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21/07/2022 | FRANCE | N°21NT03223

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 21 juillet 2022, 21NT03223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires (CRM), à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin 2016 au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par une demande distincte, elle a contesté, selon la même

procédure, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision implicite de la ministre des armées se substituant, après recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours des militaires (CRM), à la décision du 28 juin 2016 la plaçant en congé de longue maladie pour la période du 10 juin 2016 au 9 décembre 2016 en tant qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par une demande distincte, elle a contesté, selon la même procédure, la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées se substituant à la décision du 2 décembre 2016 prolongeant son congé de longue maladie pour la période du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017 pour le même motif.

Par un jugement nos 1700999, 1702025 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses deux demandes.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 mars 2019 et 7 juillet 2020, Mme B... D..., représentée par la SELARL MDMH, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 22 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite mentionnée ci-dessus ainsi que la décision du 28 juillet 2017 de la ministre des armées ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la ministre des armées en s'estimant en situation de compétence liée vis à vis de l'avis du médecin inspecteur du service de santé des armées ;

- l'absence de faits de harcèlement moral ne saurait justifier l'absence d'imputabilité au service de sa pathologie ; la circonstance que son affection trouve en partie son origine dans le fonctionnement du service justifie son imputabilité au service ; les avis du médecin inspecteur du service de santé de l'armée de l'air des 17 juin 2016 et 23 novembre 2016 constituent des avis techniques qui ne sont pas établis après un examen médical ; les diverses pièces qu'elle produit attestent d'un management défaillant et de la dégradation de ses conditions de travail, quand bien même elle ne serait pas la seule concernée par cette situation ; sa maladie est survenue dans le temps et sur le lieu du service, de sorte qu'elle doit être présumée en lien avec le service ; la ministre n'apporte aucun élément de nature à établir que cette affection serait liée à un état antérieur qui serait à l'origine exclusive de sa pathologie ; à compter de son affectation à ..., elle a subi une véritable campagne de déstabilisation, de dénigrement et de discrimination à raison de son sexe et de sa vie privée ; ces agissements négatifs répétés de ses supérieurs hiérarchiques sont à l'origine de son placement en congé de longue maladie ; ainsi, la ministre des armées a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue maladie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés

Par un arrêt n° 19NT01175 du 23 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 janvier 2019 et a rejeté les demandes présentées par Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que ses conclusions d'appel.

Par une décision n°448135 du 10 novembre 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, a annulé l'article 2 de l'arrêt du 23 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- Mme D... n'était pas en situation de harcèlement moral au travail puisqu'il existe des circonstances extérieures au service expliquant sa pathologie dépressive ;

- l'administration ne s'est pas placée en situation de compétence liée en mentionnant l'avis technique de l'inspecteur du service de santé des armées.

Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2022, Mme B... D..., représentée par la SELARL MDMH, maintient ses conclusions présentées devant la cour.

Elle maintient l'intégralité des moyens soulevés en cause d'appel et soutient en outre que :

- il appartient à la cour d'apprécier le lien de l'affection au service qui, s'il doit être direct et certain, ne doit pas en revanche être nécessairement exclusif avec le service ;

- il appartient à l'administration de démontrer une origine extérieure au service ou l'existence d'un état antérieur justifiant l'absence d'un lien direct avec le service ;

- son affection ne trouve pas son origine dans des difficultés d'ordre personnel ;

- il existait bien un climat anormal de service de nature à la perturber et à générer l'affection ayant motivé l'ouverture de son droit à congé de longue durée pour maladie pour des faits de harcèlement moral, ce qui est confirmé par de nombreux témoignages ;

- le contexte général dans lequel elle exerçait ses fonctions, révélé par l'enquête de commandement de novembre 2015, a été générateur d'angoisse et de stress sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'une intention de nuire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ;

- le décret n° 2011-917 du 1er août 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir réussi le concours d'admission au sein de l'orchestre de l'armée de l'air en qualité de ..., Mme E... C..., épouse D..., sous-officier, était affectée depuis juillet 2009 dans une unité de musique des forces armées. Par une décision du 28 juin 2016, elle a été placée en congé de longue maladie pour la période allant du 10 juin au 9 décembre 2016. Elle a présenté un recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires (CRM) contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie. Mme D... a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet intervenue le 27 janvier 2016. Par une décision du 2 décembre 2016, son congé de longue maladie a été prolongé du 10 décembre 2016 au 9 juin 2017. L'intéressée a de nouveau présenté un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision en tant qu'elle ne reconnaissait pas l'imputabilité au service de sa maladie devant la CRM, qui a fait l'objet d'une décision implicite puis d'une décision explicite de rejet de la ministre des armées, le 28 juillet 2017. Par un jugement du 22 janvier 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes de Mme D... dirigées contre ces différentes décisions. Cette dernière a relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n°19NT01175 du 23 octobre 2020, la cour a annulé le jugement attaqué pour omission de répondre à un moyen (article 1er) et, après évocation, a rejeté la demande de première instance de Mme D... ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel (article 2). Par un arrêt du 10 novembre 2021, le Conseil d'État a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes, l'affaire qui porte désormais le n°21NT03223.

