Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Mardiéval a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le préfet du Loiret a, notamment, déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet de déviation, entre Jargeau et Saint-Denis-de-l'Hôtel, de la route départementale 921 et approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Darvoy, Sandillon, Marcilly-en-Villette, Mardié, Jargeau et Saint-Denis-de-l'Hôtel.
Par un jugement n° 1603796 du 30 juillet 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 septembre 2018 et le 21 mars 2019, l'association Mardiéval, représentée par Me Bain-Thouvere puis par Me Delalande et, enfin, par Me Maginot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'enquête publique est entachée d'irrégularité au regard de l'article R. 123-9 du code de l'environnement ;
- l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne l'état initial du milieu naturel, les prévisions des déplacements alternés " domicile-travail ", l'analyse des risques d'inondation et d'instabilité des sols, la présentation de solutions de substitution et des mesures compensatoires et, enfin, les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération, le schéma régional de cohérence écologique et le plan de gestion des risques d'inondation ;
- l'appréciation sommaire des dépenses est erronée et peu sincère ;
- la délibération de projet du 22 juillet 2016 par laquelle le département du Loiret a déclaré d'intérêt général le projet de déviation est illégale ;
- la concertation s'est déroulée dans des conditions irrégulières au regard des articles L. 103-4 et L. 103-2 du code de l'urbanisme ;
- les réserves émises par la commission d'enquête n'ont pas été levées de sorte que l'avis de cette dernière doit être regardé comme défavorable ;
- les mesures compensatoires prévues par le département sont insuffisantes de sorte que l'article L. 163-1 du code de l'environnement est méconnu ;
- le projet est dépourvu d'utilité publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de l'insuffisance des modalités de concertation est inopérant ;
- le moyen tiré du défaut d'éléments permettant d'apprécier l'articulation du projet avec différents plans et schémas est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés ;
- il s'en remet, pour le surplus, aux écritures du préfet du Loiret de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2019, le département du Loiret, représenté par Me Fontaine, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'association Mardiéval d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- les observations de Me Fontaine, représentant le département du Loiret et les observations de M. Soler, président de l'association Mardiéval.
Une note en délibéré présentée par le département du Loiret a été enregistrée le 12 juillet 2022.
Une note en délibéré présentée par l'association Mardiéval a été enregistrée le 19 juillet 2022.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Mardiéval relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 juillet 2018 rejetant sa demande à fin d'annulation de l'arrêté du 16 septembre 2016 par lequel le préfet du Loiret a déclaré d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet de déviation, entre Jargeau et Saint-Denis-de-l'Hôtel, de la route départementale (RD) 921 et approuvé la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes de Darvoy, Sandillon, Marcilly-en-Villette, Mardié, Jargeau et Saint-Denis-de-l'Hôtel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la concertation :
2. Il résulte de dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, recodifiées à l'article L. 103-2 du même code, que font l'objet d'une concertation les projets et opérations d'aménagement ou de construction ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie, notamment ceux susceptibles d'affecter l'environnement au sens de l'article L. 122-1 du code de l'environnement. Il résulte des dispositions de l'article R. 300-1 de ce code, reprises à l'article R. 103-1, que figure parmi ces opérations soumises à concertation la réalisation d'un investissement routier dans une partie urbanisée d'une commune d'un montant supérieur à 1 900 000 euros, et conduisant à la création de nouveaux ouvrages ou à la modification d'assiette d'ouvrages existants. Le seuil de 1 900 000 euros s'apprécie sur la seule partie de l'investissement comprise en zone urbanisée.
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération litigieuse impliquerait des travaux situés dans la partie urbanisée d'une des communes concernées et dont le coût excéderait 1 900 000 euros. Une concertation a néanmoins été menée. Outre, d'une part, la mise en place en 2003 d'un groupe d'évaluation environnementale comprenant notamment le maître d'ouvrage, le maître d'œuvre, des représentants des services de l'Etat, des élus locaux et les représentants de sept associations locales et, d'autre part, les réunions organisées entre 2004 et 2009 avec les municipalités concernées et les propriétaires fonciers intéressés, une concertation a été organisée par une délibération de la commission permanente du conseil général du Loiret du 8 juillet 2011. En application de cette délibération, deux réunions publiques se sont tenues les 6 et 7 septembre 2011 à Jargeau et à Sandillon. Un registre a également été mis à la disposition du public et des observations pouvaient être adressées par voie électronique. Ces mesures ont été mises en œuvre en septembre 2011, à un stade utile où il était encore possible d'apporter des modifications au projet soumis à l'enquête publique qui s'est tenue en 2016. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, la concertation suivie a revêtu un caractère suffisant tant dans sa durée que dans ses modalités.
