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19/07/2022 | FRANCE | N°21NT03177

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 juillet 2022, 21NT03177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2107841 du 21 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1

0 novembre 2021, M. A... C..., représenté par Me Pasteur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 2107841 du 21 juillet 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2021, M. A... C..., représenté par Me Pasteur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 juillet 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 6 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de 48 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté portant transfert est insuffisamment motivé ;

- cette décision révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision est contraire aux articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité de la décision de transfert entache d'illégalité la décision d'assignation à résidence ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit.

Par une lettre, enregistrée le 21 janvier 2022, et un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, le préfet de Maine-et-Loire indique de M. A... C... ne peut plus faire l'objet d'une procédure de réadmission auprès des autorités italiennes et conclut au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant soudanais, relève appel du jugement du 21 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur l'étendue du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de la notification à l'administration du jugement par lequel le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet de Maine-et-Loire pour procéder à l'exécution de la décision de transfert du requérant vers l'Italie a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 21 juillet 2021, du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... C... tendant à l'annulation du jugement du 21 juillet 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté de transfert du 6 juillet 2021.

5. L'arrêté portant assignation à résidence de l'intéressé ayant été exécuté, il y a lieu de statuer sur les conclusions tendant à son annulation, présentées par M. A... C....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

6. En premier lieu, M. A... C... soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision préfectorale du 6 juillet 2021 décidant son transfert aux autorités italiennes.

7. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens invoqués par le requérant, tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée, révèlerait un défaut d'examen de sa situation personnelle et serait contraire aux articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013, 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter aucune précision nouvelle.

8. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Lors de son entretien individuel qui s'est tenu le 27 avril 2021 à la préfecture de la Loire-Atlantique, M. A... C... a déclaré avoir des douleurs permanentes aux oreilles, présenter des taches blanches sur la peau, souffrir d'infections au niveau de la poitrine, avoir mal aux dents et suspecter une tumeur aux organes sexuels. Il se prévaut d'une consultation le 4 mai 2021 à la permanence d'accès aux soins de santé (PASS) du centre hospitalier universitaire de Nantes, au cours de laquelle le médecin lui a prescrit un bilan bucco-dentaires eu égard aux douleurs et caries dont il se plaignait, ainsi qu'un traitement médicamenteux constitué notamment d'antalgique. Il produit également une convocation au centre de vaccination polyvalente du même établissement fixée au 18 juin 2021. Ces seuls documents ne suffisent toutefois pas à établir qu'à la date de l'arrêté contesté, l'intéressé était dans l'impossibilité de voyager vers l'Italie ou qu'il ne pourrait bénéficier dans ce pays de soins appropriés à son état de santé. Dans ces conditions, le requérant, qui évoque en outre les difficultés rencontrées lors de son parcours migratoire, n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités italiennes, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de transfert ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, le moyen invoqué par le requérant, tiré de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter aucune précision nouvelle.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

13. Il est constant que l'arrêté d'assignation en litige se fonde sur la circonstance que M. A... C... a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités italiennes, lesquelles n'ont pas entendu suspendre l'exécution des transferts pour raisons sanitaires, et qu'il justifie, par son adresse domiciliaire, de garanties de représentation suffisantes. Il satisfait ainsi aux conditions prévues à l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté contesté apparaît adapté, nécessaire et proportionné à la finalité qu'il poursuit. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant cette décision doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant assignation à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

15. Si, compte tenu de la caducité de la décision de transfert attaquée, la France est l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile présentée par M. A... C..., le présent arrêt n'implique, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... C... au profit de son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... C... aux fins d'annulation de la décision portant transfert.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juillet 2022.

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

I.PETTON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03177
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : PASTEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-19;21nt03177 ?
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