Sur la légalité des décisions contestées :

2. En premier lieu, la décision du 28 juillet 2017, qui s'est substituée à celle du 2 décembre 2016, vise les observations de la direction des ressources humaines de l'armée de l'air ainsi que celles de la direction centrale du service de santé des armées et l'avis de la CRM. Elle rappelle notamment les dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 1er mars 1976 relatif à la composition et au fonctionnement du comité supérieur médical, aux conditions d'attribution aux militaires de carrière des congés pour maladie de la position de non-activité et aux contrôles à assurer à l'occasion de ces congés aux termes desquelles : " Les congés mentionnés à l'article premier [congés de longue durée pour maladie] sont attribués: - après avis médical délivré par un médecin des armées (...). L'avis médical ci-dessus doit être, en ce qui concerne les congés de longue durée pour maladie et les congés de longue maladie, confirmé par l'inspecteur du service de santé compétent (...) ". Elle cite également l'article 3 de l'instruction n° 117/DEF/DCSSNAST/TEC/MDA du 14 janvier 2008 relative aux conditions médicales d'attribution des congés liés à l'état de santé des militaires, qui dispose que : " L'inspecteur du service de santé des armées (...) concerné doit émettre un avis technique sur la concordance entre 1'affection dont le militaire est porteur et le congé proposé. Il valide l'existence d'un lien potentiel entre l'affection nécessitant un congé de non-activité et l'exercice des fonctions (...) ". Elle indique que, selon un certificat de visite du 25 octobre 2016, un praticien du service de santé des armées a estimé que le sergent-chef C... devait bénéficier d'une deuxième période de congé de longue durée pour maladie d'une durée de six mois et que, par un avis technique du 23 novembre 2016, l'inspecteur du service de santé pour l'armée de l'air avait estimé qu'il n'existait pas de lien potentiel entre l'affection nécessitant ce congé et l'exercice de ses fonctions. La ministre en a déduit que la procédure était régulière. Sur le fond, la décision rappelle que les enquêtes diligentées n'ont pas montré qu'il existerait une volonté manifeste des supérieurs hiérarchiques de l'intéressée de nuire à son épanouissement personnel et professionnel en dépit des dysfonctionnements concernant l'organisation globale du service. Elle précise qu'en revanche, Mme D... a rencontré des difficultés d'ordre personnel, familial et financier, et que son affectation en région bordelaise n'était pas conforme à ses aspirations. La ministre en conclut, au vu de l'ensemble de ces éléments, que le lien entre la pathologie de l'intéressée et ses fonctions n'est pas établi et rejette son recours administratif préalable obligatoire. Ainsi et contrairement à ce que soutient la requérante, la ministre des armées a exercé son propre pouvoir d'appréciation et ne s'est pas bornée à suivre l'avis de l'inspectrice du service de santé pour l'armée de l'air. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qui résulterait de ce motif ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 4138-12 du code de la défense : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie (...) pour les affections dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de huit ans. Le militaire perçoit, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, sa rémunération pendant cinq ans, puis une rémunération réduite de moitié les trois années qui suivent. / Dans les autres cas, ce congé est d'une durée maximale de cinq ans et le militaire de carrière perçoit, dans les conditions définies par décret en Conseil d'État, sa rémunération pendant trois ans, puis une rémunération réduite de moitié les deux années qui suivent. (...) ". Aux termes de l'article 4138-47 du même code : " Le congé de longue durée pour maladie est la situation du militaire, qui est placé, au terme de ses droits à congé de maladie (...) dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions pour l'une des affections suivantes : (...) 3° Troubles mentaux et du comportement présentant une évolution prolongée et dont le retentissement professionnel ou le traitement sont incompatibles avec le service. ". Aux termes de l'article 4138-48 de ce code : " Le congé de longue durée pour maladie est attribué, sur demande ou d'office, dans les conditions fixées à l'article L. 4138-12, par décision du ministre de la défense (...) sur le fondement d'un certificat médical établi par un médecin des armées, par périodes de six mois renouvelables. ".

