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19/07/2022 | FRANCE | N°21NT01540

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 19 juillet 2022, 21NT01540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 9 août 2020 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) lui refusant un visa dit d'établissement en qualité de conjoint de ressortissante française.

Par un jugement n° 2012465 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décisio

n de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 9 août 2020 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) lui refusant un visa dit d'établissement en qualité de conjoint de ressortissante française.

Par un jugement n° 2012465 du 7 juin 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour à M. F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- l'absence de lien matrimonial entre M. A... et son épouse est démontrée ; les époux ne justifient pas de l'existence d'un projet de vie commune ou d'une relation antérieure au mariage.

- les autres moyens soulevés à l'appui de la demande ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2022, M. F... et Mme E..., représentés par Me Rodrigues Devesas, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le versement de la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me Rodrigues Devesas, représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... F... est un ressortissant algérien né le 28 février 1981. Il a épousé le 25 mars 2019 Mme C... E..., ressortissante française née le 17 septembre 1966, et a sollicité un visa d'entrée en France auprès de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) en qualité de conjoint de français. Par une décision du 9 août 2020, cette dernière autorité a rejeté sa demande. M. F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision consulaire. Par un jugement du 7 juin 2021, le tribunal administratif a annulé cette décision de la commission de recours et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, désormais repris à l'article L. 312-3 du même code : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation de mariage ou menace à l'ordre public (...) ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur en première instance, que pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré du caractère complaisant du mariage, conclu à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France du demandeur.

4. M. F... déclare avoir rencontré Mme E... au cours de l'année 2016, dans un restaurant à Chlef (Algérie). Pour justifier de la sincérité de leur union, M. F... a produit les justificatifs de plusieurs voyages effectués par son épouse pour lui rendre visite en Algérie depuis 2019, des factures d'hôtel, ainsi que de nombreux extraits d'échanges par le biais d'applications de messagerie électronique. M. F... produit également des attestations émanant de la famille de son épouse certifiant que les intéressés entretiennent une relation continue et sincère, et que la famille a assisté au mariage du couple en Algérie. Aucun élément produit par le ministre ne permet d'écarter ces pièces et de remettre en cause la sincérité de l'intention matrimoniale des deux époux. Dans ces conditions, en se fondant sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. F..., la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 9 août 2020 de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) lui refusant un visa dit d'établissement en qualité de conjoint de ressortissante française.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. F... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,

- M. Frank, premier conseiller,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juillet 2022.

Le rapporteur,

A. B...La présidente de la formation

de jugement,

C. BUFFET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01540
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-19;21nt01540 ?
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