La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°21NT01048

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 octobre 2022, 21NT01048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 288 841,15 euros, procédant de trois avis à tiers détenteur émis les 23 août, 19 septembre et 6 octobre 2017 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe pour avoir paiement, en principal et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 à 2016, de prononcer la décharge de

l'obligation de payer la somme de 7 849,20 euros, procédant de deux avis à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 288 841,15 euros, procédant de trois avis à tiers détenteur émis les 23 août, 19 septembre et 6 octobre 2017 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe pour avoir paiement, en principal et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 à 2016, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 849,20 euros, procédant de deux avis à tiers détenteur émis les 18 octobre 2017 et 10 novembre 2017 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Sarthe pour avoir paiement, en principal et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de Mme A... au titre des années 2013 à 2015, de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 424 818,91 euros, procédant d'un avis à tiers détenteur émis le 19 janvier 2018 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe pour avoir paiement, en principal et majorations, de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. A... au titre des années 2013 à 2016 et de prononcer en conséquence la mainlevée de ces avis à tiers détenteur, enfin de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de

138 543 euros, procédant d'un commandement de payer valant saisie immobilière émis le

9 mai 2018 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. A... au titre de l'année 2016 et de prononcer en conséquence la mainlevée de ce commandement de payer.

Par un jugement n°s 1801445, 1803056, 1806390, 1807210 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 avril, 15 décembre et 30 décembre 2021 M. et Mme A..., représentés par Mes Michaud et Royer, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer les décharges et mainlevées sollicitées ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les avis à tiers détenteur et le commandement de payer en litige portent sur des sommes manifestement exagérées compte tenu des différents paiements qu'ils ont effectués ;

- ils ont explicitement donné pour instruction au comptable public d'imputer l'ensemble des paiements futurs en priorité sur les impositions les plus récentes ;

- ils sont fondés à se prévaloir de l'instruction référencée BOI-REC-PART-10-20-10-20170711, §40.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 juin, 23 décembre 2021 et 10 janvier 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A... et Mme G... C..., veuve D..., son épouse, ont fait l'objet de trois avis à tiers détenteur pour des montants respectifs de 288 841,15 euros, 288 805,91 euros et 288 805,91 euros respectivement émis les 23 août 2017, 19 septembre 2017 et 6 octobre 2017 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe (Sarthe), en vue d'obtenir le paiement de cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 à 2016. Mme veuve D..., épouse A..., a fait l'objet, par ailleurs, de deux avis à tiers détenteur d'un montant de 7 849,20 euros chacun émis les 18 octobre 2017 et 10 novembre 2017 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Sarthe pour avoir paiement de cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015. M. A... a fait l'objet, pour sa part, d'un avis à tiers détenteur d'un montant de 424 818,91 euros émis le 19 janvier 2018 par le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe pour obtenir le paiement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2013 à 2016. Enfin, le comptable du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe a notifié à M. A... un commandement de payer valant saisie immobilière du 9 mai 2018 pour avoir paiement de cotisations à l'impôt sur le revenu mises à la charge de l'intéressé au titre de l'année 2016. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge de l'obligation de payer les sommes procédant de ces six avis à tiers détenteur et de ce commandement de payer. Par un jugement du 19 février 2021, le tribunal a rejeté leurs demandes. M. et Mme A... font appel de ce jugement.

Sur l'étendue du litige :

2. Les requérants produisent un avis de dégrèvement du 12 août 2019, antérieur à l'enregistrement de la requête, d'un montant de 4 586 euros, concernant l'impôt sur le revenu des intéressés pour l'année 2017, ainsi qu'un avis de dégrèvement de la même date, d'un montant de 7 437 euros, concernant l'impôt sur le revenu pour l'année 2016. Ces montants ne sont donc plus en litige devant la cour.

