Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite et l'arrêté du 13 juillet 2018 de la présidente du Conseil départemental du Finistère refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 17 août 2016.
Par un jugement nos 1802379, 1803360 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la présidente du Conseil départemental du Finistère (article 1er), a annulé cet arrêté du 13 juillet 2018 de la même autorité (article 2), a enjoint à la présidente du Conseil départemental du Finistère de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 17 août 2016 dans un délai de deux mois (article 3), a mis à la charge de ce département la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4), a rejeté le surplus des conclusions de la demande présentée par M. B... (article 5) ainsi que les conclusions du département du Finistère présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 6).
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 février 2021, le département du Finistère, représenté par Me Poput, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de son arrêté du 13 juillet 2018 et à ce qu'il soit enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 17 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Il soutient que l'arrêté contesté du 13 juillet 2018 n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que la maladie dont souffre M. B... n'est pas en lien direct et certain avec son travail, que M. B... présentait un état pathologique antérieur et que des facteurs exogènes peuvent détacher la maladie du service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2021, M. B..., représenté par Me Buors, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au département du Finistère de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie et de lui verser le rappel de traitement correspondant à la différence entre les sommes qu'il aurait perçues s'il avait été placé en congé de maladie imputable au service et les sommes qu'il a effectivement perçues depuis le 17 août 2016, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que soit mis à la charge du département du Finistère la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête du département est irrecevable et, subsidiairement, que son moyen n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,
- les observations de Me De Soto, substituant Me Poput, représentant le département du Finistère,
- et les observations de Me Buors, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., rédacteur territorial de 1ère classe, employé par le département du Finistère au sein de la direction des bâtiments et services généraux, exerçait depuis le 1er janvier 2015 les fonctions de responsable de l'unité " courriers courriels imprimerie ". Il a sollicité, le 18 octobre 2016, auprès de son employeur la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 17 août 2016. La commission de réforme, saisie par le département du Finistère, a émis le 1er février 2018 un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Toutefois, par un arrêté du 13 juillet 2018, la présidente du conseil départemental a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. B.... Par un jugement du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté et a enjoint à la présidente du Conseil départemental du Finistère de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie déclarée le 17 août 2016 dans un délai de deux mois. Le département du Finistère relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 juillet 2018 :
2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à compter du 1er janvier 2015, la charge de travail de M. B..., devenu responsable de l'unité " courrier-courriel-imprimerie ", a augmenté très nettement à la suite de la réorganisation de ce service consécutive au regroupement de deux unités auparavant distinctes relevant de la compétence de plusieurs responsables. Celle-ci a conduit, d'une part, à la diminution des effectifs d'encadrement, laissant M. B... seul en charge d'une équipe de onze agents auparavant gérés par trois encadrants et, d'autre part, à la diversification de ses missions. La circonstance qu'il n'aurait accompli que peu d'heures supplémentaires au cours de l'année 2015, qu'il n'aurait pas immédiatement été en charge de la gestion des marchés publics se rapportant à ce service, ou que, durant son absence, ses missions auraient été réparties entre plusieurs agents en poste sans nécessiter de recrutement complémentaire, ne suffisent pas à établir que sa charge de travail n'excédait pas celle susceptible d'être confiée à un rédacteur territorial de 1ère classe ou qu'il aurait bénéficié d'un accompagnement particulier lui permettant d'appréhender progressivement ses nouvelles fonctions. Il ressort également des pièces du dossier que son état anxieux a été favorisé sur son lieu de travail par les tensions collectives existantes entre ses agents et le département et par les avis défavorables émis notamment en 2015 et 2016 sur ses demandes de promotion au choix d'attaché territorial, lesquelles ne constituent pas des éléments détachables du service. En outre, le département ne produit, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments de nature à contredire utilement les rapports concordants du médecin psychiatre agréé, du médecin de prévention ainsi que l'avis de la commission de réforme du 1er février 2018, en faveur de la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie en estimant qu'" un lien direct et certain peut être établi entre l'épuisement professionnel de l'agent et ses conditions de travail au sein de son service. ". Dans ces conditions, la maladie de M. B... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions.
5. En second lieu, si la dégradation des conditions de travail de M. B... a pu être liée à son manque de confiance envers sa hiérarchie et à ses déceptions suite aux refus de promotion qu'elle lui a opposés, de tels comportements ne sauraient être regardés comme étant détachables du service. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présentait une prédisposition ou une pathologie psychologique antérieure à l'apparition de son syndrome anxio-dépressif au mois d'août 2016, en dépit de ses traits de personnalité sensible soulignés par les médecins spécialistes. Contrairement à ce que soutient le département, les arrêts de travail qui lui ont été prescrits aux cours des années 2011, 2012 et 2013 ne se rapportaient pas à un problème d'ordre psychologique mais à des douleurs articulaires liées à des postures de travail inadaptées à son handicap, ainsi que l'indiquent les avis du médecin de prévention insistant sur la nécessité d'une meilleure ergonomie de son environnement professionnel. Enfin, aucun fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière établie par les pièces du dossier ne conduisent à détacher la maladie du service, le département se bornant à évoquer, sans apporter aucune précision de date notamment, un différend avec un voisin au sujet d'une place de stationnement. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que la pathologie de l'intéressé devait être regardée comme imputable au service.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. B..., le département du Finistère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté litigieux du 13 juillet 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le tribunal administratif de Rennes a enjoint à la présidente du conseil départemental du Finistère de reconnaître, dans un délai de deux mois, l'imputabilité au service de la maladie de M. B... déclarée le 17 août 2016. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu, ni de réduire ce délai à un mois, ainsi que le demande M. B..., ni d'assortir cette injonction d'une astreinte. Par ailleurs, la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie aura nécessairement pour effet de régulariser sa situation administrative et financière à la date de la décision du 13 juillet 2018 initialement contestée, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction réitérées en ce sens par M. B... en appel.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département du Finistère demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celui-ci une somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du département du Finistère est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. B... sont rejetées.
Article 3 : Le département du Finistère versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département du Finistère et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 24 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, premier conseiller,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.
La rapporteure
V. GELARDLe président
O. GASPON
La greffière
I. PETTON
La République mande et ordonne au ministre de la transformation et de la fonction publiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00331