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19/07/2022 | FRANCE | N°21NT01274

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 juillet 2022, 21NT01274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel la maire de la commune de Nantes lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme, ensuite, d'enjoindre à la commune de procéder à l'effacement de la sanction dans son dossier individuel, enfin, de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805634 du 14 avril 2021, le trib

unal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, tout d'abord, d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 par lequel la maire de la commune de Nantes lui a infligé la sanction disciplinaire du blâme, ensuite, d'enjoindre à la commune de procéder à l'effacement de la sanction dans son dossier individuel, enfin, de mettre à la charge de cette collectivité une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805634 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 mai et 6 octobre 2021, les 4 janvier et 29 avril 2022, M. D..., représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 avril 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 avril 2018 du maire de la commune de Nantes ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux formé le 4 août 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nantes une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a irrégulièrement constaté l'existence pure et simple d'un non-lieu à statuer, dans les circonstances de l'espèce ;

- l'arrêté contesté est entaché de l'incompétence de son auteur qui ne dispose pas d'une délégation de signature régulière ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait ; la sanction est fondée sur des faits matériellement inexacts ; les faits reprochés ne sont pas établis ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation ; l'incident du 11 avril 2017, qui ne révèle aucune faute de sa part, ne justifiait pas une sanction ;

- la sanction contestée est disproportionnée ; il aurait pu compte tenu de l'absence d'antécédents disciplinaires et de la gravité toute relative des faits reprochés, ne faire l'objet que d'un rappel à l'ordre ou tout au plus d'un avertissement.

Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 12 juillet 2021, 4 janvier et 12 mai 2022, la commune de Nantes, représentée par Me Coudray, conclut à titre principal, à ce que soit constaté un non-lieu sur la requête de M. D..., à titre subsidiaire, au rejet de la requête et à ce que la somme de 2500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Plateaux, représentant M. D..., et de Me Dufour, substituant Me Coudray, représentant Nantes Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ingénieur principal au sein de la direction ... de la commune de Nantes, exerce ses fonctions en qualité de responsable du service logistique au service .... Il a fait l'objet, par un arrêté du 3 avril 2018, de la sanction disciplinaire de blâme pour avoir demandé à une de ses subordonnées, lors d'une réunion de service, les motifs de son récent arrêt de travail.

2. M. D... a, le 4 août 2018, formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté implicitement. Il a alors, le 19 juin 2018, saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande rendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 2018. M. D... relève appel du jugement du 14 avril 2021 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande. La commune de Nantes, quant à elle, conclut à titre principal, à ce que soit prononcé un non-lieu sur la requête de M. D..., et à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Sur l'exception de non-lieu :

3. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 relative à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation. / Parmi les sanctions du premier groupe, seules le blâme et l'exclusion temporaire de fonctions sont inscrits au dossier du fonctionnaire. Ils sont effacés automatiquement au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période ".

4. Pour demander à la cour qu'elle prononce un non-lieu à statuer sur le litige, la commune de Nantes fait valoir que M. D... qui a, le 3 avril 2018, fait l'objet du blâme contesté ne s'est vu, depuis lors, infliger aucune autre sanction de sorte, qu'en application du dernier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 cité au point précédent, le blâme a été automatiquement effacé de son dossier individuel et qu'il a cessé de produire effet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'effacement de la sanction contestée et prononcée le 3 avril 2018, est intervenu avant la date de lecture du jugement attaqué, soit le 14 avril 2021, et n'est ainsi pas une circonstance qui est survenue entre la date à laquelle la cour a été saisie de la requête de M. D... dirigé contre ce jugement et celle de la lecture de l'arrêt rendu ce jour, privant d'objet le litige dont elle est saisie. Par suite, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête et d'écarter l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Pour soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité, M. D... se prévaut des dispositions du dernier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 citées au point 3.

