Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 26 février 2020 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleuse salariée, ainsi que cette décision consulaire.
Par un jugement n° 2010639 du 28 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à Mme E... C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que l'inadéquation entre le profil professionnel de Mme E... C... et le poste pour lequel elle a été embauchée, dont il se déduit un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, est démontrée.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2021, Mme E... C..., représentée par Me Odin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... C..., ressortissante congolaise (République démocratique du Congo) née le 23 mars 1979, a sollicité auprès de l'autorité consulaire française à Kinshasa la délivrance d'un visa de long séjour aux fins d'exercer une activité professionnelle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Par une décision du 26 février 2020, cette dernière autorité a rejeté sa demande. Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 28 avril 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 311-1 du même code : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / (...) 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ". Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 312-2 du même code : " (...) Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". La circonstance qu'un travailleur étranger dispose d'un contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou d'une autorisation de travail, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente refuse de lui délivrer un visa d'entrée en France en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur tout motif d'intérêt général. Constitue un tel motif l'inadéquation entre l'expérience professionnelle et l'emploi sollicité et, par suite, le détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur en première instance, que pour refuser de délivrer le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'inadéquation entre le profil professionnel de Mme E... C... et le poste pour lequel elle a été embauchée, dont il se déduit un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
4. Mme E... C..., qui souhaite travailler en France en tant qu'" employée de vente " pour la société Leubo Exotic Discount, commerce d'alimentation générale, soutient qu'elle est gérante au Congo d'un établissement de vente de tissus venus de l'Afrique de l'Ouest et de denrées alimentaires et qu'elle dispose d'une expérience en matière de vente. Toutefois, les documents produits par l'intéressée sont insuffisants pour établir qu'elle aurait effectivement travaillé en qualité d'employée de vente pendant une durée significative, ou qu'elle justifierait d'un diplôme ou d'une formation correspondant au métier envisagé. Par ailleurs, Mme E... C..., âgée de 41 ans à la date de la décision contestée, ne se prévaut d'aucune attache familiale dans son pays d'origine et ne conteste pas l'allégation du ministre selon laquelle la société Leubo Exotic Discount appartient à son frère, M. D... C... wa C.... Dans ces conditions, en refusant de délivrer le visa sollicité, la commission n'a pas porté une inexacte appréciation sur l'inadéquation de la qualification et de l'expérience professionnelle de l'intéressée à l'emploi proposé et, par suite, sur le risque de détournement de l'objet du visa sollicité. Dès lors, c'est à tort que pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation.
5. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... C... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
6. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prise sur recours préalable obligatoire se substitue à la décision initiale de refus prise par les autorités consulaires. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... C... doivent être regardées comme étant exclusivement dirigées contre la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de l'autorité consulaire, qui est inopérant à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours, doit, dès lors, être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... C... a demandé la communication des motifs de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté sa demande. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France serait entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de Mme E... C....
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 26 février 2020 de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en qualité de travailleuse salariée.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme E... C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 28 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E... C... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,
- M. Frank, premier conseiller,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juillet 2022.
Le rapporteur,
A. A...La présidente de la formation
de jugement,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT01546