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20/09/2022 | FRANCE | N°21NT01917

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 20 septembre 2022, 21NT01917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé contre la décision du 18 juin 2020 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à M. C... B... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2011484 du 31 mai 2021, le tribunal administrati

f de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé contre la décision du 18 juin 2020 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à M. C... B... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2011484 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, M. C... B... et Mme D... E... épouse B..., représentés par Me Lepeuc, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 14 octobre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une irrégularité en ce que le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été respectés ;

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise en violation des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation du risque de trouble à l'ordre public opposé à la demande de visa ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Philippon, substituant Me Lepeuc pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 14 octobre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé contre la décision du 18 juin 2020 de l'autorité consulaire française à Tunis (Tunisie) refusant de délivrer à M. C... B... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 14 octobre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an. / (...) / Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 3 janvier 2019, le préfet du Val-de-Marne a prononcé à l'encontre de M. B... une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois. Il est toutefois constant que cet arrêté a été annulé par un jugement du 1er février 2019 du tribunal administratif de Rouen. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet, par un arrêté du 10 février 2020 du préfet de la Seine-Maritime, d'un refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. En exécution de cet arrêté, M. B... est retourné en Tunisie en mars 2020. Il suit de là qu'à la date de la décision attaquée, la circonstance que M. B... n'avait pas respecté la législation sur le droit au séjour des étrangers n'était pas, à elle seule, de nature à le faire regarder comme faisant peser une menace à l'ordre public sur le territoire français. En se fondant sur un tel motif pour lui refuser la délivrance du visa de long séjour demandé, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. L'administration peut, toutefois, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Pour établir que la décision contestée était légale, le ministre de l'intérieur a fait valoir, dans son mémoire en défense de première instance communiqué à M. et Mme B..., ainsi que devant la cour que, compte tenu de la situation irrégulière de M. B... sur le territoire, de ses fausses déclarations quant au début de la vie commune et de l'absence d'éléments montrant la réalité de l'intention matrimoniale des intéressés, le mariage avait été conclu à des fins autres que l'union matrimoniale.

6. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, de l'établir, la seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée n'y faisant pas obstacle.

7. Il ressort des pièces du dossier produites tant en première instance qu'en appel que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français en 2011 et s'y est maintenu jusqu'en mars 2020, lorsqu'il est retourné en Tunisie en exécution de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé son admission au séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Il est constant que M. et Mme B... se sont mariés le 5 août 2017, date à laquelle les époux vivaient ensemble depuis plus d'une année, ainsi que cela ressort de plusieurs attestations circonstanciées. Il ressort également des pièces du dossier que les requérants échangent de nombreux messages personnels par voie électronique depuis le retour de M. B... en Tunisie, et que Mme B... s'y est rendue à deux reprises pour rendre visite à son époux, du 21 septembre au 3 octobre 2020 et du 29 janvier au 15 février 2021, ce que confirment également des photographies. Aucun élément produit par le ministre ne permet d'écarter ces pièces et de remettre en cause la sincérité de l'intention matrimoniale des deux époux. Dans ces conditions, et alors même M. B... a déclaré à son employeur en avril 2016 une adresse différente de celle de sa future épouse, la commission de recours a entaché sa décision d'illégalité en retenant le caractère complaisant du mariage, contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de M. B....

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer un tel visa à l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B... de la somme globale de 1 200 euros qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 31 mai 2021 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 14 octobre 2020 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. C... B... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme globale de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... E... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01917
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : LEPEUC MARIE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-20;21nt01917 ?
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