4. Une maladie contractée par un militaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct mais non nécessairement exclusif avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel du militaire ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 4 novembre 2015 établi à la suite de l'enquête de commandement qui s'est déroulée au cours du mois d'octobre 2015 et de la note du 20 novembre 2015 du colonel commandant la base ..., qu'outre un management défaillant de nature à créer des clans ainsi qu'un climat de rumeurs et de désinformation des musiciens, les restructurations de la base aérienne dans laquelle a été affectée Mme D..., intervenues au cours de l'année 2014, ont été source de tensions. En outre, l'augmentation du nombre des représentations, qui a doublé en dix ans, la réduction des effectifs, la dégradation des conditions de transport et le climat entre les supérieurs hiérarchiques et les musiciens ont été également de nature à engendrer un climat tendu. Le rapport de commandement du 4 novembre 2015 révèle ainsi un milieu professionnel qualifié d'anxiogène, l'angoisse exprimée par les musiciens pour venir travailler, un climat tendu entre les supérieurs hiérarchiques et ces musiciens en l'absence de management dans l'unité, un climat de désinformation et l'existence de clans. Les résultats de cette enquête ont amené le commandant de la base ..., ainsi qu'il résulte de sa note du

20 novembre 2015, à prendre des mesures tendant à la réorganisation de l'unité et à exprimer des recommandations, notamment sur le plan des relations humaines, tout en restant vigilant sur l'état du moral du personnel de la musique des forces aériennes.

6. Toutefois, il ne ressort pas de ces mêmes pièces que les griefs formés par Mme D... à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques puissent être regardés comme la cause de la pathologie dont elle a été atteinte dès lors que les décisions la concernant, objet de ses griefs, ont été prises dans l'intérêt du service. Ainsi, alors qu'il ne ressort pas des fiches de notation de l'intéressée que, depuis son arrivée sur la base de ... et jusqu'à la date de son congé de longue maladie, elle aurait fait l'objet d'une défiance particulière ou d'une discrimination, elle n'apporte à l'appui de ces allégations aucun élément permettant de regarder comme au moins plausibles les propos moqueurs, désobligeants et misogynes dont elle se dit victime de manière répétée depuis sa mutation à ... et de ce qu'elle aurait été mise à l'écart du groupe. Par ailleurs, alors que Mme D... avait sollicité de nombreuses autorisations d'absence pour raisons personnelles, il résulte du courrier du 2 avril 2015 de l'inspecteur général des armées de l'air que les fonctions qu'elle exerçait impliquait une présence " pour pérenniser le bon fonctionnement de l'unité ", de sorte que la requérante ne saurait utilement faire valoir que le poste de soliste ou de co-soliste lui a été refusée, lors de son affectation à ..., en raison de l'animosité portée à son égard par ses supérieurs hiérarchiques, ces postes étant de plus déjà occupés à son arrivée par des musiciens qui donnaient entière satisfaction. Il ne ressort pas davantage de ces mêmes pièces que sa demande de mutation à Villacoublay, fin 2013, résulterait de pressions exercées par sa hiérarchie pour éviter le départ de musiciens de ... dans le cadre d'une restructuration aboutissant à la suppression de deux postes de ... alors que l'intéressée recherchait à se rapprocher de sa famille installée dans la région parisienne. Si la requérante se plaint, par ailleurs, du non renouvellement de son instrument de musique, il résulte de l'audition du commandant d'unité lors de l'enquête de commandement menée en octobre 2015 à la musique des forces aériennes de ... que le non renouvellement des instruments de musique est cité parmi les problèmes de logistique auxquels ce dernier a été confronté et n'est, par suite, pas propre au cas de Mme D.... Si, en outre, par une décision du 11 décembre 2015 du sous-chef de la musique, la requérante a été sanctionnée de trois jours de consigne pour avoir tenu, le 19 mai 2015, des propos irrespectueux, dédaigneux et injustifiés envers le personnel d'une base militaire corse chargé de la logistique d'un concert donné du 18 au 22 mai 2015 et qu'elle s'est vue ensuite refuser un aménagement des modalités d'exécution de cette sanction, il ressort des pièces du dossier, alors même que cette mesure a été ensuite " annulée " par une décision du 2 mai 2017 de la ministre des armées, qu'elle a été prise en fonction de faits précis émanant d'agents extérieurs à sa base d'affectation. Cette circonstance ne saurait, par suite, établir ni le caractère exagéré des faits qui lui étaient reprochés, ni l'intention de sa hiérarchie de prendre à son encontre une mesure vexatoire et injustifiée. Enfin, si Mme D... se plaint qu'entre 2013 et 2015, elle aurait rencontré des difficultés pour obtenir des permissions pour se rendre à des examens médicaux ainsi qu'à des rendez-vous obtenus dans le cadre d'un protocole de fécondation in vitro, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait fait, à cette occasion, l'objet de remarques désobligeantes, ni même d'une différence de traitement ou aurait conduit à sa marginalisation ainsi qu'à une surveillance et à un contrôle disproportionnés, l'intéressée ayant régulièrement obtenu les permissions qu'elle souhaitait pour se rendre à ces consultations alors qu'au surplus, ces autorisations ne peuvent être accordées qu'après s'être assuré du bon fonctionnement de l'orchestre qui nécessite un minimum de répétitions en présence de tous les musiciens, en dehors de leur participation aux concerts.

