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14/10/2022 | FRANCE | N°21NT03257

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 octobre 2022, 21NT03257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision de la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires prononçant son exclusion de la formation pendant cinq ans qui lui a été notifiée par un courrier du 25 septembre 2020 de la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Vire.

Par un jugement n° 2002353 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2021, 11 juin 2022 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision de la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires prononçant son exclusion de la formation pendant cinq ans qui lui a été notifiée par un courrier du 25 septembre 2020 de la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Vire.

Par un jugement n° 2002353 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 novembre 2021, 11 juin 2022 et 1er juillet 2022 (non communiqué), Mme A... B..., représentée par Me Lunven, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 septembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision de la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires, prise lors de sa séance du 24 septembre 2020, et notifiée par un courrier du 25 septembre 2020 de la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Vire ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, à la directrice de cet institut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vire la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre aux nouveaux moyens qu'elle avait invoqués dans un mémoire complémentaire, tirés de la méconnaissance des droits de la défense et des dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007 ;

- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que les droits de la défense ont été méconnus, en ce qu'elle n'a pas été informée des sanctions susceptibles de lui être infligées ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007 dès lors que la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires s'est réunie après l'expiration du délai prévu à cet article ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que pour les faits qui lui sont reprochés, qui ne concernent que deux jours d'absence qu'elle a ensuite rattrapés, il lui a été infligé la sanction la plus sévère.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2022, le centre hospitalier de Vire, représenté par Me Lesné, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux modifié par l'arrêté du 17 avril 2018,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a intégré le 5 février 2018 l'institut de formation du centre hospitalier de Vire en vue d'obtenir le diplôme d'Etat d'infirmier. Lors de la remise de sa feuille de validation du temps de stage pour la période allant du 10 février au 15 mars 2020, il a été constaté que des falsifications ont été opérées par l'intéressée sur les horaires et le compte d'heures. A l'issue d'un entretien avec la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) le 3 septembre 2020, la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires, réunie le 24 septembre 2020, a prononcé l'exclusion de Mme B... de la formation pour une durée de cinq ans. Par une lettre du 25 septembre 2020, la directrice de l'IFSI du centre hospitalier de Vire lui a notifié cette décision. Par un jugement du 17 septembre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision prononçant son exclusion temporaire de la formation pour une durée de cinq ans.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande, dans un mémoire enregistré avant la clôture de l'instruction, Mme B... soutenait notamment que la décision en litige avait été prise en méconnaissance des droits de la défense dans le non-respect des dispositions de l'article 21 de l'arrêté du 21 avril 2007. Le tribunal n'a pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision prononçant l'exclusion temporaire de la formation pendant cinq ans de Mme B... :

4. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 avril 2007 relatif aux conditions de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux dans sa rédaction alors applicable : " Dans chaque institut de formation préparant à l'un des diplômes visés à l'article 1er sont constituées une instance compétente pour les orientations générales de l'institut et trois sections : / - une section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants ; / - une section compétente pour le traitement des situations disciplinaires ; / - une section relative à la vie étudiante. / La coordination et l'information entre l'instance et les trois sections sont assurées par le directeur de l'institut de formation. (...) ". Aux termes de l'article 22 du même arrêté : " La section compétente pour le traitement des situations disciplinaires prend des décisions relatives aux fautes disciplinaires ".

5. Il résulte de ces dispositions que Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 15 de l'arrêté du 21 avril 2007 visé ci-dessus, dès lors qu'elles régissent le fonctionnement de la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles et non celui de la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires, dont relève la décision litigieuse.

6. D'autre part, aux termes de l'article 21 de l'arrêté du 21 avril 2007 : " Avant toute présentation devant la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires, l'étudiant est reçu en entretien par le directeur à sa demande, ou à la demande du directeur, d'un membre de l'équipe pédagogique ou d'encadrement en stage. / L'entretien se déroule en présence de l'étudiant qui peut se faire assister d'une personne de son choix et de tout autre professionnel que le directeur juge utile. / Au terme de cet entretien, le directeur détermine l'opportunité d'une présentation devant la section compétente pour les situations disciplinaires. / Lorsqu'il est jugé de l'opportunité d'une présentation devant la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires, le directeur de l'institut de formation saisit la section par une lettre adressée à ses membres, ainsi qu'à l'étudiant, précisant les motivations de présentation de l'étudiant. / Ce document mentionne le nom, l'adresse et la qualité de la personne faisant l'objet des poursuites ainsi que les faits qui leur sont reprochés. Il est accompagné de toutes pièces justificatives. / L'étudiant reçoit communication de son dossier à la date de saisine de la section. / Le délai entre la saisine de la section et la tenue de la section est de minimum quinze jours calendaires. ".

