Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... E... et Mme H... G... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 2 mars 2020 par laquelle les autorités consulaires françaises en poste à Bamako ont rejeté la demande de visa de long séjour présentée, au titre du regroupement familial, par Mme G... ainsi que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France confirmant implicitement ce refus.
Par un jugement n° 2007944 du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2021, M. E... et Mme G..., représentés par Me Guerreau, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 mars 2021 ;
2°) d'annuler la décision des autorités consulaires du 2 mars 2020 ainsi que la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable formé contre cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer le visa sollicité, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de statuer sur leurs conclusions tendant à ce que le mémoire en défense produit après la clôture de l'instruction soit écarté comme irrecevable ;
- le tribunal s'est irrégulièrement fondé sur les éléments contenus dans ce mémoire en défense ;
- la décision des autorités consulaires souffre d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement intervenir sans que cette commission se soit effectivement réunie ;
- ils justifient, par les documents qu'ils produisent, de leur lien matrimonial et de l'identité de Mme G... ;
- contrairement à ce qu'affirme le ministre, Mme G... n'a pas présenté de demandes de court séjour sous une autre identité.
Par un mémoire en défense, enregistrés le 15 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens dirigés contre la décision consulaire sont inopérants ;
- le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est, s'agissant d'une décision implicite, inopérant ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant malien résidant régulièrement en France, a obtenu, par une décision du préfet de la Seine-Maritime du 22 février 2019, une autorisation de regroupement familial au profit de Mme H... G..., ressortissante malienne née le 16 janvier 1998, qui se présente comme son épouse. La demande de visa de long séjour présentée le 9 avril 2019 par cette dernière a, le 2 mars 2020, été rejetée par les autorités consulaires françaises en poste à Bamako. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours préalable formé le 13 mars 2020 contre ce refus de visa. M. E... et Mme G... relèvent appel du jugement du 8 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision consulaire du 2 mars 2020 et de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu et d'une part, dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser.
3. D'autre part, lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le juge doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative, il appartient au président de la formation de jugement, qui, par ailleurs, peut toujours, s'il l'estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi rouverte.
4. Il ressort du dossier de procédure que, par une ordonnance du 6 novembre 2020, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Nantes a fixé la clôture de l'instruction au 31 décembre 2020. Le ministre de l'intérieur a produit un mémoire en défense qui a été enregistré le 20 janvier 2021 et communiqué le même jour à la partie adverse. Cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction et de soumettre le mémoire du ministre au débat contradictoire. L'instruction a ensuite été close, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois jours francs avant la date de l'audience, soit le 4 février 2021 à minuit. Il s'ensuit qu'en se fondant sur les éléments contenus dans le mémoire en défense produit par le ministre de l'intérieur, le tribunal administratif de Nantes n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
5. En second lieu, si M. E... et Mme G..., dans leur mémoire en réplique enregistré le 5 février 2021, ont demandé au tribunal de " déclarer " le mémoire du ministre de l'intérieur " irrecevable " et d'écarter les pièces jointes à ce mémoire, ces conclusions ont été présentées postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue, ainsi qu'il vient d'être dit, le 4 février 2021 à minuit. Par suite, le tribunal, lequel a visé dans son jugement le mémoire du 5 février 2021, n'a pas, en s'abstenant de répondre à ces conclusions, commis d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision consulaire du 3 mars 2020 :
6. Les requérants ne contestent pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Nantes aux conclusions dirigées contre la décision des autorités consulaires françaises en poste à Bamako du 2 mars 2020. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :
7. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article D. 211-5, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, transféré à l'article D. 312-3 : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. " Aux termes de l'article D. 211-9, alors en vigueur, du même code, transféré à l'article D. 312-7 : " La commission peut soit rejeter le recours, soit recommander au ministre des affaires étrangères et au ministre chargé de l'immigration d'accorder le visa demandé. / Le président de la commission peut rejeter, sans réunir la commission, les recours manifestement irrecevables ou mal fondés. ".
8. Il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou d'un autre texte, que, sauf dans le cas prévu par les dispositions précitées du second alinéa de l'article D. 211-9, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est tenue de se réunir pour statuer par décision expresse sur un recours formé devant elle.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. " Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) 2° Lorsque la demande (...) présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ".
