à l'encontre de la requérante. Par suite, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître du litige relatif aux dommages qui auraient été causés à la société requérante à l'occasion des poursuites engagées à son encontre à la suite de l'infraction constatée par le procès-verbal d'appréhension du 4 décembre 2019.

5. Il suit de là qu'en statuant, au fond, sur la demande de la SARL Sam Suffy tendant à la réparation du préjudice découlant de l'illégalité qui entacherait la décision de saisie du navire prise le 6 décembre 2019, le tribunal administratif de Caen a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter la demande présentée par la SARL Sam Suffy comme portée devant un ordre de juridictions incompétent pour en connaître.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de la SARL Sam Suffy présentée devant le tribunal administratif de Caen est rejetée comme portée devant un ordre de juridictions incompétent pour en connaître.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sam Suffy et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la région Normandie.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2022.

La rapporteure,

C. B...

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00449


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00449
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : INCE et CO FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-28;22nt00449 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award