Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... N'Diaye a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a maintenu à son encontre le rejet de sa demande de naturalisation.
Par un jugement n° 1801779 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 août 2021, Mme N'Diaye, représentée par Me Bremaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa demande de naturalisation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il ne saurait lui être reproché d'avoir omis de déclarer un mariage qu'elle n'a pas contracté ;
- les faits pour lesquels elle a été condamnée en 2018 lui sont inopposables dès lors qu'elle a été réhabilitée de plein droit ;
- en se fondant sur ces faits qui sont anciens alors qu'elle n'est pas auteur de violences, est arrivée en France à l'âge de sept mois, y vit depuis trente-six ans, de manière parfaitement intégrée, grâce à ses ressources personnelles, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septemvre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la circonstance que Mme N'Diaye a été réhabilitée est sans incidence dès lors que sa décision n'écarte pas sa demande comme irrecevable mais la rejette en opportunité ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme N'Diaye a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme N'Diaye relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 17 novembre 2017 portant rejet de sa demande de naturalisation.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. La décision contestée est fondée, d'une part, sur une déclaration de Mme N'Diaye témoignant d'une volonté de dissimuler la réalité de sa situation familiale et, d'autre part, sur les faits de violence dont elle a été l'auteur le 19 juillet 2017.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que dans le formulaire de sa demande de naturalisation, rempli le 2 juin 2016, Mme N'Diaye a indiqué être célibataire et mère de deux enfants. Il ressort pourtant du procès-verbal d'audition dressé le 9 mars 2017 par les autorités consulaires maliennes en poste en France qu'à la date de cette demande, Mme N'Diaye n'ignorait pas que son ancien compagnon avait, le 28 juin 2012, fait établir à son insu un acte de mariage malien la concernant. Toutefois, la requérante, qui démontre par les pièces qu'elle verse au dossier qu'elle ne se trouvait pas au Mali à la date du prétendu mariage, indique qu'elle pensait en toute bonne foi que le document, qui comporte d'ailleurs une erreur quant au patronyme de sa mère, était dépourvu de toute valeur en France. Surtout, dans le cadre de l'instruction de sa demande de naturalisation par les services de la préfecture des Hauts-de-Seine, l'intéressée a, par courrier du 21 septembre 2016 en réponse à une demande de pièces, produit l'acte de mariage en cause et demandé que l'original lui soit retourné pour les besoins de la procédure de divorce qu'elle entendait entamer. Dans ces conditions, en se fondant sur la circonstance que Mme N'Diaye s'était livrée à de fausses déclarations caractérisant une " volonté de dissimuler " la réalité de sa situation, le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
5. Toutefois, en second lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme N'Diaye a été l'auteur, le 19 juillet 2007 à Gennevilliers, de faits de violence qui ont d'ailleurs conduit à une condamnation avec sursis au paiement d'une amende contraventionnelle de 500 euros. Alors même que la requérante a bénéficié d'une réhabilitation pénale, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur de droit, se fonder, dans le cadre de son examen d'opportunité, sur les faits ayant fondé la condamnation. Par ailleurs, s'il ressort des motifs du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en matière correctionnelle, du 24 octobre 2008 que la victime a indiqué avoir été frappée au visage par une personne autre que Mme N'Diaye, cette dernière a néanmoins été reconnue coupable, par ce même jugement, de faits de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours. A la date de la décision en litige, ces faits de violence, commis en 2007, ne présentaient pas une ancienneté telle qu'en se fondant sur ceux-ci le ministre de l'intérieur aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision de rejet en se fondant seulement sur ce second motif.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme N'Diaye n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
8. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme N'Diaye est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... N'Diaye et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,
- M. Bréchot, premier conseiller,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juillet 2022.
La rapporteure,
K. B...La présidente,
H. DOUET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02329 2
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