7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu d'entretien du 3 septembre 2020, que Mme B..., qui était alors assistée de deux étudiants de sa promotion, a bénéficié d'un entretien avec la directrice de l'IFSI, au cours duquel ont été évoqués les faits pour lesquels la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires a été saisie, en l'occurrence la falsification du document de validation du temps de stage du semestre 5. Au cours de cet entretien, alors que l'intéressée avait admis les faits reprochés, la directrice l'a informée qu'elle saisirait la section disciplinaire et lui a précisé la composition de cette section, le déroulé de la procédure et ses droits d'y être assistée. Mme B... a, par ailleurs, émis le souhait de ne pas bénéficier d'un second entretien mais seulement de recevoir son dossier (courrier, pièces) en mains propres à l'IFSI. Il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article 21 de l'arrêté du 21 avril 2007 que la directrice de l'IFSI aurait été tenue d'informer Mme B... des sanctions susceptibles d'être prises à son encontre, et notamment la sanction d'exclusion temporaire de la scolarité prononcée. L'absence d'une telle information sur les sanctions disciplinaires prévues n'a pas empêché la requérante de préparer et d'assurer utilement sa défense devant l'instance disciplinaire, alors au surplus qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été informée des textes réglementaires applicables à l'institut de formation préparant au diplôme d'Etat d'infirmier lorsqu'elle a consulté son dossier. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe général des droits de la défense doit, par suite, être écarté.

8. En deuxième lieu, la situation de Mme B... a été examinée par la section compétente pour le traitement des situations disciplinaires pour la sanctionner d'avoir procédé à la falsification du document de validation du temps de stage du semestre 5. Dans ces conditions, le requérante ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 21 avril 2007 visé ci-dessus, qui concernent exclusivement le cas des étudiants qui ont accompli des actes incompatibles avec la sécurité des personnes prises en charge et dont le stage a été éventuellement suspendu dans l'attente de l'examen de sa situation par la section compétente pour le traitement pédagogique des situations individuelles des étudiants, en faisant valoir que la section disciplinaire s'est réunie après l'expiration du délai d'un mois à compter de la survenue des faits imparti par cet article.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 de l'arrêté du 21 avril 2007 visé

ci-dessus : " La section ne peut siéger que si la majorité de ses membres sont présents ". Il ressort des pièces du dossier que la section compétente pour les situations disciplinaires réunie le 24 septembre 2020 comportait cinq de ses sept membres, de sorte que le quorum était atteint. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la section compétente aurait siégé dans une composition irrégulière.

10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 28 de l'arrêté du 21 avril 2007 visé ci-dessus : " A l'issue des débats, la section peut décider d'une des sanctions suivantes : - avertissement, / - blâme, / - exclusion temporaire de l'étudiant de l'institut pour une durée maximale d'un an, / - exclusion de l'étudiant de la formation pour une durée maximale de cinq ans. "

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a reconnu la matérialité des faits qui lui sont reprochés et qui tiennent à la falsification du document de validation du temps de stage du semestre 5, postérieurement à sa signature par sa responsable de stage, afin de dissimuler deux journées d'absence. La requérante fait valoir qu'elle a rattrapé ces absences et justifie cette falsification par les relations difficiles qu'elle aurait entretenues avec sa référente pédagogique. Toutefois, eu égard au grave manquement à la probité constaté et aux qualités déontologiques attendues d'une infirmière et alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée avait déjà été sanctionnée au cours de ses précédentes formations pour absentéisme, la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de cinq ans, bien que la plus élevée dans l'échelle des sanctions, n'apparaît pas disproportionnée aux faits reprochés à l'intéressée malgré les qualités professionnelles relevées à l'occasion de ses stages.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qui lui a été notifiée le 25 septembre 2020 par la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du centre hospitalier de Vire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. La présente décision n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme B... la somme que le centre hospitalier de Vire demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par Mme B... soit mise à la charge du centre hospitalier de Vire, qui n'est pas la partie perdante à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 17 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de Vire tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Vire.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- Mme Lellouch, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2022.

La rapporteure

J. C...Le président

D. Salvi

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03257
Date de la décision : 14/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP ADJUDICIA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-10-14;21nt03257 ?
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