En ce qui concerne la communication du dossier mis à l'enquête publique :
4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " (...) lorsque la déclaration d'utilité publique porte sur une opération susceptible d'affecter l'environnement relevant de l'article L. 123-2 du code de l'environnement, l'enquête qui lui est préalable est régie par les dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier de ce code. ". Aux termes de l'article L. 123-11 du même code, dans sa version applicable au litige : " Nonobstant les dispositions du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, le dossier d'enquête publique est communicable à toute personne sur sa demande et à ses frais, avant l'ouverture de l'enquête publique ou pendant celle-ci. ". Le dernier alinéa de l'article R. 123-9 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, précise : " Toute personne peut, sur sa demande et à ses frais, obtenir communication du dossier d'enquête publique auprès de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête dès la publication de l'arrêté d'ouverture de l'enquête. "
5. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 23 décembre 2015, le préfet du Loiret a prescrit l'ouverture d'une enquête publique, laquelle s'est tenue du 8 février 2016 au 17 mars 2016 inclus. Il est constant que l'association Mardiéval a obtenu, en réponse à sa demande du 31 décembre 2015 et après acquittement des frais de reprographie, la communication du dossier d'enquête publique le 20 janvier 2016 soit 18 jours avant l'ouverture de l'enquête et 57 jours avant sa clôture. L'association requérante, qui, au demeurant, avait, dès le 23 décembre 2015, été destinataire, par voie électronique, de l'étude d'impact, de son résumé non technique et de quelques annexes, ne saurait utilement se prévaloir de l'avis du 8 juillet 2010 par lequel la commission d'accès aux documents administratifs, saisie d'un litige étranger, a estimé que les informations relatives à l'environnement contenues dans un dossier de demande d'autorisation au titre de la législation des installations classées étaient communicables sans qu'il y ait lieu d'attendre l'édiction de l'arrêté d'ouverture de l'enquête publique. Le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 110-1 et L. 123-11 du code de l'environnement doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne l'étude d'impact :
6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I.-Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.-L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / (...) / 5° Une esquisse des principales solutions de substitution examinées par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage et les raisons pour lesquelles, eu égard aux effets sur l'environnement ou la santé humaine, le projet présenté a été retenu ; / 6° Les éléments permettant d'apprécier la compatibilité du projet avec l'affectation des sols définie par le document d'urbanisme opposable, ainsi que, si nécessaire, son articulation avec les plans, schémas et programmes mentionnés à l'article R. 122-17, et la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique dans les cas mentionnés à l'article L. 371-3 ; / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments visés au 3° ainsi que d'une présentation des principales modalités de suivi de ces mesures et du suivi de leurs effets sur les éléments visés au 3° ; / (...) ".
7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'analyse de l'état initial de la faune et de la flore :
8. De première part, il ressort des pièces du dossier que, outre la recherche de nids effectuée en janvier 2007, des prospections de terrain ont été réalisées en fonction du cycle biologique des différents groupes étudiés, en particulier, s'agissant de l'avifaune, au cours des mois de mai, juin, octobre et janvier. Si l'association requérante soutient que les inventaires, accomplis entre 2008 et 2010, sont trop anciens, une actualisation a été effectuée en 2013 sur la base des données de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement et de ressources bibliographiques.
