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16/09/2022 | FRANCE | N°21NT02937

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 septembre 2022, 21NT02937


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 2103556 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregist

rés les 20 octobre 2021, 30 novembre 2021 et 28 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Le Cr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 juin 2021 par lequel le préfet du Finistère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit.

Par un jugement n° 2103556 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 octobre 2021, 30 novembre 2021 et 28 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Le Crane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère en date du 7 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou portant la mention " vie privée et familiale ", ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) subsidiairement, d'ordonner avant dire droit à la préfecture du Finistère de procéder, auprès des autorités maliennes et le cas échéant des services français de fraude documentaire, à la vérification de l'authenticité de l'acte de naissance et du jugement supplétif du 18 avril 2017 ainsi que du passeport valable du 15 juin 2021 au 14 juin 2026.

Il soutient que :

- le juge de première instance a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la circulaire du 5 janvier 2022, opposable en vertu de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté préfectoral du 7 juin 2021 portant refus de titre de séjour méconnaît les articles R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 5 janvier 2012, en ce qu'il a ajouté une condition tenant à la production d'un passeport non prévue par la règlementation ;

- il méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est entaché d'une inexacte application de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qu'elle assortit.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa

proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 23 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2021 du préfet du Finistère portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement en cas d'exécution d'office.

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable.".

3. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le préfet du Finistère s'est essentiellement fondé sur le caractère non authentique des documents d'état civil produits à l'appui de sa demande et sur ce qu'il ne justifie pas, en conséquence, avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et de dix-huit ans.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

5. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. Au cas d'espèce, pour justifier de son âge et de son identité, M. B... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu le 18 avril 2017 par le tribunal de grande instance de la commune IV du district de Bamako, une copie de l'acte de naissance dressé le même jour en transcription de ce jugement, une carte consulaire ainsi qu'un passeport. Si l'analyse en fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières zone ouest a conclu au caractère contrefait du passeport initialement produit, M. B... explique que ce passeport obtenu par l'intermédiaire de son frère au Mali a été produit de bonne foi et verse aux débats un nouveau passeport biométrique qu'il a cette fois-ci obtenu auprès du consulat du Mali en France grâce au numéro d'identification qui lui a été délivré, dont les mentions concordent en tous points avec celles portées sur l'ensemble des autres documents d'état civil. Il justifie en outre des originaux d'un nouveau jugement supplétif d'acte de naissance, dont le caractère frauduleux ne ressort pas des pièces du dossier ni même n'est allégué par l'administration, et d'un acte de naissance dressé en transcription de ce jugement. Dans ces conditions, et au vu de l'ensemble des éléments produits, la seule circonstance que le premier passeport produit était apocryphe ne permettait pas au préfet de remettre en cause l'authenticité de l'ensemble des documents d'état civil et d'identité produits par le requérant. Le requérant doit être regardé comme justifiant de son état civil et de son identité. Par suite, en estimant que M. B... ne justifiait pas avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance entre seize et dix-huit ans, le préfet du Finistère a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

7. Si le préfet du Finistère a également fondé son refus de délivrer à M. B... un titre de séjour salarié sur les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il n'était pas dénué d'attaches familiales au Mali, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision, après avoir porté une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif, présenté comme étant surabondant.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 7 juin 2021 ainsi que, par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.

9. Le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet du Finistère réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de munir l'intéressé dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2103556 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 7 juin 2021 pris à l'encontre de M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requêté est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Lellouch, première conseillère,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 16 septembre 2022.

La rapporteure,

J. C...Le président,

D. Salvi

Le greffier,

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT02937002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02937
Date de la décision : 16/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Judith LELLOUCH
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : LE CRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-09-16;21nt02937 ?
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