3. En outre, les requérants produisent un avis de dégrèvement prononcé le

5 août 2021, soit postérieurement à l'enregistrement de la requête, d'un montant de

10 117 euros pour l'impôt sur le revenu de l'année 2013 et d'un montant de 13 676 euros pour l'impôt sur le revenu de l'année 2014. Les conclusions de M. et Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la réalité des paiements effectués par M. et Mme A... :

4. Aux termes de l'article 1353 du code civil : " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. / Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ". Aux termes de l'article 204 de l'annexe IV du code général des impôts : " En échange du chèque, le comptable délivre, s'il y a lieu, un reçu sous forme de quittance ou d'extrait de quittance d'ampliation de titre de mouvement ou de facture, suivant le cas. (...) ".

5. Si M. et Mme A..., après avoir admis que certains des chèques qui étaient en litige en première instance ont été effectivement encaissés par le Trésor public de La Suze-sur-Sarthe, persistent à soutenir qu'une partie des paiements effectués par eux n'ont pas été pris en compte par le Trésor public, il leur appartient, pour étayer leurs allégations, de produire la quittance visée par les dispositions rappelées au point 4, quittance dont ils n'ont pas fait la demande au service chargé du recouvrement. A défaut de telles quittances, il leur appartient d'établir de manière certaine que les paiements qu'ils invoquent ont été encaissés par les services du Trésor.

6. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de plusieurs des paiements encore en litige, les chèques invoqués n'ont pas été produits et les mentions manuscrites ajoutées par les requérants sur les différents relevés de compte bancaire qu'ils produisent ne permettent pas d'établir que ces chèques auraient été régulièrement adressés au Trésor public en règlement des impositions visées par les avis à tiers détenteur en litige, alors que l'administration fiscale conteste en défense avoir été destinataire de ces chèques. S'agissant des chèques qui ont été produits au dossier, pour la plupart uniquement en copie recto, ni les mentions portées sur ces chèques, libellés à l'ordre du Trésor public, ni les relevés de compte bancaire, qui ne comportent aucune indication du bénéficiaire de ces chèques, hormis la mention manuscrite " Trésor public " ou " impôts ", figurant en marge des opérations correspondantes et dépourvue de tout caractère probant, ni les courriers adressés au centre des finances publiques de la Suze mais non accompagnés d'un accusé de réception, et pour la plupart non datés ou avec une date illisible, ne permettent d'établir que les requérants se seraient acquittés des sommes correspondantes au profit du Trésor public de la Suze-sur-Sarthe au titre des rappels d'imposition visés par les avis à tiers détenteur en litige, alors que des montants similaires ont été crédités sur les comptes bancaires des requérants (virement de compte à compte) ou ont servi à payer le Trésor public de Bourg-Saint-Andéol (Ardèche), compétent pour le recouvrement de l'impôt sur le revenu de Mme A... pour l'année 2006, ou encore d'autres créanciers. Enfin, s'agissant des chèques émis entre janvier et mars 2008, soit antérieurement à la mise en recouvrement, à compter du 31 juillet 2008, des impositions visées par les avis à tiers détenteur et le commandement de payer en litige, ils n'ont pu avoir pour effet d'acquitter tout ou partie de ces impositions non encore émises et, en tout état de cause, les requérants n'établissent pas qu'ils auraient été encaissés par le trésorier de la

Suze-sur-Sarthe et non imputés sur les dettes concernées. Pour les motifs ainsi exposés, M. et Mme A... ne peuvent être regardés comme apportant la preuve, qui leur incombe, du caractère exagéré des sommes réclamées par les actes de poursuites qu'ils contestent.

Sur l'affectation des paiements réellement effectués :

7. Aux termes de l'article 1342-10 du code civil : " Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. / A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. ". Et aux termes de l'article 1342-4 du même code : " Le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible. / Il peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû. ". Il résulte de ces dispositions que, sauf indication du débiteur, et en l'absence d'intérêt de ce dernier à s'acquitter d'une de ses dettes en particulier, les paiements effectués par lui sont imputés sur la dette la plus ancienne. L'ancienneté d'une dette d'impôt sur le revenu s'apprécie d'après la date de la mise en recouvrement de cet impôt.