9. De seconde part, au soutien de son moyen tiré de ce que l'état initial du milieu naturel n'est pas présenté de manière exhaustive, l'association requérante verse aux débats de nombreux contre-inventaires, dressés entre 2006 et 2017, pour partie par ses soins, ainsi qu'une " synthèse globale ". Toutefois, l'exigence d'une telle exhaustivité au stade de l'enquête publique ne résulte d'aucun texte légal ou réglementaire. En outre, l'autorité environnementale a souligné la qualité de l'analyse de l'état initial, " proportionnée à la sensibilité du territoire et à l'importance du projet " et précisé, à propos du volet biodiversité de cette analyse, qu'il présentait " un niveau de détail adapté " et était " bien illustré ". Ensuite, s'il existe, s'agissant de l'avifaune, un écart significatif entre la liste des espèces répertoriées par l'association et celle figurant dans l'étude d'impact, certaines des espèces recensées par l'association sont invasives ou présentes de manière accidentelle. En première instance, le préfet du Loiret faisait valoir, sans être sérieusement contredit, que la prise en compte des espèces que l'association estime avoir été négligées à tort n'aurait pas conduit à des conclusions différentes. Dans ces conditions, et alors que le bureau d'études ayant produit l'analyse de l'état initial du milieu naturel est celui ayant rédigé le document d'objectifs (DOCOB) de la zone de protection spéciale et de la zone spéciale de conservation, sites Natura 2000, concernées par le projet, les éléments apportés par l'association requérante ne suffisent pas à établir que l'analyse de l'état initial du milieu naturel aurait été entachée d'une insuffisance ayant pour effet de nuire à l'information complète de la population ou ayant été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de l'analyse des risques naturels et des incidences du projet sur la sécurité :
10. D'une part, le dossier soumis à enquête publique contenait, outre l'étude d'impact, un sous-dossier VI produit au soutien de la demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau et composé d'un dossier de demande et d'une étude de dangers. Si le tableau des " hauteurs maximales de la Loire aux siècles passés ", figurant à la page 44 de l'étude d'impact, renseigne sur les débits et les hauteurs constatés au cours de crues passées, il ressort, en particulier, du sous-dossier VI que pour appréhender le risque d'inondation, la pétitionnaire a tenu compte non seulement du débit et du niveau de la Loire mais également de sa morphologie, de sa bathymétrie, de la profondeur et la largeur de son lit ainsi que des propriétés de la surface de ce lit. Le phénomène d'embâcle a été analysé. Ainsi, contrairement aux allégations de la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'étude du site et des incidences du projet au regard des risques naturels d'inondation serait viciée faute de reposer sur l'ensemble des paramètres pertinents.
11. D'autre part, l'étude d'impact fait état de l'existence dans le périmètre du projet de zones de dépression karstique en soulignant que ces anomalies géologiques " constitue[nt] une contrainte forte pour le projet ". Elle comporte une carte illustrant ce phénomène et précise que les données sur lesquelles elle s'appuie ne sont pas exhaustives. Dans sa partie relative aux impacts permanents du projet, elle qualifie l'aléa karstique de fort. Le document intitulé " remarques techniques sur le projet de franchissement de la Loire ", rédigé par un ingénieur à l'attention des membres de la commission d'enquête et concluant à l'existence de risques " très importants " en termes d'effondrement et de pollution des nappes phréatiques ne démontre pas, par lui-même, l'inexactitude ou l'insuffisance de l'analyse contenue dans l'étude d'impact. Par ailleurs, l'étude réalisée en 2017 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) à la demande du département du Loiret et ayant pour objet de synthétiser les données de reconnaissance recueillies lors des études géologiques, géotechniques, géophysiques et hydrogéologiques préliminaires, relève, il est vrai, que les investigations réalisées en 2004, 2006 et 2014 n'ont pas complètement étudié la " véritable zone d'influence " et se sont concentrées sur l'aléa lié aux mouvements de terrains, au détriment de l'aléa hydrogéologique et des interactions bilatérales pouvant avoir lieu entre les circulations d'eau et les mouvements de terrain. Toutefois, si cette étude met en exergue la nécessité de préciser la définition et la localisation de l'aléa, préalablement aux phases de conception et de réalisation de l'infrastructure, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que, en l'espèce, le public n'aurait pas disposé d'un niveau d'information suffisant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les insuffisances des études préliminaires sur le fondement desquelles l'étude d'impact a été élaborée auraient été de nature à exercer une influence sur l'appréciation portée par le préfet du Loiret quant à l'utilité publique du projet et la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme des communes concernées.
S'agissant de la présentation des principales solutions de substitution examinées :
12. L'étude d'impact consacre une trentaine de pages à " l'esquisse des principales solutions de substitution et [aux] raisons du choix de la solution retenue ". Elle fait état notamment de la réalisation d'une étude, en 2005, portant sur la création d'une passerelle cycliste-piétons ainsi que d'une étude, en 2009, des possibilités d'amélioration des aménagements existants. Les différents fuseaux et les variantes de tracés ont été comparés au prisme, notamment, de critères environnementaux mais aussi techniques et financiers ou fonctionnels. Dans le cadre de cette analyse, la sensibilité du milieu au niveau de la Loire, le site Natura 2000 ainsi que les espèces et habitats protégés au niveau européen ont guidé les arbitrages ainsi que cela ressort, par exemple, de la page 289 de l'étude d'impact. L'association requérante n'apporte aucun élément sérieux au soutien de son allégation selon laquelle le tracé aurait été arrêté dès 1996 et que la présentation de solutions de substitution ne viserait qu'à justifier a posteriori ce choix sans réelle " mise en concurrence avec d'autres solutions ". La circonstance que des parlementaires européens auraient jugé le projet " superflu " en 2007 ne démontre pas, par elle-même, une insuffisance de l'étude. Enfin, aucun texte ni principe n'exige la soumission à l'enquête publique de l'ensemble des études préliminaires.