10. En vertu de ces dispositions, le silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pendant deux mois vaut décision de rejet du recours dont elle est saisie.
11. Enfin, aux termes de l'article D. 211-7, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, recodifié à l'article D. 312-5 de ce code : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ;/ 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléants sont nommés dans les mêmes conditions. " Aux termes du second alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France : " Elle délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis. "
12. Si les requérants soutiennent qu'aucun élément ne permet de démontrer que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est effectivement réunie pour examiner le recours préalable formé contre le refus de visa opposé à Mme G..., un tel moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision implicite.
13. En deuxième lieu, dans le cas où la venue d'une personne en France a été autorisée au titre du regroupement familial, l'autorité diplomatique ou consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour des motifs d'ordre public. Figurent au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir l'identité du demandeur de visa ou encore l'absence de lien familial entre celui-ci et le membre de famille que celui-ci entend rejoindre.
14. Aux termes de l'article L. 111-6, recodifié à l'article L. 811-2, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. / (...) ". L'article 47 du code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
15. A l'appui de la demande de visa, a été produit le volet n° 3 de l'extrait d'acte de naissance n° 03, enregistrant la déclaration de naissance faite le 24 janvier 1998 et concernant l'enfant Fatoumata G... née le 16 janvier 1998 de M. A... G... et de Mme C... B.... Le ministre de l'intérieur ne saurait utilement se prévaloir de l'article 126 de la loi malienne du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille pour démontrer l'irrégularité de cet acte établi antérieurement. Par ailleurs, si le ministre soutient " qu'il n'y a pas pu avoir seulement trois naissances au 24 janvier 2020 dans un centre d'état civil de Bamako, capitale du Mali ", ils n'apportent aucune précision de nature à éclairer la cour sur l'organisation et le fonctionnement des services d'état civil au Mali et, en particulier, à Bamako. Dans ces conditions, la circonstance que l'extrait d'acte de naissance porte le numéro 3 ne permet pas de regarder ce document comme frauduleux ni même irrégulier.
16. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que deux demandes de visa de court séjour ont été déposées en 2016 par une personne se présentant comme Mme D... B... née le 16 janvier 2001 et désignant M. E... comme répondant. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la comparaison des photographies jointes à l'appui de ces demandes de visa et celle produite au soutien de la demande de visa de long séjour présentée en 2019 par Mme G... ne permet pas d'exclure que ces demandes, présentées sous deux identités différentes, n'auraient pas été introduites par la même personne. Dans ces conditions, compte-tenu de l'incertitude quant à l'identité véritable de la personne ayant introduit la demande de visa à laquelle a été opposé le refus en litige, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas, en confirmant le refus de visa, entaché sa décision d'illégalité.
17. Au surplus, si, pour démontrer leur lien matrimonial, les requérants versent au débat plusieurs documents d'état civil relatifs à un mariage célébré le 9 novembre 2017 et enregistré dans les registres de l'année 2017 sous le numéro 89/R.II, ils n'apportent aucune explication de nature à justifier l'existence de l'acte de mariage n° 137/RG 09, produit par le ministre de l'intérieur, faisant état d'un mariage célébré le 9 juin 2015. Ils ont, de surcroît, dans leurs écritures de première instance, invoqué, de manière contradictoire, ces deux dates. Dans ces conditions, le lien matrimonial revendiqué ne peut être tenu pour établi.
18. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
19. Il résulte de ce qui précède que la nature du lien unissant M. E... et la personne ayant déposé la demande de visa de long séjour n'est pas établie. A cet égard, les attestations de tiers et les photographies produites par les requérants ne suffisent pas, en l'espèce et du fait de l'absence de tout commencement d'explication notamment quant à la discordance de date, à démontrer la réalité du lien matrimonial revendiqué. En outre, compte tenu de l'incertitude qui demeure sur l'identité véritable de la requérante, la présence de cette dernière en France est susceptible de constituer une atteinte à l'ordre public. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur le surplus des conclusions :
21. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... et Mme G... est rejetée.
Article : Le présent arrêt sera notifié à M. I... E... et Mme H... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, présidente-assesseure,
Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2022.
La rapporteure,
K. F...
Le président,
A. PEREZ
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01268