6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle se sont prononcés les premiers juges, soit trois ans et onze jours après l'intervention de l'arrêté contesté, cet arrêté, bien qu'effacé automatiquement du dossier de l'agent entre la date d'audience et la date de la lecture du jugement attaqué, ait disparu rétroactivement de l'ordonnancement juridique. D'autre part, il n'est pas établi que cette sanction n'a eu aucune conséquence dans le déroulement de la carrière de l'intéressé ni qu'il ne sera pas fait état dans l'avenir des faits commis et du caractère fautif qui leur est attaché. Dans ces conditions, la demande présentée par M. D... devant les premiers juges ne pouvait être regardée comme étant privée d'objet. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'irrégularité en ne prononçant pas un non-lieu-statuer sur la demande dont il était saisi par M. D....

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Contrairement à ce qui est allégué par M. D..., il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier de l'audience. Le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement pour ce motif ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " (...) Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le maire, autorité détentrice du pouvoir de nomination des agents de sa commune, est seul compétent, sous réserve d'éventuelles délégations consenties conformément à l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, pour infliger des sanctions disciplinaires aux agents de sa commune.

9. En l'espèce, Mme C..., adjointe à la maire, signataire de l'arrêté contesté du 3 avril 2018, a reçu de la maire de Nantes, par un arrêté du 17 novembre 2017 en son article 2, une délégation de fonctions au titre de ses fonctions d'adjointe portant notamment " sur les ressources humaines ", délégation qui ne prévoit aucune limitation au titre de la matière qu'elle vise et doit être regardée, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges qui n'ont pas dénaturé les pièces du dossier, comme incluant nécessairement l'exercice du pouvoir disciplinaire. L'article 3 du même arrêté délègue la signature du maire aux adjoints, notamment pour signer les arrêtés relatifs aux matières déléguées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la sanction du blâme prononcée à l'égard de M. D... est fondée sur les propos tenus lors d'une réunion de service le 11 avril 2017 à l'égard d'une de ses subordonnées, Mme A..., technicienne territoriale, responsable du service ..., par lesquels " il lui a demandé les motifs de son récent arrêt de travail ". Si le requérant conteste avoir exprimé une telle demande, il ressort toutefois des pièces du dossier et en particulier du compte rendu de cette réunion, nécessairement validé par M. D... qui la présidait, que Mme A... indique qu'elle " ne souhaite pas communiquer les raisons de son arrêt ". Complété par le compte rendu d'entretien d'un agent de maîtrise présent à la réunion, ces éléments établissent que le requérant ne s'est pas borné, comme il le soutient, à demander à sa subordonnée si son récent arrêt de travail avait un lien avec ses fonctions, mais a demandé les motifs de son arrêt de travail. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

11. En troisième lieu, compte tenu du positionnement hiérarchique de M. D... et de son expérience de l'encadrement, la sollicitation auprès d'une subordonnée de telles informations, qui ne peuvent être obtenues que lors de procédures particulières de contrôle des arrêts de travail établies par des textes réglementaires auxquelles le supérieur hiérarchique des agents n'est pas associé, dans le cadre d'une réunion de service regroupant d'autres agents parmi lesquels un subordonné de la personne en cause et dans un contexte de tensions au sein du service, révèle un manquement fautif de nature à justifier une sanction disciplinaire. En prononçant la sanction du blâme, sanction du premier groupe, l'autorité territoriale n'a pas pris une sanction disproportionnée aux faits reprochés.

12. Enfin, en quatrième et dernier lieu, M. D... soutient que, même s'il est constant que la sanction litigieuse n'entrait pas initialement dans le champ du conseil de discipline, au sens de l'article19 de la loi du 13 juillet 1983, la commune de Nantes a fait le choix de se soumettre à une telle procédure et devait dès lors la mener régulièrement à son terme. Il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier que le conseil de de discipline a été convoqué ni qu'un rapport préalable a été établi à son intention, ce qui indique que la commune n'a pas entendu mettre en œuvre la procédure de consultation du conseil de discipline. Par ailleurs, l'intéressé a pu consulter son dossier administratif le 8 février 2018 et a présenté des observations le 12 février suivant. Le moyen devra donc être écarté.

13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 3 avril 2018 lui infligeant la sanction du blâme.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement d'une somme que réclame la collectivité en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Nantes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. E... D... et à la commune de Nantes.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, premier conseiller,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 juillet 2022.

Le rapporteur,

O. B...

Le président,

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT01274 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01274
Date de la décision : 19/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : PLATEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-07-19;21nt01274 ?
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