S'agissant de la présentation de l'articulation du projet avec les documents de planification ou de gestion :
13. En premier lieu, en se bornant à arguer que le projet est situé sur une coupure verte définie par le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans-Val de Loire, l'association requérante, qui ne soutient pas que la présentation dans l'étude d'impact des éléments permettant d'apprécier l'articulation du projet avec ce document seraient insuffisants ou erronés, ne critiquent pas utilement la complétude de l'étude au regard des exigences qui découlent de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.
14. En deuxième lieu, si l'étude d'impact indique à tort que le schéma régional de cohérence écologique est en cours d'élaboration alors que ce schéma a été approuvé par un arrêté du 16 janvier 2015, soit antérieurement à l'enquête publique qui s'est déroulée du 8 février au 17 mars 2016, le tableau figurant à la page 371 de l'étude indique les deux continuités écologiques identifiées par le schéma régional de cohérence écologique, la Vallée de la Loire et le corridor écologique entre le massif d'Orléans et la Sologne, pour lesquelles il existe un enjeu fort de préservation et un risque de rupture du fait du projet. Les mesures d'évitement et de réduction y afférentes sont également précisées. L'association requérante se borne à contester la qualification des impacts résiduels du projet sur ces continuités écologiques. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude au regard des dispositions précitées du 6° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement doit être écarté.
15. En troisième lieu, l'étude d'impact ne traite pas de la prise en compte par le projet du plan de gestion des risques d'inondation. Toutefois, alors que cette étude se réfère au plan de prévention des risques d'inondation Val d'Orléans-Val d'amont ainsi qu'au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne et restitue les résultats de l'étude de danger, réalisée pour appuyer la demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission aurait pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
S'agissant de la présentation des mesures compensatoires :
16. L'association Mardiéval conteste sur le fond le caractère suffisant des mesures compensatoires qu'elle estime " symboliques " et insusceptibles d'atteindre l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité en méconnaissance de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Ce faisant, elle ne critique pas utilement la complétude de l'étude d'impact.
En ce qui concerne l'appréciation sommaire des dépenses :
17. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses. ".
18. L'obligation faite à l'expropriant d'indiquer au dossier soumis à enquête l'appréciation sommaire des dépenses a pour objet de permettre à tous les intéressés d'évaluer les charges pouvant en résulter pour la collectivité ou les usagers et de s'assurer que les travaux ou ouvrages envisagés ont, compte tenu de leur coût total réel, tel qu'il peut être raisonnablement apprécié à la date de l'enquête, un caractère d'utilité publique.
19. Il ressort des pièces du dossier que le sous-dossier II figurant dans le dossier d'enquête publique comporte une appréciation sommaire des dépenses présentant, sous la forme d'un tableau, les principaux postes de dépenses en distinguant ceux relatifs à l'aménagement foncier, aux acquisitions foncières, au franchissement de la Loire et aux sections nouvelles de la route. Elle fait apparaître un coût global estimé en 2013 à 79,3 millions d'euros. Pour critiquer la sincérité de cette évaluation, l'association requérante fait valoir que les estimations antérieures ont toutes été revues à la hausse. Toutefois, cette circonstance ne démontre pas, par elle-même, que les dépenses présentées dans le dossier soumis à enquête auraient été minorées mais témoigne, au contraire, d'une actualisation des coûts et d'une précision du chiffrage. Si l'association souligne que le montant correspondant à l'estimation arrêtée en 2013 est le même que celui qui était annoncé deux ans auparavant, elle n'apporte pas d'éléments de nature à démontrer un renchérissement substantiel du coût du projet au cours de ces deux années ni, par suite, une sous-évaluation manifeste des dépenses. Elle affirme également qu'une estimation réalisée par un ingénieur en bâtiment et travaux publics fait apparaître que le coût du projet s'élèverait en réalité à plus de 100 millions d'euros, compte-tenu notamment du coût de l'ouvrage prévu pour franchir la Loire, au sein d'un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Ce document, qu'elle ne soumet pas, au demeurant, au débat contradictoire, ne saurait, toutefois, mettre en cause l'appréciation réalisée par le maître d'ouvrage. Enfin, alors que l'appréciation sommaire des dépenses tient compte des provisions à constituer " pour aléas sur quantités et risques construction " ainsi que du coût des études et de la maîtrise d'œuvre, aucun élément sérieux ne vient étayer les allégations de l'association requérante selon lesquelles les provisions pour aléas seraient manifestement sous-évaluées et que certaines dépenses, qu'elle qualifie d'" accessoires " auraient été omises. Le moyen tiré de l'insuffisance et de l'inexactitude de l'appréciation sommaire des dépenses doit être écarté.