7. Par ailleurs, si le milieu professionnel a été anxiogène, la commission pluridisciplinaire restreinte de traitement et de lutte contre les risques psychosociaux, constituée le 13 octobre 2015, a, néanmoins, considéré qu'il n'était pas de nature à menacer l'intégrité de Mme D.... La requérante ne produit aucun certificat médical de nature à établir le lien entre la pathologie dont elle était affectée et le service. En particulier, elle ne saurait utilement se prévaloir du certificat établi le 31 août 2016 par le psychiatre de l'hôpital d'instruction des armées Bégin qui l'a reçue en consultation pour un " syndrome dépressif caractérisé dans un contexte de difficultés relationnelles dans la sphère professionnelle ". En effet, si ce certificat, au demeurant succinct, précise qu'elle a bénéficié d'un congé de longue maladie " dans un contexte de fléchissement thymique qu'elle relie à des difficultés professionnelles ", ce constat se borne à reprendre les déclarations de la patiente et ne résulte pas d'un diagnostic porté par le médecin. Dans un avis du 17 juin 2016, l'inspectrice du service de santé pour l'armée de l'air a estimé au vu du certificat médical du médecin des armées du 9 mai 2018, qu'il n'existait pas de lien potentiel entre l'affection dont elle souffrait et l'exercice de ses fonctions. Le 23 novembre 2016, elle a confirmé son avis à l'occasion de la prolongation du congé de longue durée de l'intéressée pour une durée de six mois.

8. En revanche, il ressort également des pièces du dossier que, lors de son affection à ..., Mme D... devait être suivie par son mari. L'employeur de ce dernier a cependant refusé de lui accorder une mutation en qualité de conjoint. Dans ces conditions, le couple a vécu séparé, l'un résidant à ..., l'autre à Paris. En outre, l'enfant du couple, la jeune A..., qui est handicapée, a vécu éloignée de sa mère pour vivre auprès de son père à Paris afin de pouvoir suivre les traitements qui lui étaient nécessaires. Selon l'attestation de l'orthophoniste qui prend en charge l'enfant à son cabinet situé à Paris, la jeune A... a régulièrement bénéficié de trois séances par semaine, chaque mardi, jeudi et vendredi alors que la présence de sa mère était indispensable. De plus, la requérante devait également obtenir des permissions pour se rendre à des consultations dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation. Selon l'attestation d'un médecin de l'hôpital Tenon à Paris du 15 décembre 2016 qui a pris en charge Mme D... de 2013 à 2015, cette dernière s'est présentée de manière sérieuse et régulière à tous les rendez-vous et toutes les convocations nécessaires à la mise en œuvre des techniques médicales qui lui ont été proposées. La nécessité d'obtenir régulièrement des permissions pour se rendre à ces différents rendez-vous a été, ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, source de tension entre Mme D... et sa hiérarchie. Par ailleurs, la requérante qualifie, dans ses écritures, l'aide à la procréation médicale assistée comme un " parcours difficile physiquement et moralement ".

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'environnement familial de Mme D... à compter de son arrivée à la base de ... a été pour elle sources de souffrance, ce qui l'a notamment conduite à émettre le souhait de pouvoir être affectée en région parisienne pour pouvoir rejoindre sa famille, sans pouvoir obtenir le poste qu'elle souhaitait. Elle était également confrontée à la nécessité d'effectuer régulièrement des démarches administratives pour obtenir les autorisations nécessaires afin de lui permettre d'assister aux séances d'orthophonie de sa fille ainsi qu'aux rendez-vous et séances qui lui ont été prescrites dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation sans avoir l'assurance de pouvoir les obtenir eu égard à la nécessité du service, le tout à une époque qu'elle décrit comme " difficile physiquement et moralement " du fait de son suivi à l'aide à la procréation médicale assistée. Il suit de là que le lien direct entre la pathologie de Mme D... et le service dans lequel elle a été affectée depuis 2010 à la musique des forces aériennes de ... ne peut être regardé comme établi. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, ainsi qu'il résulte du

point 6, que cette affection résulterait même partiellement de ses relations professionnelles avec sa hiérarchie ou qu'elle aurait été aggravée par ce contexte de travail, quand bien même celui-ci n'aurait pas été exempt de tous dysfonctionnements.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions litigieuses des 27 janvier 2016 et 28 juillet 2017.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme D... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les demandes présentées par Mme D... devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDEL

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT03223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03223
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : CABINET MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-21;21nt03223 ?
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