Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B..., agissant en sa qualité de représentant légal de la jeune A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il avait formé contre la décision du 12 juin 2017 du consul général de France à Alger (Algérie) refusant de délivrer à la jeune A... B... un visa d'entrée et de long séjour en France au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 1709920 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 avril 2021, M. C... B... et Mme A... B..., représentés par Me Aissaoui, doivent être regardés comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme B... le visa sollicité dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 4 de l'accord franco-algérien modifié, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.
Les parties ont été informées le 31 août 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi : le motif tiré de l'atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas au nombre des motifs d'ordre public qui peuvent, seuls, justifier légalement un refus de visa d'entrée et de long séjour en France lorsque comme, en l'espèce, le regroupement familial a été autorisé par le préfet - CE, 23 janvier 2006, n° 284700, aux T.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 8 janvier 1945 et séjournant régulièrement en France, s'est vu confier, par un acte de kafala du tribunal d'El Eulma (Algérie) du 6 août 2003, le recueil légal de la jeune A... B..., née le 18 avril 1999, dont il est l'oncle paternel. Après avoir obtenu en fin d'année 2016 du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du département du Rhône une autorisation de regroupement familial au profit de sa nièce, il a sollicité, le 12 juin 2017, pour le compte de celle-ci, auprès des autorités consulaires françaises à Alger (Algérie) la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en France. Par une décision du 12 juin 2017, le consul général de France a refusé de délivrer à l'intéressée le visa sollicité. M. B... a alors saisi la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Le silence gardé par la commission sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet à l'expiration d'un délai de deux mois. M. B... et la jeune A... B..., devenue entre-temps majeure, relèvent appel du jugement du 5 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette seconde décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort du mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur devant le tribunal administratif de Nantes que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le refus de visa opposé à Mme B... au motif que les modalités d'accueil de l'intéressée seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement de M. B..., contraires à son intérêt. Toutefois, un tel motif n'est pas au nombre de ceux tirés de l'atteinte à l'ordre public qui peuvent, seuls, justifier légalement les décisions de refus de visa lorsque, comme en l'espèce, le regroupement familial a été autorisé antérieurement par le préfet. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait pas légalement se fonder sur le seul motif tiré de l'intérêt supérieur de l'enfant pour refuser de délivrer à Mme B... le visa sollicité.
3. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Eu égard à ses motifs, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance du visa sollicité à Mme A... B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépenses.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2021 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... B... le visa d'entrée et de long séjour en France sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 1 200 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Le Brun, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2022.
Le rapporteur,
Y. D...
Le président,
A. PEREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00936