En ce qui concerne l'analyse des déplacements pendulaires :
20. Figure au dossier une étude de trafic réalisée en 2010 et complétée en 2014 dont les principaux enseignements sont repris dans l'étude d'impact. Ce document comporte des éléments prospectifs tenant compte de la dynamique démographique et des projets structurants sur le territoire comme, par exemple, l'agrandissement du centre hospitalier régional d'Orléans, la création d'un pôle santé à Sarran, l'ouverture d'un grand magasin, l'extension de la zone d'activités de la Saussaye. Ils reposent, en outre, sur une enquête de circulation, notamment par voie de questionnaires, destinée à identifier la demande en déplacement. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier et notamment pas de l'étude des déplacements élaborée par les soins de l'association requérante que les prévisions du département quant à la mobilité pendulaire seraient erronées, nonobstant la baisse de trafic constatée sur certains axes. Par ailleurs, l'association requérante ne saurait sérieusement soutenir que le département n'aurait pas intégré dans son analyse du trafic les effets pouvant être attendus d'aménagements autres, consistant en particulier en la modification des carrefours et des équipements routiers existants alors que, ainsi qu'il a été dit au point 12, une étude, réalisée en 2009, rend compte des possibilités et des limites, en termes d'amélioration, des aménagements existants et que l'étude d'impact expose les raisons ayant conduit le département à choisir, notamment pour des considérations liées à la capacité et la géométrie de la RD 921 au regard des besoins présents et futurs, l'option finalement retenue.
En ce qui concerne les réserves émises par la commission d'enquête :
21. Si l'association Mardiéval soutient que les dix réserves dont la commission d'enquête a assorti son avis favorable du 11 mai 2016 n'auraient pas toutes été levées par le département de sorte que cet avis devrait, en réalité, être regardé comme défavorable, une telle circonstance, à la supposer avérée, est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté déclarant l'utilité publique d'une opération.
En ce qui concerne l'illégalité de la déclaration de projet :
22. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " La déclaration d'utilité publique des opérations susceptibles d'affecter l'environnement relevant de l'article L. 123-2 du code de l'environnement est soumise à l'obligation d'effectuer la déclaration de projet prévue à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. / Si l'expropriation est poursuivie au profit d'une collectivité territoriale, d'un de ses établissements publics ou de tout autre établissement public, l'autorité compétente de l'Etat demande, au terme de l'enquête publique, à la collectivité ou à l'établissement intéressé de se prononcer, dans un délai qui ne peut excéder six mois, sur l'intérêt général du projet dans les conditions prévues à l'article L. 126-1 du code de l'environnement. Après transmission de la déclaration de projet ou à l'expiration du délai imparti à la collectivité ou à l'établissement intéressé pour se prononcer, l'autorité compétente de l'Etat décide de la déclaration d'utilité publique. / Lorsque l'opération est déclarée d'utilité publique, la légalité de la déclaration de projet ne peut être contestée que par voie d'exception à l'occasion d'un recours dirigé contre la déclaration d'utilité publique. Les vices qui affecteraient la légalité externe de cette déclaration sont sans incidence sur la légalité de la déclaration d'utilité publique. / (...) ".
23. Pour exciper de l'illégalité de la déclaration de projet prononcée par la délibération de la commission permanente du conseil départemental du Loiret du 22 juillet 2016, l'association requérante ne soulève que des moyens de procédure. Dans ces conditions, l'exception d'illégalité ne saurait prospérer.