8. Par une lettre du 6 décembre 2016, M. et Mme A... ont demandé au centre des finances publiques de la Suze-sur-Sarthe, pour le règlement de la somme de 246 770,15 euros faisant l'objet d'un recouvrement forcé, " d'imputer tout paiement en priorité : 1. sur les droits, 2. puis sur les majorations d'assiette, 3. et sur les majorations de recouvrement, 4. et ce, en commençant par les impositions les plus récentes ". Toutefois, ils n'ont pas indiqué précisément sur quels impôts et pour quelles années d'imposition devaient s'imputer ces paiements, alors au demeurant qu'aucun des paiements effectués en 2017 par eux ou par des tiers détenteurs n'était suffisant pour assurer le règlement total de chacune des cotisations exigibles. En outre, les paiements postérieurs à ce courrier mentionnaient, de manière contradictoire, une imputation sur l'impôt sur le revenu pour l'année 2015. Dans ces conditions, le comptable public du centre des finances publiques de La Suze-sur-Sarthe a pu légalement se conformer aux seules dispositions de l'article 1342-4 du code civil citées au point 7 pour imputer les règlements effectués sur les dettes de M. et Mme A... faisant l'objet des avis à tiers détenteur et, plus particulièrement, sur les sommes dues par les requérants au titre de l'impôt sur le revenu des années 2012 et 2015, et non pas au titre d'un acompte pour l'impôt sur le revenu de l'année 2016, mis en recouvrement le 31 juillet 2017.

9. Si par ailleurs des sommes ont été affectées au règlement de la taxe foncière de l'année 2017, l'administration soutient, sans être contredite, qu'elles n'ont pas été perçues par le Trésor public de la Suze-sur-Sarthe mais par le service des impôts des particuliers de la Flèche, auquel aucune demande d'imputation n'a été adressée, pour des biens situés dans la commune du Bailleul. Il en est de même des impôts locaux concernant d'autres départements. S'agissant des sommes réglées par les tiers détenteurs, auxquels le courrier du 6 décembre 2016 des époux A... n'était pas opposable, seul le pôle de recouvrement spécialisé de la Sarthe était compétent pour décider de leur affectation. En outre, ces sommes ne pouvaient régler des acomptes pour l'impôt sur le revenu de l'année 2016, mis en recouvrement le

31 juillet 2017, alors que les avis à tiers détenteur étaient antérieurs à cette date.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Les requérants se prévalent, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI-REC-PART-10-20-10-20170711, §40 aux termes de laquelle : " L'imputation, c'est-à-dire l'application d'un paiement à l'apurement des dettes contractées envers un même créancier lorsque la somme versée ne suffit pas à les acquitter toutes, est réglée à l'article 1342-10 du code civil. Les règles fixées par ces articles s'appliquent au recouvrement de l'impôt, en distinguant deux hypothèses selon que le contribuable indique ou non l'imputation à donner à son paiement. Lorsque le contribuable précise l'imputation à donner à son versement, le comptable doit se conformer à cette demande. En particulier, si un contribuable débiteur de plusieurs impôts demande que son paiement soit imputé en l'acquit d'un impôt dont la date limite de paiement est proche, le comptable doit accéder à sa demande alors même que les autres impôts dus seraient plus anciens ou assortis de sûretés moins efficaces. À défaut d'indication du contribuable, le comptable impute son paiement conformément à sa volonté présumée, sur l'impôt qu'il a le plus d'intérêt à acquitter. ". Toutefois, ces mentions ne comportent pas une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes de décharge de l'obligation de payer et de mainlevées. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A... concernant la décharge de l'obligation de payer les cotisations à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux à concurrence de la somme de 10 117 au titre de l'année 2013 et

13 676 euros au titre de l'année 2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2022.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 21NT01048

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01048
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET LAURANT ET MICHAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-21;21nt01048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award