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25/10/2022 | FRANCE | N°22NT00061

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 25 octobre 2022, 22NT00061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le maire de Bruz a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 26 juillet 2018.

Par un jugement n° 1803545 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 29 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Mlekuz, demande à la cour :>
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2021 ;

2°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 6 juin 2018 par laquelle le maire de Bruz a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 26 juillet 2018.

Par un jugement n° 1803545 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 janvier et 29 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Mlekuz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au maire de Bruz de la réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bruz le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les droits de la défense ont été méconnus dès lors que certains griefs retenus à son encontre ne figuraient pas dans le rapport de saisine du conseil de discipline ;

- la décision contestée, qui ne fait pas état de tous les griefs qui lui sont reprochés, est insuffisamment motivée ;

- les griefs qui lui sont reprochés sont insuffisants pour justifier la décision contestée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2022, la commune de Bruz, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- les observations de Me Mlekuz, assistant Mme B...,

- et les observations de Me Saulnier, substituant Me Coudray, représentant, la commune de Bruz.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée à compter du 15 janvier 2017 en qualité de chef de service de la police municipale de Bruz. Ce poste, correspondant à un emploi de catégorie B, était resté vacant depuis le départ du précédent chef de service en mars 2014, en raison des difficultés financières de la commune. Deux agents titulaires du grade de brigadier-chef principal en avaient assuré l'intérim durant près de trois ans. L'intéressée a fait l'objet, le 21 février 2018, d'une suspension de fonction, avant d'être licenciée pour insuffisance professionnelle, par un arrêté du 6 juin 2018. Il lui était reproché son incapacité à manager une équipe, à travailler en équipe et à organiser le service de police, son incapacité à entretenir de bonnes relations avec ses collègues, sa hiérarchie et les partenaires extérieurs, des carences importantes dans ses missions ainsi qu'une remise en cause des décisions de sa hiérarchie. L'intéressée a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 12 novembre 2021, a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de saisine du conseil de discipline, qui a été adressé à Mme B... préalablement à la réunion de cette instance paritaire, que les griefs tirés de l'incapacité à régulariser une situation dangereuse et illégale liée à la présence d'une caravane sur le parking de la Louvière et de l'absence de mise en place de procédures rigoureusement identifiées étaient évoqués en page 5, 6, 7 et 8. Par suite, la requérante, qui a ainsi été mise en mesure de préparer et d'assurer sa défense, n'est pas fondée à soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus en ce qu'elle n'aurait pas été informée de l'ensemble des griefs qui lui sont reprochés. Ce moyen doit en conséquence être écarté.

3. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., la décision contestée, fait état de manière suffisamment explicite de tous les griefs justifiant son licenciement pour insuffisance professionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée manque en fait et ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions correspondant à son grade, s'agissant d'un fonctionnaire, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Lorsque la manière de servir d'un fonctionnaire exerçant des fonctions qui ne correspondent pas à son grade le justifie, il appartient à l'administration de mettre fin à ses fonctions. Une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé de nouvelles fonctions correspondant à son grade durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions peut, alors, être de nature à justifier légalement son licenciement.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'un des agents du service de police municipale de Bruz a été placé en arrêt maladie dès le 3 avril 2017 pour un syndrome anxio-dépressif en relation avec son activité professionnelle et a sollicité la protection fonctionnelle, soit quelques mois seulement après la nomination de Mme B... en qualité de responsable de ce service. Dans une note adressée au maire, cet agent, qui avait assuré l'intérim de ce poste durant près de trois ans, reprochait à sa supérieure hiérarchique un comportement trop rigide et humiliant. Le médecin du travail a demandé au maire qu'il soit éloigné physiquement de Mme B.... L'intéressée a elle-même été placée en arrêt de travail pour la même pathologie à la fin du mois d'avril 2017 et à de nombreuses reprises au cours de l'année 2017. Une autre agente du service, qui ne comprenait de trois policiers municipaux et quatre agents de protection du passage des écoles, a sollicité sa mutation auprès d'une autre collectivité.

6. Les différents témoignages produits au dossier démontrent que Mme B... a fait preuve d'une rigueur particulière dès son arrivée en remettant en cause systématiquement les procédures jusque-là appliquées. Ils attestent du caractère humiliant des remarques qu'elle adressait à ses collaborateurs. Dans le cadre de l'audit réalisé par une psychologue du travail et une consultante en organisation rattachées au centre de gestion de la fonction publique territoriale d'Ille-et-Vilaine, son management particulièrement directif, sans consignes claires, générant un sentiment d'insécurité, une perte de confiance et d'estime de soi chez des agents pourtant expérimentés et compétents a été confirmé. Si la requérante souligne le contexte difficile dans lequel elle a pris ses fonctions, il relève toutefois de la compétence attendue d'un chef de service de gérer les tensions entre les agents de son service et de les atténuer et non de les attiser. Par suite, contrairement à ce qu'elle soutient, les carences managériales de Mme B... caractérisent une incapacité à assurer correctement ses fonctions d'encadrement et de responsable d'un service en contact de surcroît avec du public et entreprises extérieurs. Par ailleurs, les réticences de Mme B... à assurer des permanences le week-end, ou à se rendre sur le terrain attestent du fait qu'elle n'a pas pris la mesure du poste et des responsabilités qui lui étaient confiées. Enfin, la requérante n'a pas su remettre en cause son mode de fonctionnement, en ne suivant pas, notamment, le " coaching " proposé par le centre de gestion. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'insuffisance professionnelle de Mme B... est établie. Le maire de la commune de Bruz a, par suite, pu légalement prononcer son licenciement pour ce motif.

7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bruz, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Bruz d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Bruz une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Bruz.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 octobre 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

S. PIERODE

La République mande et ordonne à la ministre chargée des collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00061
Date de la décision : 25/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : SELARL LARZUL BUFFET LE ROUX et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-25;22nt00061 ?
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