En ce qui concerne la méconnaissance du principe de prévention et des dispositions relatives à la réduction, à l'évitement et à la compensation des effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine :
24. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) / 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable. Ce principe implique d'éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu'elle fournit ; à défaut, d'en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n'ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées ; / Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 163-1 du même code : " I. - Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures prévues au 2° du II de l'article L. 110-1 et rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire pour compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d'un projet de travaux ou d'ouvrage ou par la réalisation d'activités ou l'exécution d'un plan, d'un schéma, d'un programme ou d'un autre document de planification. / Les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité visent un objectif d'absence de perte nette, voire de gain de biodiversité. Elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes. Elles ne peuvent pas se substituer aux mesures d'évitement et de réduction. Si les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n'est pas autorisé en l'état. / (...) ".
25. Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans les cas où les atteintes à l'environnement ou au patrimoine culturel que risque de provoquer un projet de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements le justifient, la déclaration d'utilité publique comporte, le cas échéant, les mesures prévues au deuxième alinéa du IV de l'article L. 122-1 du code de l'environnement. ". Les mesures visées, désormais évoquées au I de l'article L. 122-1-1 du code de l'environnement, sont celles destinées à éviter ou réduire et, si possible, compenser les effets négatifs notables ainsi que les modalités du suivi des incidences du projet sur l'environnement ou la santé humaine. Aux termes de l'article R. 122-14 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - La décision d'autorisation, d'approbation ou d'exécution du projet mentionne : / 1° Les mesures à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage, destinées à éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine, réduire les effets n'ayant pu être évités et, lorsque cela est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits ; / 2° Les modalités du suivi des effets du projet sur l'environnement ou la santé humaine ; / 3° Les modalités du suivi de la réalisation des mesures prévues au 1° ainsi que du suivi de leurs effets sur l'environnement (...). / II. - Les mesures compensatoires ont pour objet d'apporter une contrepartie aux effets négatifs notables, directs ou indirects, du projet qui n'ont pu être évités ou suffisamment réduits. Elles sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité de celui-ci afin de garantir sa fonctionnalité de manière pérenne. Elles doivent permettre de conserver globalement et, si possible, d'améliorer la qualité environnementale des milieux. / III. - Le contenu du dispositif de suivi est proportionné à la nature et aux dimensions du projet, à l'importance de ses impacts prévus sur l'environnement ou la santé humaine ainsi qu'à la sensibilité des milieux concernés. ".
26. Les dispositions combinées des articles L. 122-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 122-1-1 et R. 122-14 du code de l'environnement précisent, s'agissant des actes portant déclaration d'utilité publique, la portée du principe dit " de prévention " défini au point 24. Il en résulte que, si les travaux, ouvrages ou aménagements que ces actes prévoient le justifient, ces derniers doivent, à peine d'illégalité, comporter, au moins dans leurs grandes lignes, compte tenu de l'état d'avancement des projets concernés, les mesures appropriées et suffisantes devant être mises à la charge du pétitionnaire ou du maître d'ouvrage destinées à éviter, réduire et, lorsque c'est possible, compenser les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine ainsi que les modalités de leur suivi. Ces mesures sont, si nécessaire, précisées ou complétées ultérieurement, notamment à l'occasion de la délivrance des autorisations requises au titre des polices d'environnement.
27. En premier lieu, contrairement à ce qu'affirme l'association requérante, le département du Loiret a étudié plusieurs autres partis d'aménagement et notamment la création d'une passerelle, longeant le pont de Jargeau, dédiée aux liaisons douces ou la modification des équipements routiers sur l'itinéraire existant. La construction du nouveau pont en franchissement de la Loire a également été envisagée sur la base de plusieurs fuseaux et, au sein de ces derniers, de différents tracés. L'option d'un franchissement souterrain a, de même, été examinée. L'association Mardiéval n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'expropriant n'aurait pas respecté la séquence " Eviter, Réduire, Compenser ".
28. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la construction du projet litigieux comme son exploitation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur les milieux naturels, la faune et la flore, lesquels sont particulièrement sensibles au sein de l'espace considéré. Toutefois, le tracé retenu et les mesures d'évitement et de réduction programmées permettent d'atténuer significativement ces inconvénients tandis que des mesures compensatoires des impacts résiduels significatifs ont été prévues. A cet égard, l'autorité environnementale a estimé que les " mesures présentées pour éviter ou, à défaut, réduire les incidences négatives potentielles ou avérées du projet sont nombreuses et le plus souvent tout à fait pertinentes. Elles témoignent d'une réflexion approfondie pour préserver l'environnement dans lequel s'inscrit le projet ". Sur les aspects plus précisément contestés, d'une part, le département du Loiret a prévu, afin de compenser la destruction d'espaces boisés classés situés dans le Bois de Latingy à Mardié, le reboisement d'une surface d'au moins 5,3 hectares également située à Mardié. Cette mesure sera accompagnée d'une " reconnexion du boisement ouest du Bois de Latingy issu de la rupture écologique due à la déviation " (mesure A03). Le département du Loiret s'est, en outre, engagé dans sa déclaration de projet du 22 juillet 2016, à créer un rideau de plantation près de la voie ferrée qui jouxte l'espace à boiser à titre de mesure compensatoire. Si l'association requérante fait valoir que cet espace est situé sur deux délaissés de voirie traversés par une voie ferrée et le projet de déviation et qu'il porte sur des baliveaux dont l'intérêt n'est pas comparable à celui des essences présentes dans les boisements que le département entend défricher, elle n'étaye cette assertion d'aucune précision ni d'aucune justification de nature à démontrer que les gains de biodiversité attendus de la mesure envisagée ne seraient pas, au regard de leur nature, de leur ampleur et de leur fonction écologique, au moins équivalents aux pertes de biodiversité consécutives au projet. S'agissant du défrichement prévu au sein du Bois des Comtesses, les écritures de l'association Mardiéval sont dépourvues des précisions permettant à la cour d'apprécier le bien-fondé du moyen. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'une plateforme de nidification de Balbuzard Pêcheur est implantée à proximité du projet. Afin de limiter, au cours de la phase chantier, les impacts du projet sur cette espèce protégée d'oiseau, il est prévu de démanteler, avant le début des travaux, ladite plateforme entre septembre et mars, soit au cours d'une période où elle est inoccupée. Cette mesure doit être complétée par la création dans le département du Loiret de deux plateformes de nidification pour le Balbuzard Pêcheur. Il est vrai qu'à la date de l'arrêté contesté, les lieux destinés à accueillir ces deux nouvelles plateformes n'étaient pas définis. Néanmoins, il ne ressort pas des pièces du dossier que, ainsi que l'affirme l'association requérante, aucun autre espace boisé du Loiret ne serait susceptible, au regard de sa taille et de sa proximité avec la Loire ou un autre cours d'eau, d'assurer le succès de la mesure envisagée. L'enlèvement du nid et la perturbation de l'espèce requièrent, par ailleurs, la délivrance d'une autorisation en application de l'article L. 411-2 du code de l'environnement.
29. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement doit être écarté.
En ce qui concerne l'utilité publique du projet :
30. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.
31. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
32. Le projet de déviation porté par le département du Loiret vise essentiellement à remédier aux difficultés, en termes de sécurité routière et de nuisances pour les riverains, générées par la saturation, durant les heures de pointe, du trafic sur la portion de la RD 921 située dans le secteur du pont de Jargeau ainsi que par la traversée de centres-villes par un trafic dense comprenant de nombreux poids lourds. A cet objectif premier, s'ajoutent un objectif, de long terme, de fluidification du trafic par l'adaptation de la capacité et de la géométrie de la RD 921 au trafic projeté et un objectif, de plus long terme, de sécurisation de l'itinéraire, d'aménagement apaisé des centres urbains et de satisfaction des besoins d'échanges interdépartementaux. L'opération litigieuse, dont il n'est pas allégué qu'elle aurait pu être réalisée dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, répond ainsi à plusieurs finalités d'intérêt général.
33. L'association Mardiéval soutient que les risques, résultant de l'aléa karstique, que présente le projet pour la sécurité des biens et des personnes lui retire toute utilité publique. Il ressort du rapport du BRGM remis en 2017 que le secteur du projet de franchissement de la Loire est exposé à un aléa fort de mouvement de terrain d'origine karstique résultant, entre autres, de la présence d'un réseau dense de cavités karstiques, parfois de grande taille et souvent vides ainsi que de fortes circulations d'eau. Les caractéristiques du site sont ainsi propices aux affaissements et effondrements, phénomènes également favorisés par le poids d'un ouvrage en remblai. Les risques résultant de cet aléa, susceptibles de se traduire par une atteinte à la sécurité des biens et des personnes, tant au cours de la phase chantier qu'en phase exploitation, sont également, selon le BRGM, forts " en l'état ". Par ailleurs, l'environnement karstique est également de nature à gêner l'écoulement naturel des eaux tandis que les mesures de confortement peuvent affecter la ressource en eau souterraine. Néanmoins, si le BRGM a émis de nombreuses recommandations afin, d'une part, de localiser et mieux identifier les principaux conduits karstiques et, d'autre part, de limiter l'impact du projet sur l'aquifère karstique et sur les mouvements de terrains, il ne ressort pas de son rapport de 2017, ni d'aucune autre pièce du dossier, notamment pas de celles produites par l'association requérante, que des études approfondies complémentaires, des dispositions constructives adaptées, une conception de l'ouvrage adéquate et une surveillance régulière ne permettraient pas de prévenir les risques, incontestables en l'état, que présente le projet litigieux pour la sécurité. La note d'information émise le 16 avril 2019 par le BRGM, relative au projet de franchissement contesté, énonce, d'ailleurs, que " des mesures constructives adaptées permettent de réduire fortement jusqu'à rendre acceptable le risque ". Dans ces conditions, les inconvénients du projet liés aux risques hydrogéologiques et géotechniques ne peuvent pas être regardés comme revêtant une importance telle qu'ils aient pour effet de retirer à l'opération son caractère d'utilité publique.
En ce qui concerne la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération d'Orléans - Val de Loire :
34. Aux termes de l'article L. 143-44 du code de l'urbanisme : " Une opération faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique (...) et qui n'est pas compatible avec les dispositions d'un schéma de cohérence territorial ne peut intervenir que si : / 1° L'enquête publique concernant cette opération a porté à la fois sur l'utilité publique ou l'intérêt général de l'opération et sur la mise en compatibilité du schéma qui en est la conséquence ; /2° Les dispositions proposées pour assurer la mise en compatibilité du schéma ont fait l'objet d'un examen conjoint de l'Etat, de l'établissement public prévu à l'article L. 143-16, et des personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-8. ".
35. Il ressort des pièces du dossier que le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans - Val de Loire a identifié des coupures vertes. En admettant même que l'emprise du projet empièterait, pour partie, sur une telle coupure, ce qui ne ressort pas des pièces du dossier, le projet contesté ne peut être regardé, de ce seul fait, comme compromettant une option fondamentale de ce document. En outre, ainsi que cela ressort de l'étude d'impact (p. 304), ce projet répond, par ailleurs, à l'action, explicitement prévue par ce schéma, relative à la création d'un " nouveau franchissement routier à l'est de l'agglomération " dans l'objectif de " créer les conditions favorables au rayonnement du territoire. ". Le moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'agglomération Orléans-Val de Loire doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la prise en compte du schéma régional de cohérence écologique :
36. Le schéma régional de cohérence écologique de la région Centre-Val de Loire a été adopté le 15 janvier 2015. La trame verte et bleue qu'il prévoit a pour objectifs de diminuer la fragmentation et la vulnérabilité des habitats naturels et des habitats d'espèces et de relier les espaces importants pour la préservation de la biodiversité par des corridors écologiques. Les circonstances, avancées par l'association Mardiéval, que l'emprise du projet de déviation en litige est, pour partie, située dans cette trame et que la Loire constitue un réservoir de biodiversité et un corridor écologique d'intérêt supra-régional, ne démontrent pas, par elles-mêmes, que le pétitionnaire n'aurait pas tenu compte du schéma dans la conception de son projet, lequel prévoit divers dispositifs de nature à assurer le maintien des continuités écologiques. En particulier, il est prévu d'aménager une estacade et d'implanter les culées du pont en retrait de manière à préserver les berges et à maintenir la continuité écologique que constitue la Loire.
37. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Mardiéval n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département du Loiret, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par l'association Mardiéval et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement au département du Loiret de la somme de 1 800 euros au titre des frais de même nature qu'il a supportés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Mardiéval est rejetée.
Article 2 : L'association Mardiéval versera au département du Loiret la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Mardiéval, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au département du Loiret, à la commune de Darvoy, à la commune de Sandillon, à la commune de Marcilly-en-Villette, à la commune de Mardié, à la commune de Jargeau et à la commune de Saint-Denis de l'Hôtel.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Douet, présidente de la formation de jugement,
M. Bréchot, premier conseiller,
Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juillet 2022.
La rapporteure,
K. A...
La présidente,
H. DOUET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03644